On veut écrire. On sait qu’on va écrire. Mais, écrire sur quoi ?  Sur qui ? Il y a pourtant un thème qui est une source d’inspiration inépuisable, c’est la relation mère fille. S’y arrêter un instant pour y penser, c’est comprendre pourquoi. Très vite. Les images fusent. Les considérations s’imposent et les titres d’auteur voltigent jusqu’à plus soif.  Mais, cette reconnaissance de la richesse littéraire ou documentaire de la relation mère fille a aussi son revers. Celui de la complexité. Voire de l’ambigüité. Tout n’est pas si simple au royaume des relations mère fille. S’y pencher, c’est aussi prendre le risque de s’y perdre. Et puis, à quel prix se sentir autorisé à y plonger ? Faut-il pour cela être nécessairement mère ou fille ? Un homme peut-il vraiment écrire, c’est-à-dire avec vérité, sur une relation aussi archétypale ? 

Richesse de la thématique de la relation mère fille comme source d’inspiration

Les grands aspects de la thématique de la relation mère fille peuvent être placés sur un axe qui va de la haine la plus totale à l’adoration la plus extrême. Entre ces deux pôles, les variantes sont très nombreuses. La relation mère fille se révèle donc un champ de création littéraire pratiquement inépuisable. Le fait est que les plateformes spécialisées peuvent établir des listes de plusieurs centaines d’ouvrages basés sur cette thématique. Il s’agit donc d’une source d’inspiration quasiment inépuisable.

Mère terrifiante pour sa fille - coollibri.com
Mère terrifiante pour sa fille – coollibri.com

Mère terrifiante pour sa fille

Les mères ne sont pas toutes protectrices, certaines laissent des traces terrifiantes, indélébiles, sur leur fille. A l’extrême, elles peuvent être sujettes au syndrome de Münchhausen par procuration (SMPP). Heureusement, rarissime. Dans un livre témoignage, « Ma mère, mon bourreau »,  paru aux éditions l’Archipel, Julie Gregory raconte le calvaire que lui a fait subir sa mère, Sandy, atteinte de ce syndrome.

Son récit commence par une visite à l’hôpital. Elle a alors 12 ans. Personne ne se rend compte des mauvais traitements qu’elle subit, même elle, n’y croit pas. D’ailleurs tous les professionnels de santé ne voient dans les attitudes de sa mère que des attitudes d’une mère aimante. Ne s’occupe-t-elle pas avec un grand dévouement des problèmes de santé à répétition de sa malheureuse fille ?

Sauf que ces problèmes sont provoqués par la mère elle-même. Si on prescrit un médicament à sa fille, elle va, par exemple, systématiquement en accroître les doses. Rien d’étonnant, après ça à ce qu’elle ait des malaises. Curieusement, chaque fois qu’elle est séparée de sa mère pour une raison ou pour une autre, sa santé s’améliore.

Evidemment, la malade, c’est la mère et non la fille.  Et le syndrome de Münchhausen par procuration, difficile à identifier, exprime le désespoir d’une mère qui veut ainsi attirer l’attention de son entourage sur ses propres souffrances. Souffrances dont elle nie la réalité. 

Heureusement, Julie s’en est sortie et exerce aujourd’hui la profession de psychiatre. Par ailleurs, l’écriture de son histoire l’a, à coup sûr, aidé à se reconstruire une vie normale.

 Mère en adoration devant sa fille

A l’opposé de la mère terrifiante, mais qui peut être tout aussi traumatisante, on trouve la mère pour laquelle  sa fille est tout et dont l’éloignement, mental ou géographique, est difficile à supporter. Le risque dans ce cas là, c’est que la fille ne parvienne pas à sortir de son rôle de petite fille et à avoir une pleine conscience de sa féminité. Mais elle peut aussi en jouer. 

Un bel exemple littéraire est donné par la marquise de Sévigné (1626-1696). Sa fille, la comtesse de Grignan (1646-1705) est la principale destinataire de ses lettres. Pour son cousin, Roger de Bussy-Rabutin, elle était la plus jolie fille de France. Apparemment, c’était selon lui, pratiquement son seul charme :

Cette femme là, a-t-il écrit, a de l’esprit, mais un esprit aigre, d’une gloire insupportable, et fera bien des sottises. Elle se fera autant d’ennemis que la mère s’est fait d’amis et d’adorateurs.

