La réponse tient en une phrase. Écrire un livre, c’est faire un scénario. Oui, mais. Il y a scénario et scénario. Disons d’emblée qu’un scénario pour écrire un livre n’a rien à voir avec un scénario de film.
- Alors qu’est-ce que c’est ?
- Et, question subsidiaire, à quoi ça sert ?
- En a-t-on fini avec les questions sur cette question ?
Oh, que non !
Car, un scénario varie aussi avec le type d’ouvrage auquel on l’applique.
Définition du scénario
Beaucoup d’auteurs ne parlent jamais de scénario. Et pourtant, ils ne peuvent pas s’en passer. Mais, si on leur dit « plan », leurs yeux s’illuminent, les pensées se bousculent dans leur tête et les mots n’ont aucune peine à jaillir de leur bouche. C’est qu’un auteur a toujours quelque chose à dire sur « le plan ». Grave question, doctes réponses.
Soyons clair. Un plan, c’est un scénario et un scénario, c’est un plan. Bon, très bien, mais pourquoi utiliser deux mots pour parler d’une même chose. C’est que suivant le mot qu’on utilise, l’approche est différente, même si le but est le même. C’est comme de vouloir atteindre le sommet d’une montagne. Il y a toujours au moins deux sentiers pour l’atteindre. Plus ou moins faciles. Plus ou moins attrayants.
Quand on parle de scénario pour un livre, le but est bien de faire un plan, avec des grands « 1 » et des grands « 2 », mais, surtout, on fait porter le raisonnement sur des scènes et un enchaînement de scènes. Ce n’est pas tout à fait pareil. Ce n’est pas la même adrénaline.
Autrement dit, quand on fait le scénario d’un livre, on visualise à l’avance les différentes scènes qui vont le composer. Comme dans un long ou un court métrage au cinéma. L’écriture devient alors acte de transcription. Facile, n’est-ce pas ? Facile, le principe l’est. Indubitablement. La réalisation, bien évidemment, un peu moins. Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas simple de TOUT visualiser à l’avance.
En effet, par exemple, bien des scènes n’apparaissent qu’au fur et à mesure de l’avancée d’un roman, Et, par ailleurs, autre exemple, si on passe du roman au document, le processus de visualisation ne fonctionne plus tout à fait de la même façon.
Un peu de méthodologie est donc nécessaire pour que le scénario d’un livre ne se transforme pas en un « grand n’importe quoi » dans lequel l’auteur va se perdre et ses lecteurs aussi. Ou encore, dans lequel héros ou dialogues apparaissent comme des cheveux sur la soupe.
Et cela, à supposer que l’auteur, scénariste en herbe, réussisse à aller jusqu’au bout de sa narration.
Comment faire un scénario pour écrire un livre ?
Les méthodes ne manquent pas. Mais, selon les spécialistes en écriture, on a le choix entre quatre grandes manières de faire : la feuille de route en x étapes, le tableau excel, la note conceptuelle ou de « cadrage » et le « chemin de fer ».
La feuille de route pour faire un scénario
C’est sans doute la méthode la plus simple à suivre. Elle fonctionne comme une liste « TTD » pour « Things To Do ». C’est-à-dire comme une liste de « choses à faire ». Suivant la personnalité de leur concepteur, la liste de ces choses à faire est réduite ou, au contraire, très longue, comme un jour sans pain. Tout dépend du niveau de détail. Naturellement, plus la liste est détaillée, plus elle est contraignante et inversement.
Elle comprend, en général, les 6 points suivants :
- Une scène d’ouverture.
- Une présentation des principaux protagonistes.
- Un élément déclencheur qui pousse les protagonistes à agir.
- Une série de scènes illustrant les efforts des protagonistes pour sortir de la crise.
- Une scène « climax » dans laquelle ces efforts atteignent un niveau paroxystique.
- Un final de retour au calme, avec une conclusion en forme de « morale de l’histoire ».
Ce déroulement narratif est valable pour beaucoup de genres de littérature et de formes d’expression. Par ailleurs, il est particulièrement évident dans les contes que l’on peut considérer, d’un certain point de vue, comme une sorte d’expression narrative « primitive », c’est-à-dire, originelle.
