La question peut paraître très marginale et n’être qu’une illustration de plus de greenwashing parmi d’autres. Après tout, quand on peut être publié, on est suffisamment content et on en oublie volontiers la planète. Ou du moins, on en relègue, sans trop s’en faire, ce que cela suscite de préoccupations dans un des nombreux recoins de sa mémoire. Cependant, l’écologisme concerne désormais de plus en plus de monde et pas seulement les écolos déclarés. A preuve, la masse de livres édités chaque année sur le sujet. Alors que faire quand on a développé une conscience écolo et qu’on veut publier son livre, dont le thème n’a rien de particulièrement écolo, en réduisant le plus possible son empreinte carbone. Autrement dit, quand on veut publier un livre vert.
A y regarder de près, c’est loin d’être une vaine préoccupation. Pour s’en convaincre, il suffit simplement de penser aux 13 % des ouvrages édités chaque année qui finissent au pilon. Autrement dit, aux 60 millions d’exemplaires qui finissent ainsi en cartonnages et en papier toilette. De quoi couper l’envie même d’écrire si cette conscience s’est transformée en absolu. Alors que faire pour préserver cette envie en dépit d’un écologisme devenu militant.
L’édition est-elle une industrie polluante anti livre vert ?
Au delà de tout ce que l’édition peut avoir de sympathique, de libéral, elle n’en est pas moins une industrie, et une industrie doublement polluante.
L’édition est une industrie
On aurait pu croire qu’avec l’émergence, bientôt suivie de son omnipotence, du numérique et l’équipement de la quasi totalité des ménages et, d’ailleurs de tous les agents économiques, en lecteurs de toute sorte, il allait être possible de se passer des imprimés. Que nenni ! Si des efforts ont bien été entrepris dans les administrations privées et publiques pour imposer le zéro papier, le secteur de l’édition publie chaque année toujours autant de livres papier et la part de ses publications numériques n’évolue la plupart du temps qu’à la marge.
Si on se contente de regarder les chiffres clés de l’édition pour 2022 et 2023, on note que les éditeurs publient entre 440 et 450 millions d’exemplaires. On note également que leur chiffre d’affaires est proche de 3 milliards d’euros. Et ce qui est important pour le sujet qui nous intéresse, sur ces 3 milliards, l’édition numérique ne représente en gros que 280 millions et qu’elle a plutôt tendance à stagner.
Ajoutons enfin que l’édition vue dans son ensemble n’a rien d’un secteur artisanal. De fait, si au-delà même de l’édition, on considère tous les agents économiques qu’elle implique, on arrive à un cumul de 80 000 emplois. C’est loin d’être négligeable et on comprend que l’activité que ces emplois génèrent ait des effets sur la bonne santé de la planète. D’autant que ceux-ci peuvent être doublement polluants.
L’édition est une industrie doublement polluante
Pour faire du papier, il faut du bois. C’est l’évidence ! Mais pas seulement, il faut aussi beaucoup d’énergie ! En effet, les bois qui servent à fabriquer la pâte à papier sont écorcés, lavés et broyés. Et on ne parle même pas de toutes les opérations de bucheronnage qui de coupes dans les forêts jusqu’à la préparation des bois pour l’industrie papetière consomment de l’énergie et réduisent la surface forestière dans des proportions qui peuvent être considérables. Tout ce travail constitue la première source de pollution généré par le besoin de papier.
A cela s’ajoutent, bien sûr, les différentes étapes de la transformation du bois en papier et les produits chimiques qu’elle implique. C’est la deuxième source de pollution. Arrivé dans l’usine papetière le bois est chimiquement décomposé et transformé en pâte à papier basique. Ce n’est là qu’une partie du processus qui conduit in fine aux différents types de papier et met en œuvre de lourdes machineries industrielles. Toutes plus dévoreuses d’énergie les unes que les autres.
Poids de l’édition dans la consommation de papier
Quoiqu’il en soit, qu’on se rassure, le poids de l’édition dans la consommation de papier reste limité. Selon les dernières études il est stable et correspond en France à un peu plus de 200 000 tonnes par an. Ce qui correspond à environ 8 % de la consommation totale de papier. Le secteur de l’édition n’est donc pas le principal fautif poussant à la destruction des forêts et à des besoins toujours plus élevés d’énergie.
On ne peut donc être que d’autant plus sensible aux nombreux efforts faits par les éditeurs pour réduire en plus leur empreinte carbone.
Comment les éditeurs font-ils pour réduire leur empreinte carbone et augmenter leur part de livre vert ?
En effet, plus que d’autres consommateurs de papier, les éditeurs ont pris au fil du temps de nombreuses mesures pour réduire leur empreinte carbone et augmenter leurs livres verts.
Une empreinte carbone, c’est quoi ?
Mais avant de voir lesquelles, que faut-il entendre par empreinte carbone. On en parle beaucoup dès qu’on évoque le réchauffement climatique, mais on ne sait pas toujours ce que la notion représente effectivement.
Disons qu’elle correspond à un indicateur qui mesure la quantité de gaz à effet de serre (GES) produite par une activité. Comme l’essentiel des GES est du dioxyde de carbone, on a pris l’habitude d’exprimer cette quantité en Dioxyde de carbone équivalent malgré la présence de cinq autres GES.
Cet indicateur aussi parlant soit-il n’en demeure pas moins réducteur. Il convient donc de garder à l’esprit qu’il ne mesure qu’une fraction de l’empreinte écologique.
