Au moins plusieurs dizaines de foires aux livres se disputent les afficionados du livre chaque année en France. Preuve de leur succès croissant, la plus grande d’entre elles, le festival du livre de Paris, a rassemblé plus de 100 000 visiteurs en 3 jours. De quoi donner à réfléchir à tous les auteurs, éditeurs, et autoéditeurs. Et la première leçon donnée par un tel festival, c’est d’y voir, quasi grandeur nature, le marché de l’édition en action. Pas besoin de sortir d’une grande école pour comprendre très vite ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il suffit de se laisser entraîner par les foules qui arpentent les allées ou d’errer dans celles qu’elles désertent. Cela dit, comment tirer partie de toute cette machinerie, quand on est un auteur ambitieux soucieux de vendre ses livres ?
Connaître les foires aux livres
Avant d’apprendre à se servir des foires aux livres, encore faut-il les connaître. Pour se simplifier la tâche, plutôt que les lister en vrac ou de réagir suivant son humeur du moment, on peut essayer de s’organiser en les répartissant au moins par thèmes, par régions ou par dates. C’est déjà ça et ça permet de se mobiliser un minimum pour promouvoir son livre ou pour savoir quoi écrire.
Quelles sont les principales caractéristiques des foires aux livres de France ?
A titre d’exemple, l’officiel des foires et marchés recensait, au 27 avril 2023, plus de 200 manifestations dédiées aux livres organisées par toutes sortes d’acteurs de la petite association de lecteurs passionnés, en passant par les bibliothèques et autres médiathèques, jusqu’aux centres régionaux du livre et autres mastodontes institutionnels.
Si on regarde du point de vue de Sirius cette liste, qui est loin d’être la seule de ce genre, on remarque trois particularités intéressantes.
Répartition par thèmes
La première particularité, c’est que la BD semble s’y tailler la part du lion. Ce n’est pas pour rien que ce segment de l’édition est un des plus dynamiques de toute l’édition, sinon même le plus dynamique. Et comme on peut le voir ci-après, il n’y a pas que le festival d’Angoulême au pays des BD.
On note ainsi pour 2023, d’après l’Officiel des foires et salons :
- Le festival de la BD, de Condette, dans le Pas-de-Calais, organisé par la maison diocésaine. On voit là combien les acteurs peuvent être divers et variés.
- Le festival BD Mangas- Bulles de Burle, de Sainte-Enimie, en Lozère, organisé, c’est simple à retenir, par Enimie BD.
- Le festival BD, de Martel, dans le lot. Là, ce sont les fêlés de la BD qui s’y collent.
- La bourse BD, de Carpentras, dans le Vaucluse, avec l’association Livres ensemble.
- Le festival BD, d’Avignon, dans le Vaucluse, de l’association Renc’arts.
Mais, comme on a toujours intérêt à varier ses sources, notons aussi, d’après, par exemple, le site LivresHebdo, les manifestations phares dans ce domaine que sont :
- Lyon BD, à Lyon évidemment.
- « L’inratable », c’est LivreHebdo qui l’écrit, Festival International de la bande dessinée, à Angoulême. Tous les amateurs savent où c’est.
- Le quai des bulles, à Saint-Malo.
- Ou encore, Bastia BD, tout simplement.
Bref, il y a de quoi faire. Vive la BD !
Répartition par régions
Poursuivons notre démonstration en restant en compagnie de l’officiel des foires et marchés. Mais, on aurait pu aussi consulter, entre autres, sur ce même sujet d’autres sites intéressants comme foireinfo.fr ou le très institutionnel fill-livrelecture.org. L’avantage de ce dernier site, c’est qu’il organise les informations qu’il donne, directement par région.
Seulement voilà, avec l’officiel des foires et marchés, c’est clair comme de l’eau de roche, vive le Lot !
Vive le Lot, car une bonne quinzaine de foires aux livres s’y déroulent de mai à décembre ! Fontanes, Saint Circq Souillaguet, Labenque (x2), Saint chefs, Laramière, Cahors, Rocamadour, Gignac, Latronquière, Luzech, Les quatre routes du lot sont les heureuses communes où les livres se bousculent et se pressent.