Cet aspect a été particulièrement développé par Vladimir Propp dans un ouvrage intitulé « La morphologie du conte », publié pour la première fois en 1928 et qui fait référence encore aujourd’hui.
Le tableau « excel » pour faire un scénario de livre
Le tableau « excel » est une feuille de calcul dont les services de gestion ne peuvent plus se passer. De fait, il a été conçu pour faciliter le traitement des données comptables, financières ou d’autres données du même type. Par conséquent, il est normal de se demander en quoi il peut aider à formaliser un scénario pour écrire un livre.
Cela vient du fait qu’un tableau excel a aussi comme particularité de formater automatiquement un nombre considérable de lignes et de colonnes tout en y associant autant de feuillets que l’on veut. Particularité bien pratique quand on veut avoir une vue d’ensemble de ce qu’on s’apprête à écrire et un accès rapide à des notes spécifiques.
Ajoutons qu’en outre le logiciel fait partie du pack office de tout ordi fonctionnant sous Windows. Par conséquent, nul besoin de se doter d’un logiciel supplémentaire et surtout d’apprendre à le manier comme, par exemple, l’adobe creative suite.
Une fois qu’on a ouvert un fichier excel dédié au livre à écrire, il suffit de nommer les colonnes et les lignes nécessaires. En colonne, on indique, par exemple, le chapitre, le titre, la scène, le nombre de mots, etc. En ligne, le nom des chapitres, leurs titres, les résumés des scènes, etc.
Ce qu’il y a de bien avec ce système, c’est qu’il peut se transporter partout avec soi et qu’il peut être remanié en permanence. Au gré de son imagination et de la progression de son écriture.
La note conceptuelle ou de cadrage
L’avantage de cette autre façon de procéder, c’est qu’elle est hyper simple à mettre en œuvre. Car, en effet, une simple feuille de papier suffit à bien fixer les idées. Et, au fond, elle contraint l’auteur à répondre à 6 questions qu’on peut résumer par l’acronyme QQOQCP. Pour :
- Qui sont les personnages ?
- Quels sont leurs problèmes ?
- Où cela se passe-t-il ?
- Quand exactement ?
- Comment font-ils ?
- Pourquoi finalement ?
Libre ensuite à l’auteur d’agencer ses chapitres et d’organiser le déroulement de son histoire en ayant le souci de ne laisser aucune de ces 6 questions sans réponse. L’avantage d’une telle note, c’est qu’elle laisse à l’auteur une grande liberté d’écriture, tout en évitant que cette liberté ne se traduise par une multitude de paragraphes hors sujet.
Le « chemin de fer »
Le procédé est bien connu des rédacteurs de presse. Il consiste à rechercher et à souligner la cohérence entre des évènements qui, à priori, n’ont rien à voir ensemble. C’est ce qui permet de caractériser une ligne éditoriale.
En général, on formalise les choses à coup de « post-its » placés sur un tableau mural et qu’on relie entre eux autant que le justifient les liens ou la logique entre les évènements, les lieux, les personnages, les idées, etc., qu’ils représentent.
L’ensemble crée une impression de grand foisonnement et il n’est pas toujours facile de trouver un « fil rouge » pertinent. Cependant, avec l’habitude, les idées et les scènes s’organisent comme par enchantement. Tout en donnant libre cours à une très grande créativité.
On finit par voir s’animer sur le mur, comme dans un théâtre d’ombres, le voyage du héros, les manigances du méchant ou d’une « étoile de la mort ». Ou encore les prouesses des sosies de Spider-Man, de Harry Potter ou de Luke Skywalker, suivant le genre de littérature et les personnages de fiction auquel on se réfère.
Comment choisir la bonne méthode pour faire un scénario de livre
Choix d’une méthode avec des élèves
Le choix de la méthode la plus appropriée pour faire un scénario de livre dépend, principalement, de deux facteurs : le tempérament de l’auteur et la nature de ce qu’il écrit.
