Tous les écrivains en herbe qui veulent vivre de leur plume rêvent d’écrire le livre qui va leur apporter gloire et fortune. En deux mots, ou plutôt en quatre, un livre qui se vend. Si, si, que les écrivains de cette catégorie qui s’en moquent lèvent le doigt et sortent des rangs ! La plupart du temps, gaillardement, ils se lancent dans l’écriture avec leurs envies et leurs histoires toutes prêtes, se disant, qu’après tout, si ça leur plait à eux, ça devrait plaire aussi à une masse de lecteurs. Parfois, ils ont raison, le plus souvent, ils tapent à côté. Alors adieu, veau, vache, cochon, etc. Tout le monde connaît l’histoire de Perrette racontée par La Fontaine dans sa fable « La Laitière et le pot au lait ». Mais, rien n’interdit les dit écrivains de chercher à éviter les déconvenues en s’efforçant de rationaliser leur travail d’écriture. Et pour commencer, en  écrivant sur des thèmes qui se vendent bien.

Ecrire un livre qui se vend, est-ce bien raisonnable ? 

Ecrire pour vendre, est-ce bien raisonnable ?
Ecrire pour vendre, est-ce bien raisonnable ?

Logique des éditeurs 

Les éditeurs éditent pour vendre. S’ils disent le contraire, ils mentent ! Même s’ils soutiennent, de temps à autre, telle ou telle œuvre à faible rendement, c’est-à-dire avec seulement quelques centaines de lecteurs. Pour survivre, ils ont besoin d’œuvres qui marchent. Et une œuvre qui marche est un livre qui se vend à plusieurs milliers d’exemplaires. 

Pourquoi ce qui est vrai pour n’importe quel éditeur ne serait pas vrai pour n’importe quel auteur voulant vivre de sa plume ?

Logiques des auteurs voulant vivre de leur plume avec un livre qui se vend bien

C’est quoi vivre de sa plume ?

Vivre de sa plume, c’est simple, c’est avoir au moins l’équivalent du smic rien qu’en vendant ses livres. Et c’est quoi l’équivalent du smic, pour ceux qui ne le sauraient pas encore ? Au 1er janvier 2023, c’est, très exactement, 1709,28 euros bruts par mois. Autrement dit, 20511,36 euros par an.

Autant le dire d’emblée, il y a bien peu d’auteurs qui gagnent ce minimum avec un contrat d’édition à 8% de droits d’auteur. Même avec un  minimum de 8649 euros par an pour pouvoir s’affilier, l’Agessa, la sécurité sociale des auteurs, ne comptabilise guère plus de 5000 auteurs affiliés. 

Cependant on peut toujours se rassurer en constatant que le revenu médian, 50 % gagent plus, 50 % gagnent moins, de ces affiliés est de 22 000 euros. En somme, le smic.

Bref, vivre de sa plume, ou écrire un livre qui se vend; c’est pareil; n’est pas commode. On peut toujours essayer de négocier de meilleurs droits d’auteur avec son éditeur. Eh bien, bon courage pour les plumes peu ou pas connues. C’est pour ainsi dire mission impossible. Reste l’autoédition pour les plus entreprenants et l’édition à compte d’auteur ou participative pour les plus « fortunés ».

Quelle stratégie suivre pour écrire un livre qui se vend ? 

Donc, donc, avant de se lancer dans l’écriture, si on veut vraiment vivre de sa plume;  on sait maintenant à quel niveau ça se situe ; il faut avoir une stratégie ! Ce qui revient à dire : 

  • Qu’il ne faut pas écrire n’importe quoi.
  • Et qu’il faut écrire écrire en fonction d’un marché. 

Comment faire pour adopter une bonne stratégie et écrire un livre qui se vend?

Faut-il lire pour ça une masse de livres de management ? Du style « Les 10 clefs pour réussir en affaire » ? Ou faut-il plutôt aller voir les auteurs ayant déjà publié pour savoir comment ils ont fait et surtout comment ils ont réussi à gagner de l’argent avec leurs livres ? 

