On a tous en mémoire au moins une fable de La Fontaine. On sait donc que les animaux peuvent être d’excellents personnages pour raconter une histoire. Oui, mais, ces histoires doivent-elles être obligatoirement des contes ou des fables ? Eh, bien non ! C’est déjà ça. Les exemples ne manquent d’ailleurs pas qui le démontrent amplement. Mais, peut- on encore écrire ce genre d’histoires, au jour d’aujourd’hui ? Est-ce qu’un roman dont les personnages sont des animaux  ne fait pas un peu ringard ou gamin ? Ce sont là quelques unes des questions que peut se poser tout auteur, avant de se lancer dans l’écriture d’un livre exploitant l’énorme richesse que recèle la vie animale. Sauf que, c’est quoi au juste cette richesse et en quoi mérite-t-elle une attention particulière ?

Ce qui peut servir à l’écriture d’un roman dont les personnages sont des animaux 

Descartes et les animaux
Descartes et les animaux

 

Descartes et les animaux

Depuis Descartes (1596 -1650), à l’origine du cartésianisme, il est de bon ton pour les esprits rationnels de considérer les animaux, au mieux comme des êtres vivants très limités, sans âme, ni conscience, au pire, comme de simples machines biologiques. Tout vient de sa lettre au Marquis de Newscastle dans laquelle il écrit :

Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m’en étonne pas ; car cela même sert à prouver qu’elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu’une horloge, laquelle montre bien mieux l’heure qu’il est que notre jugement ne nous l’enseigne.

Aujourd’hui, on ne manque pas de trouver l’argument un peu spécieux. Depuis l’époque de Descartes, la science, avec la zoologie, et surtout l’éthologie, a fait des pas de géant et on dispose désormais de nombreux exemples qui montrent que les animaux sont bien plus que des machines.

Ce que dit la science 

D’une manière générale, le premier pas vers la réhabilitation de l’intelligence animale a consisté à modifier les paramètres de son évaluation. Pourquoi faudrait-il, en effet, évaluer les capacités cognitives des animaux de la même façon que celles des êtres humains ? 

Si l’intelligence doit être entendue comme étant la capacité à s’adapter à son environnement, beaucoup d’êtres vivants sont alors superbement intelligents. Même s’ils n’ont ni langage, ni conscience de soi, ni de ces capacités proprement humaines, pour l’exprimer.

Les 10 animaux les plus intelligents

Du point de la science, certains animaux tirent particulièrement bien leur épingle du jeu, côté capacités cognitives. Ce qui peut être naturellement bon à savoir pour tout auteur mettant en scène des animaux.

Dans cette liste on trouve, ainsi, aux tout premiers rangs : 

  • La pieuvre. Elle possède un immense cerveau. On a pu en observer en train de jouer finement avec des plongeurs. 
  • Le cochon. Il compterait parmi les animaux les plus intelligents et les plus sociables de la planète. Il a, par ailleurs, une excellente mémoire à long terme.
  • Le corbeau. Il est capable d’inventer et d’utiliser des outils ! Il aurait la même intelligence qu’un enfant de 7 ans.
  • Le pigeon. La densité de ses neurones cérébraux est 6 fois plus élevée que celle d’un cerveau humain.
  • La vache. elle sait ce que c’est que l’amitié et l’amour maternel.
  • L’éléphant. Il peut se souvenir du trajet menant à une source située dans un rayon de 600 km.
  • Le chien. Il peut comprendre jusqu’à 1000 mots humains. Il comprend parfaitement la nature des relations interhumaines.
  • Le chat. Il a deux fois plus de neurones que le chien. Très observateur, il se souvient de beaucoup de choses.
  • Le dauphin. Pour certains scientifiques, on devrait traiter un dauphin comme une personne non humaine
  • Le singe. Il sait manier les règles de la politique, apprendre de ses erreurs, et même se soigner. 

En résumé, Descartes avait tort. Comme souvent, ce n’est pas parce qu’on ne voit pas, que c’est inexistant. Cela dit, même sans faire particulièrement référence à la science, quelques auteurs illustres ont compris qu’ils pouvaient mettre en scène des animaux pour le plus grand profit de leurs lecteurs et sans tomber dans le ridicule.

