La question peut paraître incongrue, voire même complètement inutile. Car aucun auteur n’imagine envoyer à un éditeur un manuscrit entièrement écrit à la main, c’est-à-dire avec un stylo-plume. Et si on avait tort de le penser ?

D’abord, les amateurs de stylo-plumes sont loin d’avoir disparu. Ils forment le gros des bataillons des collectionneurs de stylo-plumes. Et ils sont légion.

Les sites et les forums qui leur sont dédiés sont d’ailleurs très animés. Quant aux stylo-plumes les plus mythiques tels que, par exemple, un Omas, Almirante Christophe Colomb ou un Namiki, Empereur Rakucho, ils peuvent atteindre des sommes astronomiques dans les salles de vente.

Mais, indépendamment de cet aspect qui fait du stylo-plume un objet d’art, ou au contraire à cause de cet aspect, certains auteurs ne peuvent écrire, et surtout bien écrire, que s’ils ont entre les mains un stylo-plume digne de ce nom. Alors comment concilier son goût pour l’écriture avec un stylo-plume avec les contraintes de l’édition ?

Pourquoi et comment choisir un stylo-plume ? 

Pourquoi écrire avec un stylo-plume ? 

On l’oublie trop souvent, mais l’écriture est aussi un acte charnel. Quand on prend en main son stylo-plume, qu’on le glisse entre le pouce et l’index, qu’on le penche pour le mettre en position d’écriture, on se sent prêt à faire naître tout un monde nouveau au gré des volutes d’encre qui s’alignent sur le papier. Difficile de ressentir la même chose avec les touches d’un clavier d’ordinateur, dont la frappe mécanique se traduit par des mots uniformes sur un écran blanc.

 

Pourquoi écrire avec un stylo-plume ?
Pourquoi écrire avec un stylo-plume ?

 

D’évidence, l’inspiration ne peut pas être la même. D’un côté, les idées peuvent fuser et s’entrelacer en désordre, de l’autre, à peine nées, elles doivent s’ordonner et répondre à la demande. Ce n’est pas du tout le même genre de « rentabilité ». Et de fait, les plus grands auteurs ont toujours écrit avec un stylo-plume. Quelle que soit l’évolution du matériel d’écriture

Citons, entre autres :

  • Neil Gaiman, auteur de romans et de BD, né en 1960, qui ne se sépare jamais de son stylo-plume Visconti, Rembrandt ou Van Gogh, au demeurant très abordable.

 

  • Stephen King, le maître incontesté du fantastique, né en 1947, qui lui a jeté son dévolu sur un Waterman. Sans doute, un Waterman Le Man

 

  • Plus loin dans le temps, Virginia Woolf (188-1941) qui écrivait, quant à elle, avec un solide Montblanc Meisterstuck. La maison lui a d’ailleurs dédié une série limitée avec le Montblanc Virginia Woolf n°10333, édition limitée écrivains. 

 

  • Ou encore, André Malraux, qu’on ne présente plus, qui ne se séparait jamais de son Parker Vacumatic

Comment choisir un stylo-plume ?

Tous les stylo-plumes ne se valent pas. Loin de là ! Et si on veut vraiment ressentir le plaisir d’écrire avec un stylo-plume, il faut savoir prendre son temps pour bien le choisir.

Son prix est, bien sûr, important, mais ne doit pas être le seul critère à prendre en compte. En effet, un bon stylo-plume pour un écrivain, c’est un stylo-plume avec :

  • Une plume ni trop ferme, ni trop souple.
  • Une taille et un poids correspondant à sa main.
  • Un corps ni trop fin, ni trop gros.
  • Un système de remplissage sécurisé.
  • Une esthétique irréprochable.

 

Comment choisir un stylo-plume ?
Comment choisir un stylo-plume ?

 

Moyennant quoi, comme l’a écrit Roland Barthes : 

En définitive, je reviens toujours aux bons stylos à encre. L’essentiel, c’est qu’ils me procurent cette écriture douce à laquelle je tiens absolument. 

Pour faire son choix, on peut se tourner du côté des fins connaisseurs comme les animateurs de la revue Le Stylographe ou lire le beau livre de Jean-Pierre Guéno, Bruno Lussato et Kimiyasu Tatsuno, intitulé « Un amour de stylo« , édité avec l’aide du Musée de la Poste Robert Laffont. 