Mhmm, tout ça peut sembler bien fastidieux. Reste alors le bon vieux système D. Celui qui demande un minimum d’investissement, mais qui peut rapporter gros. Là, c’est simple, il faut commencer par chercher à savoir ce qui attire les lecteurs. Simple, non ?

Comment savoir ce qui attire les lecteurs ? 

De ce point de vue, les prix littéraires peuvent constituer d’excellents indicateurs. Certes le Prix fait les ventes, mais il y va aussi de la réputation du Prix que d’être attribué à un livre qui a du potentiel commercial.

Difficile, en effet, d’imaginer un Prix attribué à un livre n’ayant pratiquement aucune chance dé séduire un nombre conséquent de lecteurs. 

Cependant, on peut quand même se poser la question et se demander légitimement si les prix littéraires sont finalement fiables.

Les prix littéraires sont-ils fiables ? 

Bonne question, n’est-ce pas ? La polémique qui a entouré la dernière attribution du prix Nobel de littérature en est une nouvelle illustration. Par suite, qu’est-ce qu’un prix littéraire fiable ? A priori, c’est un prix qu’un jury bien sous tout rapport décerne à un ouvrage également bien sous tout rapport. 

Est-on vraiment sûr de la qualité des uns et des autres ? Pas vraiment. Les péripéties qui ont miné ces dernières années le fonctionnement du jury du prix Nobel de littérature, le plus prestigieux d’entre eux,  ne sont pas, de ce point de vue, très encourageantes.

De fait, quand on parvient à s’affranchir, au moins  momentanément, de cette double qualité supposée, reste « à coup sûr », par conséquent a posteriori, la vraie fiabilité des prix littéraires : la fiabilité marketing ou commerciale.

Ce que disent les prix littéraires sur un plan marketing ou commercial

Si on s’intéresse aux cinq prix littéraires jouissant de la plus grande notoriété que sont ; le prix Goncourt, le prix Renaudot, le prix Fémina, le Grand prix du roman de l’Académie française et le prix Médicis, force est de constater qu’ils sont de solides indicateurs de ce que recherchent les éditeurs. On a vu plus haut pourquoi. Et donc, tout apprenti auteur désireux de vivre de sa plume a tout intérêt à s’en inspirer.

Prix Goncourt 2022

Que dit, par exemple, le choix de Brigitte Giraud, écrivaine bien connue, et de son livre « Vivre vite » à qui a été décerné le prix Goncourt, le 3 novembre 2022 ?  C’est parait-il selon certains webzines :

Un récit bouleversant qui a suscité l’enthousiasme de la rédaction. 

De quoi est-ce que ça parle selon la même rédaction, sous le titre « Vivre vite », dit-elle,  Brigitte Giraud raconte l’inacceptable, pour elle, en résumé :

Brigitte Giraud signe une œuvre bouleversante, non pas sur comment se réinventer après un deuil, mais sur une réflexion autour de la chronologie d’une vie, de la conséquence d’actes banals et triviaux, sur ces petits riens qui font les grands chaos en devenir. 

Bref, apprenti lecteur soucieux de trouver un éditeur, il faut produire du concret, du banal, et si possible du trivial. Mais en n’oubliant pas la petite dose de frisson que peut apporter le fait de souligner qu’une petite cause peut avoir de grandes et graves conséquences.

Ce qui fait très « philosophique » et est compréhensible par tout le monde.

Classement Edistat du livre qui se vend bien 

Et ça marche !  Après être  longtemps resté en tête du palmarès des meilleures ventes établi par Edistat, le livre de Brigitte Giraud, entré au top 50 des meilleures ventes, le 26 septembre 2022 n’en est sorti que le 27 mars 2023. Tous les succès sont naturellement fugaces.