Bon, et si ça ne suffit pas, on peut oublier le Lot et se replier sur une ou plusieurs villes, cités ou villages du livre. Outre la pionnière Bécherel en Ille-et-Villaine, on en compte huit regroupés dans la Fédération des villages du livre en France et réparties à peu près sur tout le territoire national :
- Montolieu (Languedoc Roussillon).
- Fontenoy-la-Joûte (Lorraine).
- Cuisery (Bourgogne).
- La Charité sur Loire (Bourgogne).
- Montmorillon (Poitou-Charentes).
- Esquelbecq (Nord-Pas de calais).
- Ambierle (Rhône-Alpes).
Le plus d’un village du livre ? Il est permanent et sur un petit espace on y trouve concentrés une masse de libraires, de bouquinistes et d’artisans du livre. Attention ! En été, en général, il y a foule.
Répartition par dates
Cela dit, s’il y a foule l’été dans les villages de livre, ce n’est pourtant pas la bonne saison pour les foires aux livres. Certes, l’officiel des foires et marchés en comptabilise sept en juillet et aout 2023, mais la saison idéale semble plutôt être l’automne, voire la fin de l’automne.
Ainsi de septembre à novembre, le nombre de foires aux livres est sur un mode crescendo. De cinq, rien qu’en septembre, on passe à sept en octobre, l’équivalent des deux mois d’été, et à neuf en novembre.
Quelles raisons peut-on trouver à ce décalage entre l’affluence dans les villages de livre et le nombre des foires aux livres ? Il y en a probablement deux. Les villages de livre sont aussi des villages, des cités et des villes touristiques. Quant aux foires aux livres de l’automne, elles font suite ou accompagnent l’attribution des prix littéraires. Et donc la saison d’automne, la plus prolifique.
Focus sur le Festival du livre de Paris
Indépendamment de ce qui vient d’être dit sur les foires aux livres et les villages de livre de France et de Navarre, une mention spéciale doit être faite pour le Festival du livre de Paris. En 2023, il en est à sa deuxième édition dans sa nouvelle structure éphémère construite sur le Champ de Mars.
Programmation du Festival du livre de Paris 2023
Coté programmation, l’Italie a été à l’honneur pour cette deuxième édition qui s’est tenue du 21 au 23 avril. De ce fait, une cinquantaine d’auteurs italiens tels que Alessandro Barrico ou Milena Angus ont pu y être rencontrés par les festivaliers .
La programmation du festival, réalisée en partenariat avec le Festival de littérature et de culture italienne « Italissimo » a donc été baptisée « Passions italiennes« . Outre les auteurs italiens présents, des évènements, tels que le spectacle d’ouverture, ont souligné la tonalité italienne de l’évènement, néanmoins éminemment parisien.
Affluence du Festival du livre de Paris 2023
Le succès de la 2ème édition du Festival « éphèmère » a bien été au rendez-vous. Si on s’en tient au nombre des visiteurs, ils ont été 30 % de plus que l’année précédente.
Ce qui n’a d’ailleurs pas été sans poser quelques problèmes techniques. Beaucoup de visiteurs lassés de faire la queue pour payer les ouvrages qu’ils voulaient emporter suite à leur visite les ont abandonnés un peu n’importe où.
Ce qu’il faut retenir des caractéristiques des foires aux livres
Si on veut optimiser son analyse du marché du livre et répondre au mieux à la demande des lecteurs, selon la bonne formule de Morton Mandel, auteur du célèbre livre de management « It’s all about who », il faut privilégier la BD, le lot et le mois de novembre. Sans négliger pour autant, bien sûr, les grosses machineries comme le Festival du livre de Paris.
« Find a need and fill it » avait-il ainsi coutume de dire. Bien lui en a pris. Sa petite entreprise de pièces détachées pour automobiles est devenue, grâce à ça, un conglomérat mondial côté en bourse.