Les moyens classiques utilisés par les éditeurs pour réduire leur empreinte carbone et augmenter leur part de livre vert
Les éditeurs comme les imprimeurs, d’ailleurs, ont consentis des efforts considérables pour limiter leur empreinte carbone et, d’une manière générale, leur empreinte écologique. En témoignent les nombreux labels garantissant leur production et leur service dans ce domaine.
Outre les labels généraux comme l’écolabel formalisé dans le règlement européen CE 66/2010, la plupart des acteurs du secteur affichent leur affiliation à l’un au moins des cinq labels qui leur sont spécifiques : PEFC, FSC, NF Environnement, Paper by Nature. Ou encore Imprim’vert. Auquel s’ajoute souvent l’engagement d’éviter le recours aux délocalisations.
Ainsi, par exemple, une plateforme d’autoédition comme CoolLibri garantit à ses clients un service assuré 100 % en France, l’utilisation de produits PEFC, le tout dans le respect des normes ISO 9001 et 14 001 et de celles du label Imprim’vert.
Difficile de faire mieux. Et pourtant, d’autres labels peuvent venir s’y ajouter. Tels que, par exemple, l’écolabel nordique, au joli nom de cygne blanc. Ou dans le même registre, l’écolabel allemand au nom tout aussi poétique d’Ange bleu.
Bon, et si ce n’est pas encore suffisant, on peut toujours se reporter à la liste de près d’une centaine d’éco labels établie par l’ADEME pour trouver meilleure chaussure pour son pied.
Cinq éditeurs militants du livre vert
Quoiqu’il en soit, certains éditeurs, la plupart du temps indépendants, veulent aller plus loin dans leur approche de l’édition du livre vert. Il ne s’agit pas là d’une approche exclusivement dédiée à la publication de contenus centrés sur la sauvegarde nécessaire de la planète, mais d’une conception du métier d’éditeur qui dépasse le simple respect d’un label.
Une démarche éthique et écologique
D’une manière générale, leur démarche est à la fois éthique et écologique. Le papier qu’ils utilisent est pour l’essentiel du papier recyclé et issu de forêts à gestion durable. Les encres auxquelles ils ont recours sont forcément végétales et ils excluent les vernis chimiques. Les formats d’impression sont conçus de telle sorte qu’ils permettent de limiter au maximum la gâche de papier. Enfin, ils réduisent le plus possible leur empreinte carbone en faisant en sorte de produire à côté de chez eux.
Des éditeurs militants du livre vert
Les éditions de la plage, nombre 7, La mer salée, Cornaline, A la cabane bleue, s’efforcent de suivre ces principes. Compte tenu de leur petite taille, voire de leur fonctionnement artisanal, certains, comme Cornaline, y ajoutent le souci de ne produire que ce qui est immédiatement nécessaire. Ce qui a pour effet de réduire leur stock de livres quasiment à zéro et de ne les produire qu’à la demande.
Editeurs du livre vert à Paris et dans l’ouest
- Les éditions de la plage. Elles se définissent comme une maison d’édition éco-responsable et s’est spécialisée dans les ouvrages du « vivre autrement« . Elle a été créée à Paris en 1994 par Laurence Auger et Jean-Luc Ferrante. Tous ses auteurs sont des spécialistes et des experts issus du terrain.
- La mer salée. Domicilié à Rezé, dans le pays nantais, l’éditeur s’est donné comme slogan « Les utopies d’aujourd’hui sont les évidences de demain » et comme mission d’être une maison d’édition « semeuse d’utopies, pour un monde audacieux, respectueux des êtres et du vivant. » Pour finir, elle se définit comme une « maison indépendante en persévérance écologique. »
- A la cabane bleue. Comme le dit son site de manière très explicite :
La cabane bleue publie des livres pour sensibiliser les enfants à la protection de la planète, dans une démarche 100 % éco responsable.
A noter que la maison co-fondée, dans les Pays de Loire, à Rezé, par Sarah Hamon, avec de forts engagements fait partie de nombreuses associations militantes telle que Ecologie du livre ou Coll.LIBRIS.
Editeurs du livre vert du Centre et du sud
- Nombre 7 éditions. La maison, située à Nîmes, se signale surtout par un modèle d’édition innovant. En contrepartie de l’achat par l’auteur d’un certain nombre d’ouvrages à prix remisé, ce dernier bénéficie d’un service d’édition classique avec des droits d’auteur sensiblement plus élevés que la moyenne.
- Cornaline. La maison est récente. Elle a été fondée en 2023 par Yoan et Hervé Meiffren, le père et le fils, en Auvergne, à Cournon d’Auvergne. Spécialisée dans l’édition de BD engagée comme « La connerie humaine », mais pas que, elle a notamment pour principes de rémunérer les auteurs à leurs juste valeur et de privilégier les petits tirages pour éviter les gaspillages.
Tout le monde peut écrire un livre vert
En résumé, tout le monde peut écrire un livre vert. Il n’est pas nécessaire pour ça d’avoir un contenu écolo et encore moins militant. Même si, du fait de cette volonté d’écrire et de publier un livre vert, il en résulte des prises de position naturellement pro planète qui vont se retrouver, d’une manière ou d’une autre, dans le contenu.
Il est, en effet, toujours possible de privilégier des éditeurs et des imprimeurs dont la politique environnementale, à base de labels verts et de pratiques vertueuses, mérite le plus grand respect, plutôt que d’autres pour lesquels c’est le cadet de leurs soucis.