A noter qu’il a été relégué à la troisième place dès fin novembre 2022. Et par qui ? Par un roman graphique, le tome 6 de l’arabe du futur, de Riad Sattouf qui prend alors  la première place et par le tome 29 de la BD Blake et Mortimer qui prend la deuxième.

Intéressant, non ? Pour être sûr d’avoir du succès, peut-être vaut-il mieux, finalement, se contenter d’écrire des bulles dans des planches de BD. Oublions donc, pour un temps, les prix littéraires et regardons plutôt les classements des meilleures ventes. Ceux d’Edistat, mais pas seulement.

 

Les prix littéraires sont-ils fiables ?
Les prix littéraires sont-ils fiables ?

 

Quels classements 2022 – 2023 des meilleures ventes suivre ? 

Classement Edistat

On vient d’évoquer le classement des meilleures ventes effectué par Edistat à propos du prix Goncourt 2022. Edistat est un site web qui publie des indicateurs permettant de mieux cerner le marché de l’édition. 

Le gros intérêt de ce site c’est que ses indicateurs sont fondés sur des estimations qui sont réalisées à partir des sorties de caisse d’un large panel de points de vente. Son offre est en général payante. Mais, on peut avoir accès chaque semaine, gratuitement, au top 5 des meilleures ventes sur 52 semaines glissantes. 

Pour la semaine du 24 avril 2023, toutes catégories confondues, les 5 meilleures ventes sont : 

  • Le monde sans fin, de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, Dargaud.
  • Angélique, de Guillaume Musso, Calmann-Lévy.
  • Le mage du Kremlin, de Giulano Da Empoli, Gallimard.
  • L’inconnue de la Seine, de Guillaume Musso, LDP.
  • Kilomètre séro, de Maud Ankaoua, J’ai lu.

Autres classements et indicateurs sur le marché du livre

A chacun d’en tirer les conclusions que cela lui inspire. Et si on n’aime pas Edistat, on peut tout aussi bien se référer aux indicateurs mis au point par GFK, société spécialisée dans les études de marché.  On y  retrouve beaucoup des éléments mis en avant par Edistat. Cela dit, La synthèse réalisée pour 2022 par GFK ne manque pas d’intérêt. 

On peut aussi ajouter aux données collectées auprès d’Edistat ou de GFK, celles que publient, entre autres, la SGDL , vraie mine d’informations en tout genre pour les auteurs, ou tout simplement, suivre les bandeaux meilleures ventes d’une grande plateforme comme Amazon. 

Comment analyser un classement des meilleures ventes  2022 – 2023 ? 

Evidemment, à force de collecter des infos sur le marché du livre, on risque d’en avoir une vue de plus en plus brouillée ou du mal à digérer. C’est toujours ce qui se passe quand l’excès d’informations finit par déboucher sur l’infobésité

Pour l’éviter, il n’y a qu’une seule marche à suivre, celle de la sélectivité. Autrement dit, il faut se limiter aux informations qui concernent directement ce qu’on a envie d’écrire ou ce qui s’en rapproche. 

Par suite, on regarde l’offre, la sienne, avant de regarder la demande et on l’ajuste, si possible, en fonction de ce qu’on observe. De ce point de vue, trois paramètres sont déterminants :

  • La thématique.
  • Le genre.
  • Et l’éditeur. 

Si l’examen est concluant, on continue, s’il est mitigé, il est temps de s’interroger sur son projet d’écriture. En tout cas, si on veut toujours vivre de sa plume.

L’autoédition : un « plus » ou un « moins » pour écrire un livre qui se vend ? 

Une chose est sûre, un contrat d’édition dans ces conditions ne peut pas être la panacée. Si on résume, il faut à tout prix entrer dans la ligne éditoriale des éditeurs à qui on envoie son manuscrit, sinon rien, pour paraphraser le slogan d’une fameuse marque d’alcool.

