A première vue, la réponse à la question posée dans le titre du post est facile. Rien de plus antinomiques que l’écriture et le sport. On peut même dire que de l’avis général un écrivain ne peut pas être en même temps un sportif et inversement. Sauf qu’en disant cela, on a immédiatement conscience que cette opposition de nature ne correspond pas à la réalité. Il y a des écrivains sportifs et des sportifs écrivains. Mais est-ce bien de cela qu’il s’agit ? Ne faut-il pas plutôt comparer des qualités ? Celles qu’on attend d’un sportif et celles qu’on attend d’un écrivain. Qualités qui sont nécessaires aussi bien à l’un qu’à l’autre pour réussir son challenge. Ecrire un livre pour l’un, réussir un chrono ou une ascension difficile pour l’autre. On voit bien maintenant où on veut en venir. Dès lors en quoi ces qualités sont-elles comparables et en quoi, sont-elles différentes.

Ecrire est une performance 

Ecrire est une performance  - coollibri.com
Ecrire est une performance  – coollibri.com

La détermination, première qualité partagée par le sportif et l’écrivain

Nul doute que se lancer dans l’écriture d’un livre constitue, d’une manière ou d’une autre, une prouesse. Comme ça l’est pour un sportif  voulant gagner une compétition. A ce stade, on ne parle pas encore de performance. Il s’agit juste d’aller jusqu’au bout de son projet. Terminer l’écriture d’un livre dans un cas, gagner une compétition sportive, si petite soit-elle, dans l’autre.

Notons que de ce point de vue, on ne parle pas de simplement participer. Autrement dit, d’écrire quelques pages dans un cas, de faire quelques courses matinales dans l’autre.  Pour que ça compte, il faut un objectif. Si cette condition est remplie, ce qu’on peut dire, c’est que la première qualité d’un écrivain comme d’un sportif, c’est la détermination. Ou encore, la volonté. Celle de finit d’écrire un livre et celle de gagner une course. Quelles que soient les circonstances. 

Mais sportif et écrivain partagent une autre qualité quand ils s’y donnent vraiment. C’est leur sens de leur préparation.

Deuxième qualité que partagent l’écrivain et le sportif, la préparation ou la mise en condition 

Pas plus qu’on se lance dans une compétition sans s’y préparer, on ne se lance dans l’écriture, comme ça. Les mains dans les poches et le nez en l’air. Quoiqu’on puisse faire remarquer que c’est bien ainsi que l’inspiration vient soudainement envahir, comme la grâce, l’esprit de l’auteur. Les exemples ne manquent pas d’une telle efflorescence pour peu qu’on les recherche. Cela fait partie de la mystique de l’écrivain.

Pour autant si dans un cas on enchaîne les gestes techniques et les entrainements et que dans l’autre, on semble ne rien faire, dans l’attente d’une hypothétique inspiration, c’est pourtant bien le même souci de se mettre en condition que partagent l’écrivain et le sportif. 

Tandis que celui-ci fait des exercices pour augmenter ses capacités physiques et mentales, cet autre, qu’est l’écrivain, ne fait en réalité pas autre chose. Certes ce dernier donne l’impression de ne rien faire, mais ce n’est qu’une impression. En fait, son livre, il y pense tout le temps.

Ainsi, par exemple, il n’arrête pas de lire et d’observer. Naturellement sur les sujets qui lui tiennent à cœur ou en rapport avec eux.  Ce qu’il va en déduire va forcément se retrouver dans le schéma narratif qui se met peu à peu en place dans sa tête, puis dans ses premiers brouillons. 

Ecrivain et sportif, font face aux mêmes doutes

On a été tenté de mettre le mot doute au pluriel, mais si l’écrivain engagé dans l’écriture d’un livre et le sportif engagé lui dans une compétition semblent douter de façon différente, en réalité, leurs doutes sont, au fond, de même nature. D’où la détermination et la préparation comme qualités premières. L’une et l’autre aident à en franchir les obstacles.

Le premier de ces doutes, qui les résument tous, c’est la peur de ne pas pouvoir y arriver. Syndrome de la page blanche, médiocrité des performances pendant les entrainements,  découragement, blessure, maladie, problèmes familiaux, professionnels,  etc. , à un moment donné, tout semble concourir pour faire douter l’écrivain et le sportif de la même façon. Et l’un comme l’autre finissent par se dire, à ce moment là, qu’ils ne sont pas faits pour réussir ce qu’ils ont rêvé de faire.

C’est alors qu’il leur faut puiser exactement dans les mêmes ressources mentales pour remonter la pente, être plus déterminé que jamais et redoubler d’efforts pour augmenter leurs performances. Sans penser à rien d’autre. Cette proximité entre l’écrivain et le sportif est telle que parfois l’écrivain est aussi un sportif accompli et le sportif lui-même se mue en écrivain n’ayant rien à envier aux grandes et petites figures des gens de lettres. C’est le temps de l’écrivain sportif ou du sportif écrivain.

Ecrivain et sportif, un « en même temps » hautement productif

Murakami - coollibri.com
Murakami – coollibri.com

L’écrivain sportif

C’est l’écrivain qui pratique régulièrement un sport. Suffisamment sérieusement pour qu’on puisse dire de lui que c’est un sportif, mais à pas de telle façon qu’il pourrait passer pour un sportif accompli à qui il ne manque que les compétitions pour en être un, définitivement.

