Un livre complotiste peut rapporter des millions à son éditeurs. Certains d’entre eux s’en sont même fait une spécialité. Alors pourquoi n’en serait-il pas de même pour les autoéditeurs ?

Encore faut-il bien savoir de quoi l’on parle. Qu’est-ce qu’un livre complotiste ?

Et puis autre question qui a son importance, puisqu’on soupçonne qu’un livre complotiste suscite, en général, aussi de la réprobation, quels sont les risques encourus quand on écrit un livre complotiste ?

Ce qui revient à se demander, entre autres, qui s’en prend aux livres complotistes. D’où finalement, deux dernières questions avant de se lancer dans l’écriture d’un livre qui peut être qualifié de complotiste, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle et si oui, à quelles conditions ?

 

C’est quoi un livre complotiste ? 

C'est quoi un livre complotiste ?
C’est quoi un livre complotiste ?

 

Eléments de définition du livre complotiste

Commençons par quelques définitions d’auteurs bien informés. Si on prend celle de Zoé Picard auteur d’un article intitulé « Livres complotistes : comment la paranoïa rapporte des millions », publié dans Actualitté, qui en recense actuellement une bonne trentaine :

Les théories du complot sont des explications alternatives aux informations découlant des autorités et institutions, à propos d’évènements actuels ou historiques

Autrement dit, là, si l’on dit autre chose que ce que l’on dit officiellement, on fait du complotisme. Cela dit, Zoé Picard cite deux autres auteurs dans son article en précisant qu’ils étayent cette définition par d’autres critères. Pour Sébastien Dieguez et Sylvain Delouvée, ce sont les deux auteurs en question :

On est complotiste quand un complot est postulé et accepté  avant même d’avoir conduit une enquête authentique sur le sujet.

Ce dernier ajout est fondamental. Sans lui, les travaux révolutionnaires sur le génocide franco-français pendant les guerres de Vendée, aujourd’hui largement admis,  d’un historien comme Reynald Sécher n’auraient jamais pu franchir la rampe de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas. 

Les deux catégories de livres complotistes

Risquons une définition. Il y a « complotisme » et complotisme.  Avec ou sans guillemets. Un livre « complotiste » , avec guillemets, est un livre dont le discours est à rebours des thèses officielles. Comme celui de Reynald Sécher. Tout va bien. Ce n’est pas grave. Et tant pis pour ceux à qui ça ne plait pas. C’est même un argument de vente. Et puis la liberté d’expression, ça existe encore. 

Mais, il y a aussi le livre complotiste, sans guillemets. Là, c’est simple, c’est un livre fantaisiste dont les thèses ne reflètent que les préjugés de leur auteur. Voire sont une pure invention destinée à manipuler une opinion. On est, en quelque sorte, dans le « dur » et le livre en question mérite bien son qualificatif. 

Un des meilleurs exemples, ancien, de ce type de livre, ce sont les « Protocoles des Sages de Sion« , publiés pour la première fois en Russie, en 1903 et dont les auteurs étaient on ne peut plus publics et institutionnels, puisqu’on sait maintenant qu’ils ont été écrits par la police secrète du tsar de l’époque.

 

Combien peut rapporter un livre « complotiste  » ?

Qui peut écrire un livre "complotiste " ?
Qui peut écrire un livre « complotiste  » ?

On ne s’intéresse ici qu’aux auteurs de livres à rebours des thèses officielles qui ont pris la peine de fouiller leur sujet et de le « sourcer » correctement. Autrement dit, des auteurs « complotistes ». Avec guillemets, donc. Citons par exemple : 

  • « Les apprentis sorciers – Tout de ce que l’on vous cache sur l’ARN messager », d’Alexandra Henrion-Caude. Publié par Albin Michel, en 2023, en quelques mois, il a été vendu à plus de 100 000 exemplaires, soit un chiffre d’affaires total de 1,6 million d’euros.
  • « Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? Covid 19 : l’union sacrée de l’incompétence et de l’arrogance », de Christian Perrone. Publié lui aussi par Albin Michel, dès 2020, ses différentes éditions atteignent à ce jour près de 200 000 exemplaires qui ont rapporté près de 3 millions d’euros
  • « J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu », de Philippe de Villiers. Publié par Fayard en 2019, le livre a été vendu à près de 100 000 exemplaires et a rapporté à ce jour 1,3 million d’euros

A noter que Albin Michel et Fayard ne sont pas les seuls éditeurs « sérieux » à opérer avec succès sur le créneau « complotiste ». On peut également citer des maisons bien établies comme Seuil, Plon, ou d’autres moins connues, mais très actives comme L’Artilleur

Quel est le profil d’un auteur « complotiste » ?

On vient de le voir, un livre « complotiste », ça peut rapporter gros. D’où la question : qui peut écrire un livre « complotiste » ? 

L’auteur « complotiste » est un expert

Notons tout d’abord qu’un auteur « complotiste » se doit d’être un excellent connaisseur du sujet dont il dénonce les mensonges. Bref, un expert. Nul besoin d’avoir un titre « officiel » pour ça et même mieux vaut ne pas en avoir du tout et faire une carrière indépendante.

Au XVII ème siècle, Galilée est vilipendé, condamné par les « autorités » bien informées de l’époque, « complotiste » donc avant l’heure, pour avoir démontré que la terre tourne autour du soleil. Le phénomène incriminant n’est donc pas nouveau.