Evidemment, sa maman la voyait bien différemment. Dans une de ses lettres, elle lui disait ainsi :

J’ai peur que le vent ne vous emporte sur votre terrasse. Si je croyais qu’il pût vous apporter ici par tourbillon, je tiendrais toujours mes fenêtres ouvertes et je vous recevrais, Dieu sait !

Réalité de la relation mère fille

Ajoutons pour finir de brosser le portrait de la belle Françoise de Grignan qu’elle n’aida pas beaucoup son mari à gérer la dot énorme qu’elle lui apporta et qu’elle contribua, plus qu’à son tour, à dilapider la fortune du couple.

Quand un de ses enfants, Louis-Provence eut la chance de refaire un peu la fortune familiale en épousant  Anne-Marguerite de Saint-Amans, Saint Simon, bien au fait de tous les potins de la Cour, rapporte dans ses mémoires qu’elle en était gênée au point :

(Qu’) avec ses minauderies en radoucissant ses petits yeux, elle disait qu’il fallait bien de temps en temps du fumier sur les meilleures terres.

Le fait est que la pauvre Anne Marguerite était de noblesse récente. Ce qui aux yeux de se belle-mère était impardonnable. Bref, voilà bien un exemple de ce qu’on appelle un amour aveugle. Au moins n’en a-t-elle pas apparemment été traumatisée. Cela dit,  l’histoire ne dit pas quelles ont été les réponses à sa mère de la belle Françoise car il semble qu’elles aient été toutes détruites.

Entre ces deux extrêmes, les relations mère filles peuvent prendre de multiples formes et celles-ci sont rarement apaisées. Raison pour laquelle elles sont si inspirantes. Mais, elles peuvent l’être aussi d’autant plus si on en profite pour mettre au jour ce qui peut justement les apaiser. 

Comment faire de l’apaisement des relations mère fille une source d’inspiration ?

Avant de voir quelles peuvent être les trois clefs permettant de conduire à cet apaisement, il est bon de rappeler en quoi la littérature joue par elle-même un rôle naturellement apaisant.

Rappel du rôle apaisant de la littérature et de l'écriture - coollibri.com
Rappel du rôle apaisant de la littérature et de l’écriture – coollibri.com

Rappel du rôle apaisant de la littérature et de l’écriture

Quand on évoque le rôle apaisant de la littérature, on fait presque toujours référence aux effets de la bibliothérapie. Ce qu’on entend par là, c’est ce qu’on observe depuis toujours, à savoir que l’écriture et la lecture ont un impact psychologique réel sur celui ou celle qui lit ou écrit. De ce point de vue, aucun journal intime, aucune lettre, aucune lecture n’est neutre.

On peut même dire, s’agissant de lecture, qu’on peut choisir ses lectures en fonction des difficultés du moment. Comme le ferait un médicament. Magie de la littérature, il y a ainsi forcément un livre qui correspond à ses inquiétudes et à ses questionnements du moment. Rien de plus triste que d’entendre dire qu’on ne lit jamais.

C’est se priver d’un moyen commode et facilement accessible pour aller mieux. Cela signifie également  qu’on nie tout problème et qu’on est prêt à s’exposer sans fin à toutes les conséquences de cet évitement.

Il en est de même de l’écriture. Adressée à soi même ou à un correspondant, elle présente l’irremplaçable avantage de faire émerger grâce aux mots ce qui peut clocher dans une relation et donc d’éviter d’en rester aux seuls ressentis. En somme, là où la lecture agit par procuration, l’écriture agit en direct.

Les clefs d ‘un schéma narratif comme source d’inspiration conduisant à une relation apaisée mère fille

Globalement, et suivant les différents cas de figure, cette relation passe par des états où règne l’harmonie, la confiance, le respect mutuel, l’échange, mais aussi par d’autres états où c’est, au contraire, le règne du tumulte, de la complexité, quand ce n’est pas celui de la douleur et de la toxicité. Les meilleurs ouvrages dont le sujet est la relation mère fille vont donc insister dans leurs intrigues sur un schéma narratif fondé, en général, sur trois clefs.

Faire comprendre l’arrière plan de la relation mère fille

Tout d’abord, il convient de décrire tous les éléments qui vont permettre de comprendre la relation mère fille que l’auteur a placé, sinon  au centre de son roman, en tout cas, en bonne place. Ce qui revient, par exemple, à dresser précisément la généalogie de la mère, à rappeler les évènements qui l’ont marquée.  Notamment, les circonstances de la naissance de sa fille.