Un des écrivains sportifs les plus emblématiques est incontestablement l’écrivain japonais Haruki Murakami. Né en 1949, l’écrivain est mondialement connu et a été plusieurs fois pressenti pour recevoir le prix Nobel.

Ce qui ne l’aurait pas nécessairement comblé puisque selon lui lorsqu’un écrivain commence à recevoir des prix, c’est qu’il n’est pas loin d’être fini. Remarque digne d’un auteur post moderne, ce qu’il est  assurément, et qui ne l’a pas empêché d’avoir été, avec le temps, notablement récompensé .

Toujours est-il qu’en ce qui concerne le sport, il prétend que c’est grâce à sa pratique quotidienne de la course à pied – près de 10 kms par jour, 6 jours par semaine – qu’il a développé ses techniques de romancier.

Savoir faire reposer une  intrigue, la relancer, garder le moral, tout ce savoir-faire, il le doit largement à son expérience de marathonien. Il s’en explique d’ailleurs longuement dans « Autoportrait de l’auteur en coureur de fond ».

Haruki Murakami est-il unique en son genre ? Eh bien pas du tout ! Les écrivains célèbres, et moins célèbres, d’ailleurs, qui sont aussi d’excellents sportifs sont légion. Julien Legalle a brossé le portrait de 14 d’entre eux dans un livre publié aux éditions du Volcan, maison d’édition qui s’en est fait une spécialité.

Le sportif écrivain

Denis Grozdanovitch - coollibri.com
Denis Grozdanovitch – coollibri.com

Mais si de grands noms de la littérature ont écrit sur le sport, de grands noms du sport se sont aussi fait écrivains. Laissons de côté les récits de vie écrits pour les fans. Les « Ma vie sur les greens » et autres  » Le rugby dans le sang ».

Toujours intéressants par la somme d’expériences dont ils rendent compte.  Voyons plutôt ces sportifs devenus peu à peu des écrivains à part entière. Comme, par exemple, Denis Grozdanovitch.

Né en 1946, Denis Grozdanovitch a été plusieurs fois champion de France de Tennis, de Squash et de Courte paume. De même que professeur dans chacune de ces disciplines.

C’est aussi un très bon joueur d’échec. Sa carrière littéraire commence en 2002 avec la publication de son « Petit traité de désinvolture » publié par les éditions Corti. Une quinzaine d’ouvrages suivront principalement sous forme d’essais et de récits.

Sa technique renvoie à la tradition des mélanges où un auteur « mélange » sur un thème donné des choses vues, des anecdotes, des notes de lecture et des réflexions morales ou philosophiques. Pour l’essentiel ses sources sont celles qu’il a reporté au fil des jours dans ses carnets.

En lisant ses multiples observations, comme si de rien n’était et toujours un peu malicieuses, on pense à ces autres grands moralistes classiques que sont Chamfort ou Vauvenargues. Outre le toujours très actuel Petit traité de désinvolture, on peut lire avec profit son « L’art difficile de ne presque rien faire » ou encore « Le génie de la bêtise ».

L’association des écrivains sportifs

Tristan Bernard – coollibri.com

Preuve ou belle illustration d’un compagnonnage naturel, écrivains sportifs et sportifs écrivains se retrouvent honorés et valorisés au sein de l’Association des Ecrivains et Sport, l’AES, créée par le dramaturge et arbitre de boxe, Tristan Bernard, en 1931.

Son but : promouvoir le sport dans toutes ses dimensions culturelles et éducatives à travers la littérature et toutes autres formes de médias. Son idéal : le perfectionnement humain à travers l’idéal sportif.

Outre les évènementiels auxquels elles participent, l’AES attribuent chaque année un certain nombre de prix dont les plus prestigieux sont le prix du Beau livre, le prix du documentaire sportif et surtout le Grand prix Sport et Littérature

En 2023, ce dernier a été attribué à Pierre Assouline pour son très beau livre intitulé « Le nageur », publié par les éditions Gallimard. 

Le sport est-il l’école de la vie dont parle tous les écrivains du sport ?

En tout cas, si on regarde les statistiques, le nombre des associations qui s’y consacrent est phénoménal. Il doit bien y avoir une raison à cela. Et c’est sans doute que le sport aide indubitablement à grandir.

Ou du moins, le devrait. A voir certaines attitudes de quelques champions, heureusement rarissimes, on peut parfois se le demander. Ils n’ont sans doute pas assez lu.

Quoi qu’il en soit comme le remarquent les très sérieux auteurs d’une fiche sur le sport en France : 

La place du sport en France ainsi que son enracinement dans tous le champs de notre vie quotidienne en font un élément incontournable.

On ne saurait mieux dire. Moyennant quoi on décompte pas moins de 109 fédérations  reconnues, 360 000 associations sportives, dans lesquelles œuvrent 3,5 millions de bénévoles au service de près de 20 millions de licenciés. Quant aux simples pratiquants, ils sont près de 40 millions. 

Bref, le sport, ça compte !  Rien d’étonnant à ce que cela soit un bon thème d’écriture.

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