On écrit souvent en pensant réussir un « coup » et en rêvant de truster les hit parades que sont les prix littéraires. Inutile de dire que la voie est dangereuse, même si elle est enthousiasmante. Comme chacun sait, parmi la multitude de manuscrits envoyés aux éditeurs, bien peu arrivent à tirer leur épingle du jeu. Ne reste alors qu’une immense déception. Mais, tout change, si on abandonne le rêve des hit parades, qu’au moins on n’en fait pas un objectif et mieux, qu’on ne cherche plus à se faire publier par une maison d’édition traditionnelle. L’écriture redevient alors un acte libre, débarrassé de toutes contraintes, si ce n’est celles qui vont aider à mieux vivre, voire à guérir. Mais, dans ce cas, ce ne sont plus vraiment des contraintes. L’écriture est alors une écriture thérapeutique. Mais, de quoi s’agit-il au juste ?

Comme la lecture, l’écriture peut être aussi une écriture thérapeutique

BIBLIOTHEQUE DANS UN HOPITAL
BIBLIOTHEQUE DANS UN HOPITAL

La bibliothérapie, qu’est-ce que c’est ?

Partons des professionnels de santé. Certains se sont rendus compte que la lecture d’un livre avait des effets bénéfiques sur des malades atteints principalement de maladies d’ordre psychique. Mais, pas que, à vrai dire.

La démarche est limitée et plutôt empirique en France, mais en Angleterre, par exemple, et d’une manière générale, dans les pays anglo-saxons, elle est beaucoup plus formalisée. Gràce, par exemple, en Angleterre, à des structures comme la  Reading Agency

Au point même, que la lecture peut y être un élément faisant partie d’une prescription médicale. Certains livres dit livres médicaments seraient ainsi plutôt bon pour soigner, par exemple, une tendance à la boulimie, d’autres à l’hypocondrie.

Dans ce cas, on est bien en présence d’une véritable bibliothérapie qui se définit alors comme :

L’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant qu’outils thérapeutiques en médecine et en psychiatrie, et un moyen pour résoudre des problèmes personnels par l’intermédiaire d’une lecture dirigée. 

En fin connaisseur, dans son livre intitulé « Sur la lecture », publié en 1906, Marcel Proust expose, selon Marc-Alain Ouaknin,  explicitement, certaines modalités du rapport entre lecture et thérapie. Dans son livre Bibliothérapie, lire, c’est guérir, il y cite longuement l’auteur de  » A la recherche du temps perdu », pour qui :

Il est cependant certains cas pathologiques pour ainsi dire, de dépression spirituelle, où la lecture peut devenir une sorte de discipline curative et être chargée, par des incitations répétées, de réintroduire perpétuellement un esprit paresseux dans la vie de l’esprit. Les livres jouent alors auprès de lui un rôle analogue à celui des psychothérapeutes auprès de certains neurasthéniques.

Terminons cette brève présentation de ce qu’est la bibliothérapie, par cette conclusion pleine d’allant de Marc-Alain Ouaknin à son introduction au livre précité :

La bibliothérapie, une nouveauté ?

Nenni ! Si loin qu’on remonte dans l’Histoire, on retrouvera cette intuition de la vertu thérapeutique du livre et du récit. Peut-être qu’un jour on saura qu’il n’y avait pas de littérature, mais seulement de la médecine..

Peut-on parler de manuscritothérapie ?

Peut-on parler de manuscritothérapie
Peut-on parler de manuscritothérapie

Si la bibliothérapie parait bine installée, peut-on en dire autant de ce qu’on peut appeler la manuscritothérapie ? Autrement dit,  le fait d’écrire peut-il avoir un effet thérapeutique comparable à celui de lire ? 

L’existence des journaux intimes et leur rôle dans la construction d’une personnalité ou la conduite d’une vie y répond de manière éclatante. Oui, écrire n’est pas neutre de ce point de vue. Et s’il ne l’est pas ici, il ne l’est pas non plus pour des œuvres de fiction, de philosophie ou autre. 

Car, tout simplement, quelle que soit l’œuvre que l’on écrit, celle-ci emprunte  naturellement à l’expérience acquise de leur auteur. Ne serait-ce qu’en cherchant à répondre via les questionnements qu’elle pose ou les personnages qu’elle anime aux interrogations qui l’obsèdent.

En fait, il en est ainsi de toutes les formes d’art et d’expression artistique. On n’ose élargir le champ de cette expression à des domaines qui n’ont rien d’artistique et qui pourtant, sous un certain angle, sont bien une manière de thérapie. Dans ce cas, à la formule « lire, c’est guérir« , il faudrait substituer celle de « vivre, c’est guérir« , et conclure par « Lire, c’est vivre« . 

Très bien, mais vivre comment ? C’est là où les self help books peuvent se révéler bien utiles. 

