Les éditeurs n’en peuvent plus. Certains, comme Gallimard, ont même demandé à ce que les auteurs suspendent leurs envois de manuscrit. La cause de ces malheurs ? Trop d’écrivains !
Et la crise sanitaire n’a fait qu’empirer les choses. Rester chez soi à ne savoir quoi faire, c’est l’occasion pour beaucoup de confinés de se jeter sur leur clavier d’ordinateur et d’écrire enfin « le roman de sa vie ». Ou plus simplement, d’écrire jour après jour son journal du confinement, puis de son déconfinement, suivi de son confinement déconfiné.
Bref, le travail ne manque pas. Résultat, à force, le travail paie, comme toujours, et les journaux, ou les romans, finissent par être ficelés. Ne reste plus qu’à trouver un éditeur pour publier le fruit de ses fines observations quotidiennes ou les idées géniales portées par les personnages de son fabuleux roman.
Sauf que les éditeurs ne s’y laissent pas prendre et préfèrent souvent rater le roman du siècle ou le journal intime qui fera date plutôt que de voir leur comité de lecture disparaître sous des monceaux de manuscrits incompatibles avec leur ligne éditoriale. La solution ? La publication en autoédition, bien sûr !
Ecrire un journal intime ou un journal du confinement qui peut faire date
On a beaucoup écrit sur l’art et la manière d’écrire un bon roman. Un peu moins sur l’art et la manière d’écrire un journal intime. C’est que l’écriture d’un tel journal peut paraître évidente.
Or, pas du tout. Du moins, si on a l’ambition de le publier et de le voir lu par un grand nombre de lecteurs. Pour cela, il faut se mettre dans la peau d’un diariste. Comme celui qui veut écrire un roman se met dans la peau d’un romancier.
Diariste, c’est quoi ?
Le Larousse, dans ce domaine, fait simple. Pour lui, le diariste, c’est l’auteur d’un journal intime. Bon, très bien, qu’est-ce qu’il faut entendre par « intime » ?
Intime, jusqu’où ? Intime, sur quoi ? Et, intime, comment ?
Pas si simple, finalement. Mais, une chose est sûre, si on veut écrire un bon journal intime, mieux vaut donc commencer par en connaître les caractéristiques.
Caractéristiques du journal intime
On l’aura compris, un journal intime, c’est un texte écrit, au jour le jour, et sur un sujet qui touche personnellement son auteur. Au jour le jour, c’est-à-dire ? Personnellement, comment ?
Un journal écrit au jour le jour
Cela veut dire que tous les jours, ou presque, on écrit un texte compris, en général, entre quelques mots et plusieurs centaines. Attention, un journal intime, au sens strict, on verra plus tard pourquoi, n’est pas un roman ou un essai. Donc, tous les jours, on écrit un texte qu’on place sous la date à laquelle on l’a écrit.
On peut aussi lui donner un titre évocateur de son contenu. A noter que les dates ne se suivent pas forcément.
On peut commencer un texte un jour et le finir un autre et pourtant le placer sous une seule et même date. Celle à laquelle on l’a commencé, ou celle à laquelle on l’a fini. De même, on peut très bien, aussi, sauter plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avant d’écrire le prochain.
Comme toujours, en matière d’écriture, l’auteur règne en maître absolu. C’est un narrateur omniscient.
Un journal intime
D’un auteur à l’autre, la nature de l’intimité varie et son degré aussi. Par exemple, Cette intimité peut se réduire aux impressions purement subjectives de l’auteur sur les évènements qui font sens pour lui ou n’être qu’un suivi, jour après jour, de ses états d’âme et des réflexions que lui inspirent son entourage immédiat. Entre ces deux extrêmes, toutes les situations et tous les dosages sont possibles.
Le journal d’Anne Franck
Un des plus célèbres et des plus connus, est le journal d’Anne Franck. C’est celui d’une jeune fille juive allemande, exilée aux Pays-Bas, pour échapper à la fureur nazie. Malheureusement, les Pays-Bas sont envahis par les allemands et Anne, 13 ans, doit se cacher avec ses parents et sa soeur aînée, Margot, pour leur échapper.
Commencé le 12 juin 1942, le journal s’arrête le 1er août 1944, date de l’arrestation de toute la famille et des quatre amis qui les ont rejoint dans leur cachette qu’elle appelle « l’annexe ».