En tout cas, cela permet d’éviter de courir partout et de rationaliser ses dépenses de promotion et de recherche documentaire.
A quoi peuvent servir les foires aux livres quand on est auteur
S’informer sur les tendances du moment
En arpentant les allées d’une foire aux livres, on voit d’emblée, physiquement, ce qui marche et ce qui ne marche pas. Certains stands sont bondés, comme par magie, d’autres sont désespérément vides ou peu fréquentés.
Même chose pour les conférences. Certes dans un cas comme dans l’autre, la notoriété joue à plein. Les visiteurs sont attirés d’abord par les têtes d’affiche. Mais, même ainsi, les mouvements grégaires sont significatifs. Car, enfin, pourquoi celles-là justement et pour quelles raisons ? Cela vaut la peine de se poser la question.
Rencontrer des éditeurs
Evidemment, dans toute foire aux livres qui se respecte, il y a des éditeurs. C’est l’occasion d’aller à leur rencontre et de se faire connaître. C’est quand même mieux que de confier son manuscrit au hasard d’un comité de lecture lambda.
Cela dit, attention quand même à ne pas se tromper d’adresse. Inutile de perdre son temps avec un éditeur « alangui », auquel personne, ou presque, ne prête attention, et encore plus, si sa ligne éditoriale est à des années lumières de ce qu’on écrit ou de ce qu’on aime écrire.
Le temps passe vite et d’autres rencontres peuvent être davantage profitables.
Voir des libraires
Comme par exemple celles qu’on peut avoir avec de libraires. Ils peuvent être de très bon conseil. Et c’est aussi une bonne façon de se rendre compte que les libraires vendent ce qu’ils ont envie de vendre. Autrement dit, bien peu de libraires sont totalement neutres.
Il y a ainsi des librairies naturellement « vertes« , « rouges » ou « bleues« , pour ne prendre, pour commencer, que ces colorations. Ces dernières s’accompagnent, bien sûr, de connotations d’ordre politique. On peut en trouver d’autres comme la couleur « violette » ou « arc-en-ciel« .
La prédominance d’une couleur est un bon indicateur de marché. Les éditeurs y sont particulièrement sensibles. Après tout, ce sont les libraires qui écoulent principalement leur production.
Rencontrer des critiques littéraires
Plus difficile, car ils ont tendance à se la « péter » comme on dit, la rencontre avec des critiques littéraires peut se révéler très instructive. En principe, ils savent de quoi ils parlent et ils connaissent bien le secteur qui constitue leur gagne pain.
Une fois qu’on a franchi l’inévitable barrage de celui « qui-sait-tout » ou « à-qui-on-ne-la-fait-pas », on peut avoir une conversation extrêmement instructive, ou à tout le moins intelligente, car ils adorent montrer leur « science » et lire l’admiration pour eux-mêmes dans les yeux de leur interlocuteur.
Rencontrer d’autres auteurs
Contrairement aux critiques littéraires, aborder un auteur et, en général, beaucoup plus facile. Un auteur est, en effet, souvent timide et peu habitué, même avec le temps, au bruit et la fureur de l’exposition publique.
A défaut d’être pratique, le résultat est, néanmoins, la plupart du temps encourageant. D’auteur, même novice, à auteur, même confirmé, on se comprend. Et qui sait, avec un peu de chance on peut y glaner un bon tuyau.
Réunir plein d’informations utiles : résidences, concours, etc.
Reste les infos recueillies, ici ou là, d’un présentoir de stand à un autre, ou sur le comptoir réservé aux organisateurs et aux sponsors de la manifestation. On peut y remplir aisément un sac à dos de docs en tout genre, par exemple, sur les résidences d’auteurs dans une campagne déserte ou un vieux moulin, avec passage obligé dans les écoles du coin, ou encore sur les concours de l’assoce des joyeux éplucheurs de pommes de terre, elle aussi du coin.
