On est toujours intrigué par la dédicace d’un livre. Les quelques mots qui la forment sont déjà toute une histoire à eux-seuls. Quasi une microfiction et une promesse pour ce qui va suivre.

  • Que représentent donc « Yves » ou « Colette » à qui le livre est dédicacé ?
  • Un amour de jeunesse ?
  • Une amitié fidèle ?
  • Une personne rencontrée, par hasard, un jour de solitude et qui ne lira sans doute jamais le livre ?

Il faut savoir respecter le mystère qui entoure une dédicace et continuer à laisser courir son imagination. L’auteur l’a voulu ainsi. Et vous-même, comment allez-vous traiter cette question ? Dédicace ou pas dédicace ? Et si dédicace, il y a ; à qui, où et comment ? C’est ce qui nous vous proposons de voir ci-après. 

 

Une dédicace, qu’est-ce que c’est ? 

Mais, au fait, qu’est-ce que c’est exactement qu’une dédicace ?  Parce qu’il faut bien le dire le verbe « dédier », d’où vient le nom « dédicace », est tellement à la mode ; la faute à un anglicisme sémantique ; qu’on ne sait plus, parfois, à quoi on a affaire.

 

Conséquences d’un anglicisme sémantique 

Commençons par notre anglicisme sémantique. La généralisation de l’outil informatique a aussi généralisé ses fonctionnalités. De sorte qu’un nombre considérable d’entre elles sont « dedicated », autrement dit, dédiées à telle ou telle opération.

Par extension, on trouve désormais une multitude de services ou de personnes dédiées à quelque chose. 

Par exemple, pour souligner le sérieux de sa dernière initiative, l’anses indique que :

L’anses et ses partenaires lancent, aujourd’hui, le site dédié à la plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire. »

 

Une dédicace, qu'est-ce que c'est
Une dédicace, qu’est-ce que c’est

 

Notez que, dans ce type de cas, la connotation qui accompagne le mot « dédié » est toujours liée à quelque chose de sérieux et de qualitatif. Sans le poids de l’anglicisme, on aurait sans doute dit « réservé » ou « spécialisé ». Autre exemple, tout aussi parlant, celui du Centre Hospitalier Nord Deux-Sèvres qui annonce, quant à lui, avoir mis en place : 

Un espace dédié à la simulation.

Si on laisse de côté ces différents sens modernes attribués au mot « dédié », il nous reste ses deux sens traditionnels :  le religieux et le profane.

 

Dédicace religieuse et profane

Le fait est que le premier sens du mot « dédié » est religieux. On dit ainsi que telle église est dédiée à tel saint. Autrement dit, que les fidèles qui la fréquentent en demandent plus particulièrement la protection.

Si on s’intéresse, par exemple, aux prieurés ; on ne parle pas d’églises ; on s’aperçoit qu’on peut en dénombrer, très vite, en France, près d’une quarantaine dédiés à Notre-Dame. Comme, entre autres, le prieuré Notre-Dame de la Charité-Sur-Loire ou, moins explicite, le prieuré Saint-Arnoul de Crépy-en-Valois. En étant dédié à une divinité, l’édifice religieux lui ainsi consacré et peut désormais accueillir les fidèles et leurs invocations. 

 

Dédicace religieuse et profane
Dédicace religieuse et profane

 

Dans son sens profane, celui qui nous intéresse, le mot « dédié » s’emploie de deux façons. La première est proche du sens religieux puisqu’elle consiste à placer son œuvre sous la patronage de la personne à qui on la dédie et dont on attend, d’une certaine façon, une protection. C’est le genre de dédicace qu’on trouve dans les thèses et les mémoires.

La seconde, celle qu’on retrouve dans la plupart des romans, correspond plutôt à un hommage rendu à quelqu’un, voire à quelque chose, sans lequel le livre n’aurait pas pu être écrit. De là à y voir une sorte d’ex-voto .. Après tout, l’écriture d’un livre ressemble à bien des égards à une navigation périlleuse.

 

Les différents types de dédicace

Avant d’aborder la question des différents types de dédicaces, commençons par dire qu’une dédicace n’est pas obligatoire. De nombreux ouvrages s’en passent parfaitement et cela ne les empêchent pas d’être excellents. Une dédicace ne s’impose que si l’auteur en ressent le besoin.

Certes, La Palice aurait pu en dire autant. Sauf qu’il y a deux types de besoins dont la satisfaction va se traduire par deux types de dédicace. Et ça, c’est bien commode.

 

La dédicace elliptique

Pour Yves

On ne peut pas faire plus simple. C’est pourtant le choix fait par Béatrice Didier pour son livre « L’écriture-femme ». On n’en saura pas plus et on peut tout imaginer. Dans l’incipit de son livre, l’auteur donne des éclaircissements sur les intentions à l’origine de son livre. Peut-être pour Yves, justement.  

 

L'écriture-femme
Béatrice Didier

 

Le dessein initial de ce livre était peut-être trop ambitieux. Il voulait étudier le phénomène de l’écriture féminine dans sa généralité, opérer une analyse du déclenchement de ce mécanisme et donner en même temps une thématique de l’œuvre féminine.

 

La dédicace de Roland Gori dans son livre intitulé « La dignité de penser » est tout aussi elliptique, mais l’auteur y ajoute un indice clef. 