Il convient de même de montrer en quoi tout cet arrière plan se traduit par des attitudes et des comportements dommageables pour l’une et pour l’autre.

Montrer le fonctionnement des processus d’ajustement entre la mère et sa fille

La plus grande difficulté pour une mère est d’accepter que sa fille ne soit plus sa petite fille et qu’elle devienne une femme à part entière. Suivant l’arrière plan évoqué précédemment, les processus d’ajustement qui doivent être mis en œuvre pour que la transformation se passe dans de bonnes conditions ne sont évidemment pas les mêmes.

Ces ajustements successifs constituent autant d’éléments perturbateurs et d’évènements qui vont déclencher et nourrir l’intrigue romanesque. Ils vont conduire progressivement ses protagonistes, en l’occurrence la mère et sa fille, à passer d’un état à un autre. Autrement dit, d’une situation initiale d’équilibre, même mauvaise, à une autre, meilleure in fine. 

L’enchainement des péripéties qui permet de passer de l’une à l’autre est naturellement fondamental dans l’apprentissage qui en résulte pour le lecteur. Raison pour laquelle, il doit être soigneusement documenté par l’auteur. Si le lecteur s’y retrouve, il y a de fortes chances pour que le roman lui vienne réellement en aide.

Ne pas avoir peur de conclure sur les conditions d’un amour ordinaire

Cette conclusion devrait être l’aboutissement commun de tous les romans traitant de la relation mère fille. Plutôt qu’un amour fusionnel, si tel est l’état de départ de l’intrigue, il est important de montrer comment parvenir à vivre, à la fin, un amour respectueux, au jour le jour, certes peu romanesque, mais  propre à susciter l’épanouissement de toutes les potentialités de  chacune.

De même, à partir d’une détestation initiale enkystée dans une histoire venue d’ailleurs, l’arc narratif se traduira par la restauration d’un amour également respectueux, avec les mêmes effets. De fait, le point de départ de chacun de ces cheminements est très différent, mais le point d’arrivée est on ne peut plus similaire.

Notons que même  si le romancier n’a pas à cœur de bien finir son histoire, il n’en reste pas moins qu’il est quand même bien obligé d’indiquer les raisons pour lesquelles, elle se termine mal. Ce qui est aussi une façon, paradoxale, cette fois, d’aider ses lecteurs.

Et la relation belle-mère fille, est-elle aussi une bonne source d’inspiration ?

Et la relation belle-mère fille, est-elle aussi une bonne source d'inspiration - coollibri.com
Et la relation belle-mère fille, est-elle aussi une bonne source d’inspiration – coollibri.com

On pourrait croire que la relation belle mère fille  n’est guère différente de la relation mère fille. Après tout,  il n’y a que cinq lettres de différence. Eh bien, que nenni ! La relation belle-mère fille est une des plus difficiles qui soient. La plupart du temps, on aime mieux faire comme si de rien n’était.  C’est qu’à l’heure de l’individualisme triomphant, on voudrait que le schéma archétypal belle-mère fille se banalise. 

Or, il semble bien  que les contes aient toujours raison. Preuve s’il en est de l’intérêt de cette relation particulière comme source d’inspiration. Blanche neige, Cendrillon, sont des jeunes  filles que leurs marâtres respectives voient d’un très mauvais œil. Et si les deux jeunes filles paraissent néanmoins bien sages, la plupart du temps, il n’en est pas de même des jeunes filles modernes. De fait, quand ces dernières se trouvent dans ce cas de figure, elles n’hésitent pas à rappeler à leur belle mère que de toute façon elle n’est pas leur mère.

C’est qu’en deux mots, comme le fait remarquer une spécialiste :

L’amour d’une belle mère se construit, contrairement à celui d’une maman qui est inné.

Voilà de quoi nourrir bien des réflexions et inspirer bien des auteurs de roman. Si on veut en savoir plus sur cette question, on peut consulter, l’excellent livre de Catherine Audibert, publié par Payot, intitulé « Le complexe de la marâtre ». Quant aux auteurs hommes s’attelant à l’écriture d’une intrigue mère fille ou belle mère fille, c’est encore une autre histoire.

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