A défaut d’être emballé par les unes et les autres, qui sait, on peut tomber sur l’info géniale qu’on n’attendait plus et qui va faire qu’on va pouvoir passer subitement de l’ombre à la lumière la plus vive. Bref, ça vaut toujours le coup de faire la tournée des popotes et d’y ramasser ce qu’on peut. Quitte à faire le tri plus tard.
Comment mettre en place une stratégie efficace pour bien profiter des foires aux livres
Comme on vient de le voir, si on s’en occupe bien, visiter une foire aux livres, c’est du boulot. Cela peut même être carrément éreintant. Alors mieux vaut s’organiser avant de partir avec son petit sac à dos, sa mallette ou sa valise.
Ne pas partir au hasard
Autrement dit, premier conseil, quand on est un auteur à la recherche de son marché, on ne se dit pas qu’il suffit d’avoir le nez au vent et les mains dans les poches pour le sentir. Il faut cibler, cibler et encore cibler. C’est-à-dire, choisir son terrain de chasse.
Pas la peine, par exemple, de se coltiner un salon de la BD, si on a horreur de ça. Même si on a lu quelque part que c’est ce qui marchait le mieux dans le secteur. Eh tiens, si on adore les haikus et qu’on en a composé un paquet dont tout le monde dit qu’ils sont merveilleux, il est largement préférable d’aller trainer ses guêtres dans n’importe quel festival culturel poétique.
Contrairement à ce qu’on pourrait facilement croire, ils pullulent, notamment, sous l’enseigne Printemps des poètes !
Se fixer un programme avant de partir visiter des foires aux livres
On a commencé à être rationnel, pas facile pour un auteur, on a donc choisi, avec difficulté, une ou plusieurs cibles, ou, « horresco referens », un ou plusieurs terrains de chasse, et on est tout à fait prêt à en rester là. Comme d’autres l’ont dit, « l’intendance suivra! » Justement non, en fait, elle ne suit que très rarement.
Donc, il faut se fixer un programme de visite. C’est ce programme qui va déterminer l’étape suivante qui est, définitive, l’étape essentielle.
Avoir des documents à distribuer
Pas de visite de foire aux livres réellement profitable en tant qu’auteur sans documents à distribuer. Au minimum, il faut avoir des cartes de visite. En nombre suffisant et propres ! Pas tirbouchonnées à force d’avoir errées au fond d’un porte-monnaie.
Non, de belles cartes de visite, bien travaillées et bien pensées. Les japonais en ont fait tout un art. Pour eux, en effet, i-e le meishi, la carte de visite, est une extension du moi. On voit jusqu’où ça peut mener, côté cérémonial et interprétation !
Au document de base incontournable qu’est la carte de visite, on peut ajouter aussi bien d’autres documents qui peuvent s’avérer extrêmement utiles comme un ou plusieurs exemplaires d’un livre autoédité, un synopsis d’un ouvrage en cours d’écriture ou tout bonnement un CV actualisé.
Bref, tout ce qui peut servir à montrer à un libraire, à un éditeur ou à un auteur renommé qu’on est de la race des auteurs qui font vendre.
Garder le moral
Dernier conseil avant de partir : garder le moral. Car rien ne se passe jamais comme prévu. Mais, au moins s’y être préparé, ça aide à y faire face et à se rassurer. Ce n’est déjà pas si mal et ça permet d’aborder ses premiers contacts avec sérénité.
Ce qu’il faut retenir, en général, sur les foires aux livres
Qu’on soit auteur confirmé, auteur inexpérimenté ou apprenti auteur, les foires aux livres sont, incontestablement, des outils de promotion incontournables. Un livre peut être excellent et ils le sont tous pour ceux qui les ont écrits, publiés ou pas, mais si on ne connaît pas son auteur, il est déjà moitié moins bon aux yeux de ceux dont c’est le métier de vendre des livres.
Les foires aux livres sont, d’évidence, un bon moyen pour les auteurs de s’en faire connaître et reconnaître. Mais, pour ça, il ne faut pas aller dans n’importe laquelle et y arriver les mains dans les poches et le nez au vent.