A Marie-José, carpe diem

Carpe diem est une expression qu’on utilise pour dire qu’il faut savoir profiter du présent. Mais, surtout, elle est extraite d’un poème écrit par le poète latin Horace, une vingtaine d’années avant J-C.  Imprégné d’épicurisme, Horace s’adresse à son dédicataire, Leuconoé, et lui dit :

Carpe diem, quam minimum credula postero

Ce qu’on peut traduire par :

Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain

On voit bien avec ce deuxième exemple combien une dédicace, même elliptique, c’est-à-dire réduite à sa plus simple expression, peut être très riche de sens

 

La dédicace générique

Cette dédicace ressemble aux génériques que l’on voit défiler au début ou à la fin d’un film. Placé au tout début, il joue un rôle essentiel. Il en donne l’ambiance.

A la fin, son rôle est tout aussi essentiel. Mais, sa finalité est différente. Il s’agit moins d’en souligner l’ambiance que le sérieux de sa réalisation. On retrouve ces deux aspects dans la dédicace générique.

 

mantak chia microcosmic orbit meditation | Kleiner Energiekreislauf
Mantak Chia

 

Prenons, par exemple, la dédicace de Mantak Chia, auteur de « Transformez votre stress en vitalité – La voie du Tao« . Elle est très longue, près de 300 mots, sous le titre remerciements, et fonctionne comme un générique. Elle commence ainsi :

En premier lieu, je tiens à remercier les maîtres taoïstes qui ont eu la bonté de me transmettre leur connaissances, sans jamais se douter qu’elles seraient un jour enseignées aux occidentaux.

Elle se poursuit par :

Je remercie les nombreuses personnes dont la contribution a été essentielle à la forme finale de ce livre : ..

Suit une liste d’une vingtaine de noms, du relecteur-correcteur à l’informaticien, en passant par l’illustrateur, la secrétaire et les étudiants, qui souligne tout le sérieux de l’entreprise. 

Et se termine par l’hommage traditionnel :

Sans ma femme, Maneewan, et mon fils, Max, ce livre n’aurait pas été aussi vivant. Qu’ils reçoivent ma gratitude et mon amour pour tout ce qu’ils m’ont donné. 

 

On a un autre très bel exemple de dédicace générique avec Robert Rowland Smith pour son livre intitulé « Petit déjeuner avec Socrate. Une philosophie de la vie quotidienne ». La particularité de cette dédicace, c’est qu’elle est scindée en trois parties. La première qui en constitue, en quelque sorte, l’incipit :

A mon épouse, Clare : elle réussit toujours à faire en sorte que je prenne mon petit-déjeuner, et ce livre est pour elle. 

 

Cette première partie est là pour créer l’ambiance. Comme le générique de début d’un film. Puis vient le thème avec une citation d’Annie Dillard, tiré de son livre « En vivant, en écrivant »: 

La manière dont nous passons nos journées, c’est, bien sûr, celle dont nous passons notre vie.

 

Et, enfin, la dernière partie, d’environ 400 mots, sous le titre « remerciements » qui énumère les noms des membres de « l’équipe technique » :

Je dois des remerciements aux nombreuses personnes qui m’ont soutenu, critiqué et inspiré pendant que j’écrivais ce livre. 

 

Là, c’est du « lourd ». L’auteur n’y cite pas moins d’une soixantaine de noms ! Avant de terminer par :

Enfin, mon amour et mes remerciements à mes filles, Zoë, Esther et Eden.

 

Bref, une dédicace peut prendre beaucoup de formes et son rôle est loin d’être négligeable. Il convient donc d’y réfléchir soigneusement. En effet, elle peut contribuer au succès d’un livre. Bien plus qu’on ne pense. Ce qui signifie, aussi, qu’une dédicace ne se place pas n’importe où dans un livre.

 

Le choix de l’emplacement d’une dédicace

La dédicace : au début du livre et après son titre

C’est une constante. Le début est une évidence. Après le titre, ça l’est moins. D’ailleurs, les dédicaces écrites par un auteur pendant une séance de dédicaces le sont, en général, sur la toute première page.

Voire, sur la page titre elle-même. Et, très rarement, sur une des pages suivantes. Celles précisément réservées à la dédicace de l’auteur aux personnes de son choix.

Suivant la pagination du livre, elle se trouve donc, en principe, placée en page 7, 9 ou 11. Ou s’y étale.

 

Articulation de la dédicace

On l’a vu précédemment, une dédicace peut être elliptique ou générique. Ce qui influe naturellement sur sa mise en page. De ce fait, on peut distinguer trois types d’enchaînement :

  • Titre – Dédicace elliptique. 

C’est l’enchaînement retenu par Béatrice Didier et Roland Gori.

 

  • Titre – Citation – Dédicace elliptique.

Dans son livre « La puissance de la joie », Frédéric Lenoir cite Sénèque, en page 7,  » L’effet de la sagesse, c’est une joie continue », et dédie son livre  » A la mémoire de Véronica » en page 9.

 

  • Titre – Dédicace elliptique – Citation – Remerciements ou Titre – Dédicace générique

Avec cette articulation, on a la totale. C’est celle choisie par Robert Rowland Smith dont on a parlé précédemment. La dédicace à Clare est en page 7, la citation d’Annie Dillard est en page 9 et les remerciements, en pages 11 et 12. 

 

En bref : 

Ce qu’il faut retenir des propos ci-dessus et des exemples qui les illustrent, c’est qu’une dédicace est loin d’être anodine. Mieux vaut donc en faire une que pas du tout. En effet, une dédicace donne du sens à ce qui va suivre et, si elle est développée, rassure le lecteur sur le sérieux de qui est dit dans le texte. 

De ce fait, une dédicace ne peut être écrite au hasard et il faut, donc, prendre le temps de bien y réfléchir. 

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