L’autoédition : un « plus » pour des auteurs très connus

Et même ainsi, on est quasiment certain de ne pas tirer suffisamment de revenus de son manuscrit ;  en tout cas, si on veut vivre de sa plume; si par aventure, il parvient à être publié. 

De ce point de vue, s’autoéditer devient alors un choix très rationnel. Des auteurs très connus comme, par exemple,  Eric Zemmour ou Joël Dicker, l’ont parfaitement compris. Leurs derniers ouvrages, ils les ont publiés eux-mêmes.

L’autoédition : un « plus » pour des auteurs indépendants et entrepreneurs

Cela dit, pas besoin d’être très connu pour vivre de sa plume. Avec l’autoédition, tout auteur peut arriver à percevoir des revenus conséquents, même avec de petits tirages et des prix de vente réduits. 

Cependant, il ne faut pas se leurrer. Ce que l’auteur bénéficiant d’un contrat d’édition ne fait pas, il va falloir le faire soi-même dans le cadre d’une autoédition. C’est tout ce qui concerne sa part entrepreneuriale. Autrement dit, toutes les opérations propres, notamment, à la promotion du livre, à sa diffusion ou à son suivi comptable.

Mais, même ainsi, on peut se libérer d’une grande partie de ces tâches en choisissant bien sa plateforme d’autoédition. Elles n’offrent pas toutes les mêmes services. En contrepartie, on n’a plus à souffrir des diktats éditoriaux.

Cependant, si on peut se passer de rechercher quelle est la ligne éditoriale de telle ou telle maison d’édition, il n’en reste pas moins qu’il faut toujours penser à ses lecteurs et à leurs envies de lecture. A moins de ne vouloir écrire que pour un lecteur unique : soi-même.

Mais, dans ce cas, pas question, naturellement, de vouloir et pouvoir vivre de sa plume. 

 Le secteur de l’édition : comment ça marche ? 

Une fois de plus, il faut rappeler que l’édition est, malgré ses apparences « intello »,  un secteur économique comme les autres. L’exception culturelle n’est, en fait, qu’un argument commercial ou marketing, de plus. 

Circuit éditorial du livre qui se vend bien

En général, la route qui mène à une publication est la suivante :

  • A un moment donné, une thématique fait le buzz. Des articles et des commentaires de plateau ne parlent que de ça.
  • Les éditeurs se mettent alors à l’affût de manuscrits qui en ont fait leur sujet principal.
  • Sont choisis les manuscrits les plus en phase avec la ligne éditoriale de la maison d’édition. Celle qui correspond à l’image de marque qu’elle s’est choisie. 
  • Une fois publié,  le livre est envoyé dans de multiples rédactions pour faire parler de lui.
  • Si ça marche, les ventes suivent et entretiennent le mouvement.
  • Enfin, les éditeurs essaient une dernière fois de le booster en s’efforçant de convaincre le jury d’un prix littéraire, le plus prestigieux possible, de l’immense talent révélé par l’auteur qu’ils viennent d’éditer.

Faire appel à une IA pour écrire un livre qui se vend

Telle est la mécanique, ou le jeu, à laquelle aucun auteur publié dans le cadre d’un contrat d’édition ne peut échapper et dans laquelle la « banque », c’est-à-dire l’éditeur,  est toujours gagnante. 

Le résultat, c’est beaucoup de manuscrits jetés à la poubelle et un grand conformisme dans les publications. On comprend que, dans ces conditions, l’arrivée d’IA comme ChatGPT puisse faire peur.

On comprend aussi que l’autoédition puisse devenir, de ce fait, un élément clef de la liberté d’expression. Et les lecteurs, les vrais, ne s’y trompent pas. Ceux pour qui, comme l’écrit Irène Vallejo dans « l’infini dans un roseau » : 

Lire est un rituel qui implique des gestes, des attitudes, des espaces, du matériel, des mouvements, des modulations de lumière. 

Rien à voir donc avec des consommateurs pressés qu’une quelconque IA puisse satisfaire.

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