Elle meurt du typhus dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Seul son père survivra aux camps. Dans son journal, Anne raconte, de manière spontanée, son quotidien de recluse et celui des sept autres personnes recluses avec elle.
Bien proche de celui de toute famille confrontée à une cohabitation difficile. Ce qui rend le journal toujours aussi actuel, bien qu’il ait été écrit il y a plus de 70 ans dans des circonstances tragiques, et en fait un journal du confinement avant la lettre.
Mémoires de la vie littéraire, des frères Goncourt
Autre exemple, beaucoup moins dramatique, celui des frères Goncourt. Intitulé le journal des Goncourt, avec comme sous-titre, Mémoires de la vie littéraire, les frères Goncourt, Jules et Edmond, leur journal n’a été publié qu’après leur mort. Et heureusement ! Comme le dit Pierre Ménard qui a publié en janvier 2020, Les infréquentables frères Goncourt :
Ce sont des teignes, qui disent du mal de tout le monde, de leurs amis, de leurs ennemis, de leur famille. Ils vont toujours avoir un mot méchant, un portrait au vitriol. Par exemple, quand ils parlent de Renan, avec qui ils dinent, ils parlent d’une tête de veau qui a des rougeurs et des callosités de fesses de singe.
Gageons, qu’aujourd’hui, ils s’en donneraient à coeur joie sur leur page Facebook ! Il y a donc autant de journaux intimes que d’auteurs qui les rédigent. Tout dépend de l’intention de départ.
Mais, quoiqu’il en soit, un journal intime est toujours un témoignage. Un témoignage brut. Sans apprêt.
Le journal de Marie Bashkirtseff
C’est ce qu’écrit, sans ambages, dans la préface à son journal une autre diariste célèbre, Marie Bashkirtseff. Elle a commencé à tenir son journal intime, au même âge qu’Anne Franck, et son destin sera également tragique, puisqu’elle meurt de tuberculose à 26 ans, en 1884. Elle aura quand même eu le temps de croiser les Goncourt.
Pour elle, tout est parfaitement clair :
A quoi bon mentir et poser ? Oui, il est évident que j’ai le désir, sinon l’espoir, de rester sur cette terre, par quelque moyen que ce soit. Si je ne meurs pas jeune, j’espère rester comme une grande artiste ; mais si je meurs jeune, je veux laisser publier mon journal qui ne peut pas être autre chose qu’intéressant. – Mais puisque je parle de publicité, cette idée qu’on me lira a peut-être gâté, c’est-à-dire anéanti, le seul mérite d’un tel livre ? Eh bien ! non. – D’abord j’ai écrit très longtemps sans songer à être lue, et ensuite c’est justement parce que j’espère être lue que je suis absolument sincère. Si ce livre n’est pas l’exacte, l’absolue, la stricte vérité, il n’a pas de raison d’être. Non seulement je dis tout le temps ce que je pense, mais je n’ai jamais songé un seul instant à dissimuler ce qui pourrait me paraître ridicule ou désavantageux pour moi.
Différences entre le journal intime, le roman intime et la chronique subjective
Les lettres de Madame de Sévigné
Une fois qu’on a dit cela, on n’a pas tout dit sur ce qu’est un journal intime. Car, il y a des textes qui lui ressemblent beaucoup, sans en être vraiment, tout en laissant penser qu’ils en sont quand même. Ainsi, pour commencer, des lettres de Mme de Sévigné à sa fille, Mme de Grignan.
Mais, pas seulement, car elle a une dizaine de correspondants. De fait, elle en a rédigé près de 800, de 1671 à sa mort, en 1696. Presque chaque jour. Qu’est-ce qu’elle y raconte ? Tout ce qui se passe autour d’elle ! De grand ou de petit. Une vraie chroniqueuse !
De sorte qu’on peut dire qu’entre le genre épistolier et le journal intime, il n’y a, bien souvent, guère plus que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. Dans un cas, on expédie des lettres, dans l’autre, on garde dans un cahier ce qui aurait pu faire l’objet d’une lettre.
Virgnia Woolf et le courant de conscience
Virginia Woolf (1882 – 1941) est des grands auteurs du XXème siècle. Elle a notamment été le pivot du groupe d’artistes et d’écrivains qu’on a appelé le » Bloomsbury Group ». Dans son roman le plus célèbre, Mrs Dalloway, elle décrit la journée d’une femme de la haute société londonienne des années 20.
