Tout ne va pas forcément bien dans le monde des entreprises. Burn out, Big Quit, etc… s’y disputent la première marche du podium des RPS. Le phénomène n’est pas propre à la France et il semble durable. Parmi les solutions, il y a bien sûr la volonté d’en revoir le management dans un sens, notamment, plus bienveillant. Et pour les entreprises les plus en pointe dans ce domaine ou peut-être plus prosaïquement plus soucieuses que d’autres d’en faire un élément de marque employeur, vive le feel good management et ses feel good managers censés redonner goût au travail avec leur bonne humeur tarifée. Mais, il y a une façon beaucoup plus simple de vivre mieux en entreprise, c’est d’écrire sur ce qu’on y vit et ce faisant de l’exorciser. Mais, évidemment, cela suppose qu’on prenne quelques précautions. 

Le monde de l’entreprise ne fait plus rêver

Du moins, c’est ce qu’on pourrait croire si on s’intéresse à l’évolution des statistiques  se rapportant aux risques psychosociaux, les fameux RPS. Près de 3 millions de salariés seraient concernés par l’une ou l’autre des formes de désamour pour l’entreprise.

Soit près d’un tiers de l’ensemble des salariés ! Autrement dit, 3 millions de personnes naviguent entre burn out, brown out ou bore out ! Est-ce tout Monseigneur ? Non, on peut y ajouter aussi le quiet quiting et le petit dernier act your wage. Bref, autant de mots pour dire tout le dégout que peut inspirer l’entreprise aujourd’hui et en décrire une facette. 

Evidemment, à tout problème, il y a une solution. Et les entreprises ont réagi sans attendre pour essayer de contrer un tel désaveu. Et pour cause, l’enjeu est rien moins que le devenir de leurs performances dans un monde dans lequel sous performer est mortel.

Elles se sont donc lancées dans de nouvelles formes de management censées remédier à ces désordres.

Emergence de nouvelles formes de management

L’innovation n’est pas que technologique, et les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’inefficience de plus en plus grande des modes traditionnels de management a suscité toute une série de nouvelles façon de faire pour encadrer le personnel et entretenir son engagement.

On voit donc fleurir toutes sortes d’ordonnances « pondues » par les têtes d’œuf, bardés de diplômes, de grands cabinets conseils, modernes Diafoirus se pressant au chevet d’entreprises éreintées, mais  aux honoraires toujours astronomiques. Et que prescrivent- elles ces ordonnances pour remettre les salariés sur leurs rails ? 

Ecrire sur son entreprise, une alternative au management du bonheur

Mais,  le bonheur, bien sûr ! Ou à défaut, la bienveillance ! C’est plus facile. Il fallait y penser ! Donc, on voit désormais apparaître du feel good management avec des happiness managers-euses ou, en moins hilarant, du management bienveillant ou, plus bêtement,  du management constructif. Ou enfin, si on préfère, et faute de mieux, du management positif.

Tout ça pour dire que le problème n’est pas que passager. Mais, pas sûr qu’en tant que salarié d’une de ces entreprises nouvelle norme on s’y retrouve. Il y a même de fortes chances pour que la situation ne fasse qu’empirer et qu’on en vienne même à regretter l’ancien temps. Celui où on pouvait détester pleinement son entreprise et la manière dont on y travaillait.

Bon très bien, mais, quoi qu’il en soit, le problème individuel demeure. Puisque l’entreprise ne peut rien pour soigner le mal-être qu’on y ressent, surtout pas avec ses trucs de pensée positive, que peut-on faire alors, pour en sortir ? 

Mais, écrire ! On le sait, lire, c’est guérir, ce sont les experts en bibliothérapie qui le disent.  A  juste titre, car la lecture aide effectivement à passer bien des caps. Or, figurez vous, l’écriture aussi. D’autant mieux d’ailleurs qu’on ne trouve pas toujours dans les livres les histoires et les situations que l’on vit au présent et auxquelles on veut échapper.

Oser la manuscritothérapie 

Amélie Nothomb
Amélie Nothomb

 

Rien ne va plus en entreprise ? Votre chef vous cherche constamment des poux sur la tête, vos collègues vous narguent et vous cassent du sucre sur le dos, et si vous en faisiez un livre ? Amélie Nothomb, auteur qu’on ne présente plus, décrit quelque chose de ce genre dans son livre « Stupeur et tremblements » paru en 1999.

Elle y décrit son expérience en tant qu’employée de bureau dans une entreprise japonaise. C’est sans doute un de ses meilleurs livres. Grande admiratrice de la société japonaise, elle ne cesse pourtant de se heurter à ses usages et à ses préjugés  quand elle veut  y travailler comme n’importe quel salarié japonais.

Sans chercher à entrer dans les détails des facteurs expliquant ces difficultés, forcément multiples, notons simplement qu’elle a su en sublimer en quelque sorte l’échec que cette expérience a représenté pour elle, grâce au récit qu’elle en a fait. En en faisant quelque chose de finalement très désopilant, elle en a retiré tout caractère dramatique.

