Voilà, on est prêt à écrire. On est très motivé. On a ouvert le couvercle de son ordi. Les doigts frétillent sur le clavier, mais ne font, finalement, que le survoler. Le curseur patiente gentiment en haut à gauche de l’écran. Rien ne se passe. Soudain, l’angoisse ! Celle de la page blanche ! L’esprit du pas encore-auteur devient alors comateux. Ecrire, mais écrire quoi ? On avait plein d’idées, mais pfuitt ! Elles se sont enfuies comme une volée de moineaux au premier bruit suspect. Ici, celui de la frappe sur une touche du clavier d’ordi. Rien n’entre ! Tout est « delete ».  C’est le moment de penser « faits divers » et roman de non fiction. Incompréhension totale. On croyait qu’un roman était forcément une fiction. Eh, ben non. Enfin, oui et non. 

C’est quoi un roman de non fiction ?

Le crime de l'Orient express
Le crime de l’Orient express

Le crime de l’Orient express pour commencer 

Avant de définir précisément ce qu’est un roman de non fiction, commençons par un exemple. Celui de l’Orient-Express. En février 1929, le train parti de Paris disparaît. Pendant 12 jours, on ne sait plus où il est. En fait, il est prisonnier des congères et de la glace à 130 km d’Istanbul, son terminus.

Très vite, les passagers transis, n’ont plus ni eau, ni nourriture. Hors mis un pauvre loup, affamé lui aussi, que l’un des passagers parvient à tuer. Pas terrible comme menu. Plus, bientôt, les quelques provisions que les habitants d’un village voisin leur vendent littéralement à prix d’or. C’est toujours ça de pris.

C’est à partir de cette histoire qui se terminera bien et qui fera le tour du monde qu’Agatha Miller, épouse de l’aviateur Archibald Christie, écrira un de ses meilleurs romans, Le crime de l’Orient-Express, paru 5 ans plus tard en 1934. 

Définition du roman de non fiction

Qu’est-ce donc qu’un roman de non fiction ? C’est un roman qui se sert des circonstances d’un fait divers pour raconter une histoire. Cette histoire reprend le cadre de ce fait divers, circonstances, ambiance, mais peut aussi aller jusqu’à en reprendre tous les personnages.

Plus rien n’y est donc fictif, hors mis les dialogues et l’enchainement des péripéties qui, eux, dépendent, en principe, presque totalement de l’imagination. Tout dépend, en fait, dans ce domaine, de la documentation qu’a pu rassembler l’auteur. 

Mais, Agatha Christie est-elle vraiment une romancière de non fiction ? Certes, le choix du cadre de ses intrigues où se meut comme un poisson dans l’eau, Hercule Poirot, son personnage fétiche, mais complètement fictif, illustre son souci du réel. Pour autant, on ne peut pas vraiment dire que ce qu’elle a écrit là, bien qu’étant basé sur des faits réels, soit vraiment un roman de non fiction.

Exemples de roman de non fiction 

Exemples célèbres de roman de non fiction

Pour la plupart, ils sont américains, car c’est à ces auteurs que l’on doit réellement la naissance de ce genre spécifique de la littérature. Parmi les plus importants, on peut citer :

De sang froid, de Truman Capote

On peut dire de ce roman qui retrace la vie et la mort de deux criminels, Perry Smith et Richard Hitckock, qu’il est le roman de non fiction par excellence. Paru en 1966, il apporta gloire et fortune à son auteur. Il ne s’en remit d’ailleurs jamais.

Sa recherche documentaire fut, en effet, si approfondie, qu’outre sa durée exceptionnelle, près de cinq ans, elle se traduisit aussi par des liens très étroits avec l’un des condamnés.

Le chant du bourreau, de Norman Mailer

Encore une histoire d’assassins dans la lignée de ceux de Truman Capote. Là, il s’agit de la vie et de la mort de Gary Gilmore. « Le chant du bourreau » qui retrace cette histoire a été publié par Norman Mailer en 1980, auparavant, l’auteur avait publié six autres romans de non fiction.

Exemples récents de romans de non fiction

Tokyo Vice, de Jack Edelstein

Jack Edelstein est un journaliste américain qui a fait toute sa carrière dans un grand journal japonais. Chargé des faits divers, il a pu voir de près l’envers du décor de la société japonaise et le rôle qu’y jouent les yakusas. C’est son histoire personnelle, celle de ses relations finalement douteuses avec les yakusas, sous le regard complice de la police, que raconte Tokyo Vice, paru en 2017.  Depuis, il vit sous protection rapprochée. A noter qu’une série télé, très réaliste, a été tirée de son livre.

Gomorra, de Robert Saviano

Là encore, il s’agit d’un roman de non fiction sur la pègre. Mais, cette fois, l’auteur, lui aussi, journaliste à l’origine, raconte la manière dont l’organisation criminelle, connue sous le nom de la Camorra, s’est infiltrée dans tous les rouages économiques de l’Italie du sud et profite du Système comme le Système profite d’elle. L’enquête prend alors une dimension beaucoup plus générale et rejoint par ses intentions celles des romanciers naturalistes.

En résumé, ce  qui ressort de ces exemples, récents ou anciens, c’est qu’un roman de non fiction est d’abord et avant tout un roman journalistique. Au point même que ce genre de roman peut être considéré, dans certains cas, comme l’aboutissement romancé d’une enquête en bonne et due forme.