Tout y passe. Ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, ce qu’elle ressent.
Raison pour laquelle on a dit que ce roman était la parfaite illustration d’un « flux de conscience ». Novation littéraire qu’on doit à Virginia Woolf et qui a marqué toute la littérature de ce siècle. Pas vraiment d’intrigue dans ce roman, pas vraiment de journal non plus, puisque tout le récit se déroule sur une journée, mais quelque chose de particulier qui emprunte à l’un et à l’autre.
La nef des fous, de Michel Onfray
Dans cet ouvrage paru chez Robert Laffont, en février 2021, et sous-titré, des nouvelles du Bas-Empire, Michel Onfray se livre à un de ses exercices favoris. Celui du pamphlet. Mais, pour ce qui est de la forme, il s’agit indiscutablement d’un journal intime.
Sauf que ça ne parle pas de Michel Onfray, en tant que tel, mais de Michel Onfray témoin de son époque et dont le plan suivi pour son témoignage est celui d’un éphéméride. Ajoutons que cette Nef des fous est en quelque sorte son journal du confinement. Mais, un journal extraverti.
S’organiser pour écrire un journal intime
Comme pour tout travail d’écriture, il n’y a de résultat que s’il y a un minimum d’organisation. Et l’organisation pour un journal intime, que ce soit un journal du confinement, ou pas, ça consiste à choisir d’abord, le type de support sur lequel on va écrire. Grosso modo, on a le choix entre trois types de support.
Créer un journal intime en ligne
Un support en ligne peut être une très bonne solution. Pourquoi ? Parce que c’est pas cher, pour ne pas dire gratuit, très facile d’accès, tout en étant sécurisé. Comment ça fonctionne ? Mais, avec la technologie du cloud, bien sûr ! Grâce à cette technologie, le rédacteur d’un journal intime peut écrire sur son journal, n’importe où, n’importe quand.
Ah bon, quel intérêt ? Mais celui de noter instantanément, ou presque, la réflexion ou l’observation qui doit absolument y figurer. Car, attendre, demain, pour le faire, faute de n’avoir aucun support d’immédiatement disponible, c’est déjà l’avoir à demi perdue. Pas génial, et plutôt frustrant.
Créer un journal intime sur ordinateur
On peut préférer néanmoins son brave ordi dont on connaît tous les défauts. La lenteur, les touches effacées, ou Dieu sait quoi encore. Mais, c’est l’ordi sur lequel on a passé des heures et des heures d’écriture et dont on a énormément de mal à envisager le remplacement.
Tout est dessus ! Les mails, les notes, les téléchargements, etc. On ne veut rien en perdre !
C’est pourquoi on multiplie les sauvegardes et les clefs USB. C’est la règle pour un journal intime écrit sur son ordi habituel. Rien de pire que de perdre des pans entiers de son journal simplement parce qu’on a oublié de l’enregistrer ou parce qu’en retirant, sans précaution, la clef USB de son port on en a abimé le contenu.
L’autre règle, c’est de s’astreindre à suivre un rythme d’écriture. Une heure, ou quelques minutes, tous les jours, quitte à n’écrire que quelques mots. Voire, le seul mot « rien ». Et, il y a des « rien » qui tuent.
Ou laissent supposer des choses qui n’y sont peut-être pas. Comme ce « rien » inscrit par Louis XVI dans son journal à la date du 14 juillet 1789. Etonnant, non, quand on pense aux évènements qui se sont déroulés ce jour-là ?
Ecrire sur un carnet papier
Dernière façon de donner corps à son journal intime, le cahier papier et le crayon qui va avec. Les ados, surtout les filles, l’adorent et il y en a de très beaux. Belle occasion de faire des cadeaux utiles quand on ne sait plus quoi leur offrir pour Noël ou leur anniversaire.
Comment fabriquer un journal intime
Prendre des notes
On évoquait plus haut le cas Louis XVI et son fameux « rien » à la date du 14 juillet 1789. A vrai dire, Louis XVI avait pour habitude de prendre des notes pour écrire sur son journal, en général, le mois d’après. De fait, son journal n’était pas réellement un journal intime, mais plutôt une sorte de livre de comptes consacré aux résultats de ses chasses et aux évènements auxquels il avait directement participé.