L’auteur « complotiste » est un passionné et un dur à cuire

Un auteur « complotiste » doit, de ce fait, être un passionné et un « dur à cuire ». Sûr de ce qu’il avance pour l’avoir vérifié et re-vérifié de multiples fois, il ne se laisse pas impressionner par ses détracteurs.

L’auteur « complotiste » est un amoureux de la Vérité

Cet amour de la Vérité est fondamental. En principe, l’auteur « complotiste » ne cherche pas à faire un « coup », mais à faire savoir le plus largement possible ce qu’il pense avoir découvert. Le tout, en général, avec le souci du bien commun.

Cette position est celle, semble-t-il, d’Alexandra Henrion Caude dont tous les droits d’auteur issus de son livre choc sont reversés aux soignants démis de leur fonction pour avoir refusé la vaccination par ARM messager.

On aime ou on n’aime pas. Naturellement, tout exposé de ce type doit s’appuyer sur des sources irréfutables et facilement accessibles.

Libre ainsi à l’auteur d’en faire l’interprétation qu’il juge utile et à ses lecteurs de la suivre ou pas. Ce n’est là que l’application pure et simple du droit normalement irréfragable à la liberté d’expression. Laquelle ne signifie pas qu’on puisse tout dire. La loi y veille, mais aussi ces nouveaux venus que sont les « sensitivity readers« . 

Ecrire un roman complotiste

Faux roman complotiste, mais vrai livre fantaisiste

Rappelons le, toute démarche qui s’écarte de ce « droit chemin » verse dans la propagation de mystifications ou  d’obsessions qui méritent bien leur qualification de complotiste. Sans guillemets.

Souvent, d’ailleurs, elles finissent par fournir la trame « juteuse », et sans risque, de romans ou de scénarios de films qui donnent l’impression à leurs lecteurs ou spectateurs de pénétrer dans les coulisses de l’ordre du monde.

Vrai roman complotiste, mais faux livre fantaisiste

De titre en titre, le binôme d’auteurs composé de Eric Giacometti et de Jacques Ravenne s’en est fait une spécialité. Leur dernier roman, intitulé le Graal du Diable, en est une nouvelle illustration.

Il raconte une sombre histoire de vampires et de nazis qui se déroule simultanément au XVème siècle et à la fin de la seconde guerre mondiale. Elle donne l’impression d’expliquer bien des choses restées dans l’ombre sur les conditions dans lesquelles cette guerre s’est déroulée.

Quand on ouvre le livre, très bien fait, on y croit et on a bien du mal à le refermer. Autrement dit, les histoires complotistes, ce peut être une excellent source d’inspiration pour des thrillers et de futurs bestsellers mâtinés d’ésotérisme.

Quels sont les principes à respecter pour écrire un livre « complotiste » ? 

Avoir une vérité à révéler

Le principe du livre « complotiste », c’est de mettre à disposition du public une version de faits différentes de celle officiellement admise. Ces faits peuvent être récents ou anciens. 

Il est évident que cette version différente se doit, quoi qu’il en soit, respecter la législation en vigueur relative à la liberté d’expression. Rappelons que cette dernière est de plus en plus encadrée. Pour ce qui est des comités de lecture comprenant des « sensivity readers« , c’est bien sûr une autre histoire. 

Les trois parties du livre « complotiste »

En général, le livre « complotiste » comprend trois parties :

  • La première expose les faits tels qu’ils sont rapportés par les autorités officielles. Publiques ou privées. Il peut s’agir de faits de grande ampleur ou seulement locaux.
  • La deuxième partie est, en principe centrée sur les doutes qu’on peut avoir concernant la version officielle. Ces doutes sont ceux rassemblés et exprimés par des journalistes, souvent indépendants, ou des témoins privilégiés. 
  • La troisième partie propose une nouvelle lecture des faits incriminés. Elle nomme les acteurs, décrit les causes et les conséquences, en tire des conclusions.

Sourcer chaque proposition 

Naturellement, un livre « complotiste » non sourcé, c’est-à-dire qui ne cite pas avec précision l’origine de ses informations, est rapidement et facilement qualifié de livre complotiste pur et simple. Dans ce cas, l’auteur y perd, en général, toute sa réputation d’auteur sérieux, s’il en avait une.

Par conséquent, l’importance des sources et leur qualité est fondamentale. Comme on peut le voir pour ce qui concerne le livre de Reynald Sécher. Tout lecteur doit pouvoir s’y reporter et juger par lui-même de leur crédibilité. A défaut, le livre « complotiste » perd irrémédiablement ses guillemets et son auteur n’a plus qu’à se faire oublier.

Un livre « complotiste » peut rapporter gros, mais doit être manié avec précaution

Le public est toujours friand de vérités cachées. Et, forcément, il y en a ! Mais, précisément, les vérités cachées ont vocation à le rester. De sorte que lorsqu’elles parviennent sur le devant de la scène, soit par hasard, soit grâce à l’obstination d’un lanceur d’alerte, elles suscitent souvent des « séismes ». 

C’est la raison pour laquelle les auteurs qui les révèlent peuvent gagner beaucoup d’argent, mais aussi beaucoup d’ennuis. D’où l’absolue nécessité pour limiter ces derniers d’avoir des sources fiables. A défaut, mieux vaut alors tenter de sensibiliser les lecteurs avec des ouvrages qui ne prétendent pas décrire la Vérité, mais s’en inspirent délibérément. 

En résumé, comme l’a écrit Schopenhauer :

Toute grande vérité passe par trois phases : elle est d’abord ridiculisée, puis violemment combattue, avant d’être acceptée comme une évidence.

Nul doute que le complotisme a su trouver sa place dans les deux premières.

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