 

Les exemples illustres de roman dont les personnages sont des animaux

Les fables de La Fontaine

L’auteur auquel on pense tout de suite quand on veut écrire un roman dont les personnages sont des animaux, c’est, bien évidemment, Jean de La Fontaine (1621-1695) et ses célèbres fables. A tel point qu’on en a oublié ses  contes et nouvelles en vers. Il est vrai qu’ils sont beaucoup moins animaliers et beaucoup moins moralisateurs.

Les exemples illustres: La Fontaine
Les exemples illustres: La Fontaine

Cela dit, qui ne connaît ces vers immortels et tellement frappés au coin du bon sens : 

La Cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue, quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine chez la Fourmi sa voisine, la priant de lui prêter quelque grain pour subsister jusqu’à la saison nouvelle. 

A vrai dire, si l’idée que les fourmis soient industrieuses ne choque personne à les voir s’agiter en permanence pour ramener quelque chose dans leur fourmilière, il est, en fait, beaucoup plus difficile de dire ce qu’il en est réellement pour les cigales.

Tant il est difficile de les approcher ! A l’opposé des fourmis ! Ce qui autorise naturellement toutes les extrapolations sur leur comportement. Bien vu, côté auteur !

D’auteurs auteurs ont fait des animaux les personnages principaux, mais pas uniques, de leur œuvre. Citons, par exemple, les contes de ma mère l’Oye, de Charles Perrault (1628-1703), ou encore, les contes (1812) des frères Grimm

Les animaux seraient-ils l’idéal pour illustrer des contes et des fables ? On pourrait le croire à la suite de ces exemples, mais, d’autres auteurs, notamment, du XIXe et du XXe  siècle ont montré avec brio que les animaux  pouvaient être aussi de beaux personnages de roman ou de nouvelle.

Le livre de la jungle de Rudyard Kipling

Qui ne connaît la panthère Baghéera, le tigre Shere Kahn et le jeune Mowgli, personnages mythiques que le film de Disney a popularisés à la fin des années 70 ? C’est toujours avec un très grand plaisir qu’on regarde l’ours Baloo et le jeune Mowgli chanter et danser sur l’air de « il en faut peu pour être heureux. »

Le Livre de la jungle et le Second livre de la jungle ont été écrits par Rudyard Kipling, en 1894 et 1895. Il ne s’agit plus de contes ou de fables, mais de nouvelles. Par ailleurs, les personnages liés à Mowgli passent, en général, d’une nouvelle à l’autre. Ce sont des personnages reparaissants à la manière de ceux de la Comédie humaine de Balzac

L’ambition qui traverse ces nouvelles est, au fond, celle que Rudyard Kipling a condensé dans son poème IF écrit à peu près à la même époque que son livre de la jungle. De ce point de vue, le livre de la jungle peut être considéré comme un roman d’apprentissage, un Bildungsroman, dont les personnages sont des animaux.

La ferme des animaux de Georges Orwell 

La ferme des animaux est une petit ouvrage écrit par Georges Orwell, l’auteur de 1984, en 1945. Les personnages principaux sont des cochons, mais les péripéties de l’histoire ressemblent furieusement aux épisodes de la révolution bolchévique des années 20.

Indiscutablement, elle est un prétexte à la description et à l’analyse du phénomène totalitaire. On est loin des contes moraux, même si la forme s’en rapproche.  Michel Onfray s’est d’ailleurs  servi de l’ouvrage de Georges Orwell comme fil conducteur pour écrire  sa « Théorie de la dictature » qui, elle, n’a rien d’un roman.

L’appel de la forêt de Jack London

Là, foin de théories savantes, de contes ou de fables, avec l’Appel de la forêt, Jack London a écrit un roman naturaliste, un vrai. Le roman, qui date de 1906, raconte l’histoire de Buck, un chien loup, enlevé à ses maîtres, et qui, après de multiples aventures, finit par retrouver la vie sauvage. 