De ce point de vue, il n’y a donc finalement pas de quoi être surpris de sa notation. D’ailleurs, le lendemain de la prise de la Bastille, à son réveil, parfaitement informé de ce qui s’était passé la veille, il interroge le Duc de la Rochefoucauld-Liancourt, pour en savoir un peu plus :
C’est une révolte ? lui demande-t-il. Et l’autre de répondre par cette phrase célèbre, entre toutes – Non, sire, ce n’est pas une révolte, c’est une révolution.
Bref, pour tenir son journal à jour, prendre des notes est indispensable.
Se réserver des moments d’écriture
Comme on l’a dit plus haut, en évoquant la pratique de Louis XVI, un journal intime, que ce soit un journal du confinement ou un carnet de bord, ça ne tient la route que si on lui réserve un peu de temps, tout le temps. Tiens, d’ailleurs, c’est bien ce que font, chaque jour, les officiers de marine qui commandent un navire. Ils consignent, plutôt qu’ils n’écrivent, tout ce qui concerne leur bateau dans son livre de bord.
Imprimer son journal intime ou son journal du confinement
Reste qu’une fois écrit, il faut s’organiser pour conserver ou partager le journal intime. Et là, rien de mieux que de l’imprimer ou de le faire imprimer.
Envoyer le manuscrit de son journal du confinement à une maison d’édition
Si on a de l’ambition et qu’on pense avoir écrit quelque chose de remarquable qui peut servir aux générations présentes et futures, on peut être légitimement tenté d’en faire parvenir le manuscrit à l’une de ces grandes maisons d’édition comme Gallimard.
Cependant, force est de constater que ce qui prime dans ce domaine, c’est la politique éditoriale de ces maisons. Et, il faut bien le dire, par exemple, le journal du confinement n’est plus vraiment porteur. C’est qu’il y en a eu vraiment beaucoup d’écrit.
Imprimer son journal intime avec une imprimante personnelle
Cela dit, on peut avoir des ambitions plus modestes et rechercher simplement le plaisir de pouvoir relire son journal, commodément et autant qu’on le veut, comme on aime feuilleter, de temps en temps, un album photos.
Dans ces conditions, une bonne imprimante suffit et le tour est joué ! C’est quand même mieux que de se payer une succession d’écrans numériques sur son vieil ordi !
Autoéditer son journal du confinement
Mais pourquoi ne pas franchir une étape supplémentaire ? Il y a encore mieux à faire que d’imprimer son journal avec une imprimante personnelle poussive, c’est tout simplement de le faire imprimer en autoédition.
Si on prend la peine d’y réfléchir un peu, on se rend vite compte que ce n’est guère plus cher, qu’en plus ça présente nettement mieux et qu’on peut donc faire circuler son journal sans honte. Et qui sait trouver un éditeur ! Si telle est encore son envie.
Témoignage et développement personnel
Valeur historique du journal intime
Ecrire un journal intime, c’est la façon la plus libre et la plus simple qui soit de se lancer dans l’écriture. Le plan y est tout trouvé. L’intrigue aussi.
Quant au style, il n’y a rien d’imposé. C’est génial ! Devenir écrivain est ainsi à la portée de tout un chacun.
Et cela a, en plus, de la valeur. La même que celle de tous ces mémoires écrits pour servir à l’histoire de son temps.
Bienfaits personnels
Et quoiqu’il en soit, écrire son journal intime, se donner la parole sans se censurer, pouvoir ainsi lui confier ses pensées les plus secrètes, comme à un ami, cela procure un bien immense qui vaut bien toutes les programmes de développement personnel du monde. Sans compter qu’il peut en être un parfait accompagnateur.
Pour toutes ces raisons, autoéditer un journal intime est pratiquement incontournable.
Bonjour,
Sur quel logiciel peut on faire la mise en page ? Personnellement, mes textes sont écrits sur notes sur Apple. Est ce que « pages » est bien pour reprendre les textes ou mieux vaut utiliser un autre support ?
Merci,
Cordialement,
Nathalie Mauche
Bonjour,
Le mieux est de faire la mise en page sur un logiciel professionnel tel que Adobe Indesign, celui-ci est cependant payant. Vous pouvez également opter pour Canva qui est gratuit et plus simple d’utilisation.