C’est ce que s’efforce, notamment, de transmettre à ses élèves tout professeur qui enseigne l’art d’écrire.
Choix d’une méthode en fonction du tempérament
Sans verser dans le psychologisme, il est certain qu’une méthodologie à base de tableau excel, par exemple, convient plus à des tempéraments « organisés » qu’à des tempéraments « artistes ».
En fait, l’important dans ce domaine, c’est de ne pas se lancer sur les chemins de l’écriture sans « cartes routières ». D’une certaine façon, peu importe la méthode choisie pourvu qu’il y ait une méthode. Et pour faire ce choix, on peut tout simplement laisser faire son intuition.
Le tableau « excel » vous rebute et vous préférez l’expression libre ? Qu’à cela ne tienne, écoutez-vous et choisissez la méthode avec laquelle vous vous sentez le plus en phase.
Il ne sert à rien de forcer votre nature. Vous risqueriez d’y perdre tout votre « allant » et votre créativité.
Choix d’une méthode en fonction du type d’ouvrage à écrire
Cela dit, comme dans le domaine sportif, il y a des figures imposées. Si la plus grande liberté est réservée à l’écriture d’un roman, celle d’un document n’a pas cette chance.
Scénario pour écrire un document
Si on définit, par exemple, un document comme un écrit destiné à rendre compte, avec précision, d’évènements ou à préparer une action, sa présentation, son organisation et son style vont devoir être en rapport avec cette finalité.
Scénario pour écrire un roman, un BD ou un Manga
Un roman ou une Bande Dessinée ne se situent pas sur le même registre. Même si leur intention peut être proche de celle d’un document de travail, leur finalité première reste d’abord de divertir.
On touche là du doigt les raisons pour lesquelles un auteur ne peut pas écrire avec le même succès dans des registres différents. De la même façon que dans le domaine sportif, par exemple, un bon perchiste ne fait pas un bon sprinter. C’est ainsi.
Ce qu’il faut retenir, en résumé
Avant de lancer dans l’écriture d’un livre, quel qu’il soit, il faut en avoir d’abord fait le scénario. Autrement dit, avoir pensé à ses différentes scènes. On peut, bien sûr, se contenter de les avoir en tête. Mais, très franchement, mieux vaut les formaliser.
Pour cela, on a le choix entre un grand nombre de méthodes, mais on peut les ramener à 4. Le choix de l’une ou de l’autre va dépendre principalement de son tempérament en tant qu’auteur et du type d’ouvrage à écrire.
Enfin, cela dit, la rédaction d’un scénario, certes indispensable, ne doit surtout pas être un frein à l’écriture du livre que tout auteur porte en lui. Il est toujours temps de relire, de corriger et de réécrire. Le moment venu.
L’humour est essentiel dans l’écriture d’un livre, au-delà du message que vous voulez transmettre. Combien de livres vous ont fait rire aux éclats tout seul, sur certains passages ?
C’est pour moi l’évidence qui me fait reconnaître un bon écrivain et un bon récit. Éclater de rire seul, dans les transports, un bouquin à la main et que les autres s’intérrogent ce qui lui arrive et s’y intéressent, n’est-ce pas une drôle de manière de faire partager des perles de la littérature ?
La solitude ne résiste pas aux bonnes lectures.
Tout à fait Maria, merci pour ce commentaire ! 🙂
Depuis des millions d’années, mon striatum ne fait rien de plus que collecter des perles de dopamine en cherchant la nouveauté.
Je ne désire pourtant aujourd’hui que lui faire la démonstration suivante ;
La Nature est confinée à cause de notre appétit insatiable de pouvoir, de sexe, de nourriture, de stratégie laxiste et d’informations.
Le bon écrivain d’aujourd’hui doit être un résistant ! Il doit déconstruire les habitudes, casser les moules et nous faire nous ouvrir sur d’autres horizons face à nos propres incohérences.
Le quoi qu’il en coûte n’est ici rien d’autres que l’honnêteté intellectuelle et l’humilité pour y parvenir.
Gilbert Victor Tator.