C’est une belle histoire de résilience, d’amour et de fidélité. Le roman a été de nombreuses fois adapté au cinéma. Comme, d’ailleurs, son autre roman célèbre, Croc-Blanc.

Principes d’écriture d’un roman dont les personnages sont des animaux

D’un manière générale, on peut dire qu’il y a deux manières d’écrire un roman dont les personnages sont de animaux. 

Principes d'écriture d'un roman dont les personnages sont des animaux
Principes d’écriture d’un roman dont les personnages sont des animaux

La totemisation, ou l’art de plaquer des attitudes humaines sur des formes animales 

Le principe est simple. On se sert de l’image habituellement véhiculée par un animal, et on le fait agir comme s’il s’agissait de celle d’un être humain.

On en a un bel exemple avec Kaa, le python du livre de la jungle. Depuis le Genèse, les serpents n’ont pas bonne presse. C’est à cause de lui qu’Adam et Eve sont chassés du Paradis. Rien d’étonnant donc à ce que Kaa regarde le petit Mowgli comme une gentille proie à avaler. Le Christ est, de son côté, on ne peut plus clair quand dans l’évangile de Matthieu (23:33) il dit ;

vous serpents, vous génération de vipères, comment pouvez-vous  échapper à la damnation de la géhenne.

Bref, le serpent, c’est pas triste et c’est bon pour exprimer, ou incarner, des attitudes négatives ou malfaisantes.  A l’inverse, l’agneau bénéficie d’une image de douceur et de tendresse. Quand on en voit un, on a envie de le prendre dans ses bras. Sans surprise, c’est aussi l’image utilisée dans la bible pour symboliser le Christ ressuscité, dit aussi « Agnus Dei ». 

Ces deux exemples montrent combien des textes traditionnels peuvent aider à définir des personnages quand on s’est donné pour but d’écrire un roman dont les personnages sont des animaux. La Bible peut être une bonne source de références, mais on peut aussi se référer aux grands textes mythologiques sumériens, égyptiens ou grecs. 

 

Respecter l’expression réelle des sentiments des animaux 

Plutôt que de partir des références traditionnelles se rapportant à tel ou tel animal, on peut aussi considérer l’animal tel qu’il est et tel que l’éthologie permet de le comprendre. C’est indiscutablement un « plus ». 

Dans la Bible, le bœuf, l’âne, le mouton jouissent d’une bonne image. Laquelle est liée à leur présence dans la crèche au moment de la naissance de Jésus Christ. Mais, on n’y évoque pratiquement jamais le chien. Or, les découvertes des paléontologues et des éthologues montrent combien le chien est indissolublement lié à l’homme depuis les origines.

Dans son livre intitulé « Le chien : le plus bel ami de l’homme« , Patrick Pageat montre comment sans le chien, l’homme n’aurait jamais pu conquérir la planète et combien il a été indispensable à son expansion sur toute la surface de la terre.

D’autres ouvrages, tel que celui, passionnant, de Frans De Waal, intitulé « Sommes-nous trop bêtes pour comprendre l’intelligence des animaux ? » ont recensé tout ce que les animaux pouvaient faire et comprendre. On y retrouve, naturellement, les animaux figurant dans la liste des 10 animaux les plus intelligents.

Et si on n’aime pas lire, on peut toujours rendre visite à l’un de ces nouveaux zoos, ou plutôt parcs animaliers, tel que l’exemplaire et très didactique Bioparc de Doué-la-Fontaine.

 

L’antispécisme dans tous ses états

A la suite de l’évolution des connaissances sur le comportement des animaux désormais bien éloignée des conceptions sommaires de Descartes, certains auteurs et amoureux des animaux sont allés jusqu’à considérer que les animaux devaient être considérés comme des personnes à part entière et jouir de droits spécifiques à leur état.

C’est ce qu’on appelle l’antispécisme. De ce point de vue, il n’y a ainsi plus à faire de hiérarchie entre les espèces, toutes étant également respectables. Cette pensée sous tend, notamment, les mouvements végans et les partis animalistes.

Ecrire un roman dont les personnages sont des animaux est, on le voit, on ne peut plus tendance.

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