Plus encore, elle en a fait une étape, on ne peut plus positive, dans la construction de sa personnalité et un jalon important dans sa carrière d’écrivain. Autrement dit, si on entend la leçon qu’elle a donnée avec ce livre, en osant écrire ce qui nous arrive de pire ou d’extrêmement désagréable, on se donne indiscutablement les moyens de s’en distancier et d’en comprendre les ressorts. Bref, de le sublimer pour mieux rebondir.

Les précautions à prendre quand on écrit sur son entreprise

Evidemment, on n’écrit pas sur son entreprise sans prendre quelques précautions. D’abord, dans le cadre d’une manuscritothérapie, on écrit pour soi-même et se libérer d’une expérience mal vécue, pas pour régler des comptes ou rendre public les résultats d’une enquête. Du moins, en principe. Après tout, si on a eu soi-même des difficultés à s’y faire, ce n’est pas le cas de tout le monde.

Anonymiser le contexte entrepreneurial

Par suite, une des premières précautions à prendre est d’anonymer toutes les personnes rencontrées et l’entreprise elle-même.  Cela n’enlève rien à l’intérêt de l’histoire et permet, en outre, de faciliter le processus de distanciation.

De fait, en supprimant tout risque de polémique, cette anonymisation du contexte entrepreneurial libère la créativité de l’auteur et le pousse à se concentrer sur les mécanismes à l’œuvre dans les comportements et les attitudes plutôt qu’à vouloir « faire la peau » à telle ou telle personne nommément désignée. L’entreprise devient alors un contexte comme un autre  et le simple cadre d’une aventure individuelle.

Etre certain de ce qu’on avance

Les expériences que l’on vit en entreprise alimentent  pour la plupart le stock de ressentis qui détermine l’envie d’y mettre les pieds ou non chaque matin quand on doit s’y rendre pour toucher son salaire à la fin du mois. Si on parle ici de ressentis, c’est qu’un ressenti peut être très différent d’une personne à l’autre bien que correspondant à un même évènement.

Tout dépend, en effet, de son vécu, de ses traumatismes familiaux, de son caractère, etc. Autrement dit, rien n’interdit, bien sûr, quand on écrit  sur une entreprise de développer, à sa façon, en long et en large, les ressentis qu’elle génère, mais les faits qui en sont à l’origine se doivent d’être exacts et vérifiés.

N’en doutons pas, ce souci d’exactitude et de vérification joue un rôle très important dans la sublimation recherchée par l’écriture.

Donner ses sources quand écrire sur son entreprise c’est enquêter sur elle

Mener une enquête sur son  entreprise est un cas de figure un peu éloigné du docufiction à la Amélie Nothomb. Une enquête décrit une réalité, mais sans chercher à en faire une œuvre littéraire. Ce qui compte, c’est de montrer en quoi consiste le huis clos vécu dans son entreprise et à l’étayer par des preuves irréfutables.

Ce sont les fameuses sources. C’est à cette condition que l’on peut citer nommément des faits, une chronologie, de même que des personnes et des entités existantes. A noter que citer des sources ne se fait pas n’importe comment.  D’abord parce que si on écrit sur une organisation, d’autres que soi-même ont pu également écrire sur cette même organisation.

Dans ce cas, il faut indiquer tout le « chemin d’accès » qui permet au lecteur de retrouver par lui-même, s’il le souhaite, le texte de la citation ou le document cité. Par ailleurs, le cas échéant et suivant l’importance de la citation, il faut aussi respecter les limites posées par la protection des droits d’auteur.

Respecter le cadre légal

Dernier point, quand les sources citées sont des témoignages n’ayant fait l’objet d’aucune publication, il convient de s’assurer que leurs auteurs autorisent formellement qu’on y fasse référence. On doit naturellement pouvoir disposer d’une transcription, écrite ou enregistrée de ceux-ci, accessible autant que de besoin.

Cependant, ces précautions peuvent néanmoins être insuffisantes. Tout écrit, à plus forte raison un écrit pouvant susciter une polémique, peut aujourd’hui tomber sous le coup de la loi. Pensons, entre autres, à tous ces textes visant à lutter contre toutes les formes de discrimination ou conditionnant l’exercice du droit d’alerte.

La liste peut être longue d’autant que s’y ajoute une jurisprudence fournie, tant nationale qu’européenne. Il n’est donc pas inutile, notamment quand les enjeux sont d’importance, de demander à un avocat de donner son avis, de ce point de vue,  sur le texte qu’on envisage de publier.

Ecrire sur son entreprise en auto éditant ses mémoires

Quoi qu’il en soit, on peut vouloir écrire sur son entreprise, simplement pour préserver le souvenir des bons et des moins bons moments qu’on y a passés. Rien de plus normal quand on fait le compte des heures innombrables qu’on y a vécues. Le travail, même si la manière de le voir a énormément évolué, reste en effet le propre de la nature humaine plus que toute autre activité.

La vie fleurit par le travail. 

a écrit Arthur Rimbaud dans « Une saison en enfer ». Alors pourquoi ne pas s’offrir à soi-même et à son entourage le bouquet de fleurs qu’une vie de travail a permis de cueillir en autoéditant le manuscrit de ses moments les plus mémorables ?

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