Cela dit, on peut aussi se contenter d’une forme d’art avec laquelle on nourrit une affinité particulière et qui stimule d’autres sens que ceux stimulés par la lecture ou l’écriture d’un manuscrit. Comme, par exemple, la musique, la peinture ou encore le théâtre, et même l’équitation.

Toutes choses et d’autres que l’on regroupe habituellement sous le terme générique d’art-thérapie. A noter que ce terme ne recouvre pas les mêmes champs d’expression artistique suivant qu’on se situe d’un côté ou de l’autre  de l’Atlantique. 

Comment écrire pour mieux vivre 

Choisir une formule d’écriture thérapeutique

Si écrire peut réellement aider à mieux vivre, pourquoi attendre pour le faire ? D’autant qu’on a le choix entre de nombreuses formules. On a déjà évoqué le journal intime, mais si on trouve le procédé ennuyeux à la longue, on peut aussi se rabattre sur le carnet de voyage, circonscrit dans le temps et l’espace, sur le poème, encore plus court et lié à un instant. 

Ces trois premières formules sont bien loin d’épuiser le sujet comme on peut s’en douter. On peut y ajouter des formules plus modernes telles que les nouvelles ou les séries d’historiettes qu’on diffuse auprès d’une communauté de lecteurs via une plateforme comme Wattpad. Ou encore, sa propre histoire au jour le jour qu’on arrange et qu’on publie, avec « sons et lumières », sur son compte Tik Tok, Instagram ou Facebook, pour épater ses « amis. » Ou mieux sur son blog.

S’imposer des règles d’écriture 

Quelle que soit  la formule retenue, de la plus traditionnelle à la plus moderne, il convient néanmoins de s’astreindre au respect de quelques règles simples à appliquer pour que la thérapie marche.

C’est-à-dire, si on veut être moins anxieux, retrouver un peu de joie de vivre, oublier ses phobies, dormir l’esprit tranquille, etc. .. Car ce sont là, entre autres, les bienfaits qu’on peut attendre de la bibliothérapie et de son « sous-genre », ce que nous avons appelé la manuscritothérapie

Pour ce qui concerne cette dernière, il convient notamment de :

Se fixer un cadre de travail.

Oh là, rien de bien méchant. Mais, un peu de discipline, comme de se réserver un moment dans la journée pour écrire et un endroit tranquille pour le faire, ça aide.

Ne pas se prendre la tête.

Pas la peine de se mettre en peine, justement, de vouloir écrire à tout prix le bestseller du siècle, ni de vouloir être le prochain Chateaubriand. Il est permis d’écrire comme ça vient. Et si on veut, on peut même se faire un peu aider par une IA.

De penser à publier son texte.

Cela présente un double intérêt. D’abord, ça permet de bien mettre en forme ce qu’on a écrit. C’est bon pour soi. De la même manière que mettre de l’ordre dans ses affaires aide à y voir plus clair.

Et ensuite, ça pousse à le faire lire et donc à nouer, ou à renouer, des liens. Il y a d’autant moins à hésiter qu’aujourd’hui les formules proposées par l’autoédition sont très abordables.

Nul besoin de se coltiner les comités de lecture des maisons d’édition traditionnelles et de chercher à répondre à leurs injonctions.  Pas toujours honnêtes, il faut bien le dire. Mais, bon, on peut toujours essayer, mais alors, pour avoir quelque chance d’aboutir, il est conseillé de ne pas partir la fleur au fusil et de s’y préparer avec soin. 

Ecrire, c’est la santé : l’écriture thérapeutique pour mieux vivre

Daniel Pennac, lauréat de nombreux prix, dont le grand prix de la littérature de l’Académie Française, en 2023,  a écrit quelque part, tout d’abord  : 

Le texte littéraire travaille à la restauration du lien avec autrui.

Et ensuite :

Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même.

Ces deux phrases résument bien ce qu’on peut attendre de la lecture et de son double l’écriture d’un manuscrit. La première pointe sur ce qui fait l’attrait du moindre livre, la connivence, ou le dialogue, avec son auteur et ses personnages quand il en met en scène. Bref, avec un livre, on n’est jamais seul et, si on le choisit bien, on est toujours en bonne compagnie.

La seconde souligne l’effet salvateur de toute lecture. Il ne s’agit pas seulement de lien, mais de ce qui fait qu’on  se sent bien, en paix avec soi-même et avec son corps. Et on peut amplifier encore plus cet effet salvateur, si on s’autorise à penser qu’on peut écrire soi-même et qu’on s’organise réellement pour le faire.

On comprend alors combien l’écriture peut être aussi dite écriture thérapeutique.

1 comment

  1. Á plus de 80 ans, j’ai changé totalement de vie, de région et l’écriture m’a aidée à m’adapter et surtout à créer des liens avec mon nouvel entourage , jusqu’à écrire une sorte de conte ensemble.
    Moments de bonheur assurés.

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