 

Roland Barthes
Roland Barthes

 

Comment concilier l’écriture avec un stylo-plume avec les contraintes de l’édition

Cela dit, on comprend que les formes modernes de l’édition puissent rendre difficile l’usage du stylo-plume. Les typographes à l’ancienne, capables de déchiffrer un manuscrit et de le matérialiser avec des caractères en plomb, n’existent plus. Et les éditeurs eux-mêmes demandent de plus en plus à ce que les manuscrits leur soient envoyés par mail. Par conséquent, quand donc utiliser son stylo-plume sans craindre de devoir réécrire son manuscrit pour le transformer en tapuscrit ?

Réserver l’écriture avec un stylo-plume à la prise de notes

On peut tout d’abord réserver l’usage de son stylo-plume à la prise de notes. Écrire, c’est toujours à un moment ou à un autre faire une recherche documentaire. Quel que soit le genre pour lequel il écrit, tout écrivain consulte des documents, s’entretient avec un plus ou moins grand nombre de personnes, formalise des idées, ébauche des plans, etc. et en garde la trace. Le plus souvent dans un cahier d’écolier ou un carnet.

 

Réserver l'écriture avec un stylo-plume à la prise de notes
Réserver l’écriture avec un stylo-plume à la prise de notes

 

L’un et l’autre sont bien plus disponibles qu’un ordinateur, surtout si c’est un ordinateur de bureau, et de tout façon beaucoup plus explicite que des notes enregistrées à la va-vite sur un smartphone et pas toujours faciles à retrouver. Même avec l’aide de logiciels spécialisés comme, par exemple, Evernote.

Écrire un journal intime

Un journal intime n’est pas réservé aux seules périodes de l’adolescence. Il peut prendre bien des formes et à tout âge. C’est le « lieu » où il est possible de tout écrire et d’y coucher sur papier les pensées les plus secrètes. On veut l’avoir près de soi, le toucher et pouvoir le mettre dans des endroits inaccessibles aux personnes non autorisées. C’est-à-dire tout le monde. 

 

Écrire un journal intime
Écrire un journal intime

 

En général, on choisit un carnet ou un cahier avec une belle couverture et un beau papier où il est facile d’écrire. Et bien évidemment, où la plume de son stylo-plume préféré glisse avec délicatesse, sans ratés, ni tâches. Pour cela, bien sûr, il faut avoir su choisir son stylo-plume avec soin comme son carnet ou son cahier. Et si jamais on doit, un jour, passer à l’édition, il deviendra alors source documentaire pour quelque chose d’autre qui deviendra un livre comme, par exemple, une autobiographie.

Entretenir une correspondance de qualité

Dernier usage où le stylo-plume est supérieur à tout autre mode d’écriture, celui de la correspondance. Cela peut paraître surprenant à une époque où la plupart des échanges épistoliers se font par mail.

Mais, il n’en reste pas moins qu’il reste toujours un grand nombre de partisans de la correspondance à l’ancienne. Un bon exemple est fourni par la récente publication par Gallimard de la correspondance entre ces deux grands auteurs que sont Paul Morand et Jacques Chardonne. Elle commence en 1949 et s’achève en 1968.

 

Entretenir une correspondance de qualité
Entretenir une correspondance de qualité

 

C’est un des derniers monuments littéraires du XXème siècle finissant. Et d’emblée, il se présente comme tel. Dans une lettre datée du 30 juillet 1956, Paul Morand s’oppose au projet de son ami Jacques Chardonne de confier leurs lettres au fils de Roger Nimier, de la manière suivante, car ils ont bien conscience d’écrire, en fait, pour la postérité : 

Je suppose que vous avez vos raisons pour déposer nos lettres chez Nimier. Mais je dois vous dire, bien franchement et amicalement, que je n’aime pas les voir se promener. Montrez-les à Nimier, mais gardez-les. 

Et quand on écrit avec cette intention, même si on n’a pas l’aura littéraire de ces grands noms de la littérature, on ne peut pas écrire autrement qu’avec un stylo-plume de qualité.

Écrire avec un stylo-plume, une source d’inspiration à part entière

Au final, l’usage du stylo-plume peut être un bon moyen en soi, par le plaisir qu’il procure par lui-même, de susciter et d’entretenir le plaisir d’écrire. On ne peut pas toujours en dire autant d’un clavier d’ordinateur et d’un écran blanc qui peuvent avoir l’effet exactement inverse.

Par conséquent, si on veut trouver l’inspiration, bien souvent, il suffit, pour démarrer, de prendre le temps de choisir un bon stylo-plume, un joli cahier, par exemple, Moleskine, et de laisser courir sa plume sur le papier. Première étape, qui sait, vers l’édition ou plus sûrement vers l’autoédition

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