A noter qu’il implique pour son auteur, de ce fait, de prendre les mêmes précautions que celles prises par tout enquêteur. Autrement dit, avant de publier quoi que ce soit, il est impératif de vérifier qu’on peut juridiquement le faire sans risque.

Comment écrire un roman de non fiction

Quoi qu’il en soit, la base d’un roman de non fiction, c’est la recherche documentaire. Elle se décline sur trois plans.

La base d'un roman de non fiction, c'est la recherche documentaire
La base d’un roman de non fiction, c’est la recherche documentaire

 

Se documenter 

C’est la première étape de tout roman de non fiction. La recherche documentaire peut prendre de multiples formes. Celle d’une lecture de nombreux documents, livres, journaux, commentaires, mais aussi témoignages « live » , si possible, des principaux protagonistes et de tous ceux qui ont eu un contact plus ou moins direct avec l’affaire dont le futur roman rendra compte. 

Il est important de commencer sa recherche avec un plan, mais il faut aussi être capable de suivre son instinct. C’est ce qui va permettre de trouver ces détails originaux qui vont rendre le roman plus vrai que nature.

Faire des fiches 

Si on veut s’y retrouver facilement dans la masse d’informations que peu à peu on accumule, il faut la résumer au fur et à mesure dans des fiches. Ces fiches doivent indiquer précisément le sujet traité et surtout ne pas oublier de « sourcer » les infos qu’elles recensent. C’est-à-dire d’indiquer d’où elles viennent.

On peut le faire à l’ancienne avec des cartons bristol, mais on peut le faire aussi, sans doute de manière plus efficace, ou en tout cas, plus complète, avec des logiciels spécialisés. Un logiciel comme, par exemple, Evernote permet de gérer des notes dans beaucoup de formats. A chaque note on peut ainsi joindre des clips audio, des photos, des pdf, bien sûr, mais aussi des interviews, etc. Difficile de faire la même chose avec une fiche bristol.

Bon, Evernote est un logiciel payant pour ses versions premium. Si on veut quelque chose de gratuit on peut regarder du côté de Microsoft et de son application Microsoft OneNote. Peut-être sera-t-elle amplement suffisante pour ce qu’on envisage de faire.

Suivre un fil conducteur

Reste le dernier plan de la recherche documentaire : le  fil conducteur ! Le choix de ce dernier est essentiel si on ne veut pas être noyé dans la masse d’informations qu’on finit, peu à peu, par rassembler. 

Si en commençant on peut voir large, au fur et à mesure qu’on avance, il faut être capable de réduire la « focale » et se limiter à tel ou tel angle que l’on veut plus particulièrement faire ressortir. A défaut, le risque est à nouveau celui de la page blanche et de ne pas savoir par où commencer sa narration.

Pour autant, il faut savoir laisser faire les choses. C’est cela qu’on peut appeler l’inspiration. A un moment donné, à force de « baigner » dans son sujet, les idées se mettent en place toutes seules et il n’y a plus qu’à suivre le plan qu’elles indiquent.

Roman de non fiction ou roman basé sur des faits réels ?

Les deux types de roman se ressemblent beaucoup, et pourtant écrire un roman basé sur des faits réels ou écrire un roman de non fiction, ce n’est pas la même chose. Même si les précautions à prendre sont du même genre. Le roman d’Agatha Christie dont on a parlé plus haut appartient à la première catégorie.

L’Orient-Express a bien été bloqué pendant plusieurs jours en février 1929 et cette histoire qui sert de cadre au « Crime de l’Orient-Express »  a bien fait le tour du monde à l’époque. Mais son personnage principal, le détective Hercule Poirot, n’a aucune existence réelle et n’est en aucune façon un prête-nom ou un pseudo.

Au fond, un roman basé sur des faits réels n’est guère différent de tous ces romans dit naturalistes comme ceux écrits par Emile Zola ou par Balzac. Quand on parle d’un roman de non fiction, on parle d’autre chose. Par principe, rien n’est fictif dans un tel roman.

C’est à peine, si par commodité, on en change certains noms. Evidemment, comme on n’y a pas assisté, par la force des choses, les scènes que l’on décrit sont des scènes reconstituées. Mais, elles sont très, très proches de ce qui s’est réellement passé et dit. C’est là que le talent de l’auteur peut faire toute la différence.

Alors quand on manque d’inspiration, ou d’imagination, roman de non fiction ou roman basé sur des faites réels ? Concluons en disant que le premier est plus rassurant, mais aussi plus exigeant, et que le second, est plus libre, mais nécessite davantage d’imagination.

Mais, qu’on choisisse d’aller vers l’un plutôt que vers l’autre, de toute manière, comme l’a écrit Nicolas Gomez Davila : 

Avant que l’imagination en ait tiré la quintessence, tout évènement est banal.

Avant que l'imagination en ait tiré la quintessence, tout évènement est banal.
Avant que l’imagination en ait tiré la quintessence, tout évènement est banal.

1 comment

  1. Actuellement en pleine logorrhée d’écriture. La lecture de cet article a eu comme première conséquence la suppression de quelque cinquante pages sur 110, soit 50 %.
    Décidément, la vie d’écrivain n’est pas facile !
    Merci
    Cordialement
    JMV

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