Ecrire oui, mais écrire sur quoi ? Comment ? pour qui ? On rêve. On a des regrets comme dans le blues du Businessman de Starmania. J’ai du succès dans mes affaires (…) mais j’suis pas heureux (…) j’aurais voulu être un artiste, pour pouvoir faire mon numéro, dit la chanson écrite par Luc Plamondon et mise en musique par Michel Berger. C’est l’histoire d’une passion contenue et éteinte comme il y en a des millions.

C’est la vie. On ne parle pas ici de la passion amoureuse , mais des  passions au quotidien, celles qui occupent les loisirs et pour lesquelles on ne raterait pour rien au monde, ou presque,  le moment où on peut les pratiquer. Celles qui justifient qu’on écrive sur elles pour qu’elles témoignent de ce qu’on est, de ce qu’on est devenu grâce à elles ou de ce qu’on a été. Et là, le champ ouvert à l’écriture est immense. Commençons par le quoi. Peut-on écrire sur toutes les passions ?

Sur quelle passion écrire ? 

Il y a des passions sur lesquelles la question ne se pose pas, celles dont on peut douter qu’elles intéressent qui que que ce soit et celles qu’il vaut mieux laisser dans l’ombre. A moins qu’on ne veuille en faire un fragment de journal intime ou une confession. On se contentera ici de ne parler que des deux premières catégories. 

Les passions les plus populaires sur lesquelles écrire 

La première catégorie est celle des passions les plus habituelles. Celles qui sont partagées par des millions de gens. Celles où s’illustrent de grands champions ou des personnalités hors norme.

Parmi les thèmes les plus fréquents de ces passions on trouve, par exemple, le sport, l’art, la cuisine, le cinéma, le théâtre et les voyages. Ajoutons y, si on veut, ou plus précisément,  le rugby, la voile, la montagne et tiens, l’écriture. Et etc. car le monde des passions est infini. 

Les passions populaires mais presque confidentielles

A côté des passions « rutilantes » , dont on parle jusqu’à plus soif lors de leurs grand messes, Tour de France, Coupe du monde, Vendée Globe, il y a des passions qui font moins de bruit, mais où les addictions sont tout aussi nombreuses. 

Dans cette catégorie, on place sans hésitation aucune, le jardinage et le bricolage. 

Pourquoi écrire sur sa passion ?

Pourquoi par exemple écrire sur sa passion du jardinage ou du bricolage ? Sur son amour du vélo et de la montagne, on comprend, mais en quoi l’art de passer une tondeuse ou de cultiver une rangée de poireaux mérite-t-il qu’on s’y arrête ? 

Et que dire de sa capacité à déboucher un évier obstrué par les eaux de vaisselle ou à installer une gazinière ? Choses ô combien utiles entre toutes et bien plus méritantes, somme toute, que de courir un trail de 20 km en montagne.

En fait, dés lors qu’il y a passion, il y a une bonne raison d’écrire. Car il n’y a jamais rien d’ordinaire dans la façon dont cette passion se manifeste. Y compris, bien sûr, dans le jardinage et le bricolage.

Cela dit, il y a deux raisons principales pour lesquelles on peut écrire sur sa passion. Soit on veut parler de son objet, soit on veut parler de son sujet.

Ecrire sur l’objet de sa passion 

C’est peut-être ce qu’il y a de plus simple comme raison. On écrit sur « la petite reine » parce qu’on est passionné de vélo et qu’on veut tout dire sur ce qu’il y a à dire sur le vélo. Ce qui représente bien plus que ne peut l’imaginer le spectateur occasionnel du passage d’un peloton du Tour de France ou l’usager tout aussi occasionnel d’un vélo pendant une escapade à la campagne.

Car le vélo a une histoire, et même une grande histoire. Et c’est devenu, par ailleurs, quelque chose d’hautement technologique. Et enfin, c’est le marqueur par excellence d’un mode de vie dans lequel la nature reprend tous ses droits. On le voit, pour un passionné, il y a beaucoup de choses à dire sur le vélo.

Or ce qu’on dit du vélo, on peut tout aussi bien le dire d’une multitude d’autres objets de passion. Qu’il s’agisse d’autres objets inanimés, dotés ou non d’un moteur,  comme, par exemple, un voilier, une voiture, un avion, un train, grandeur réelle ou en modèle réduit. 

On a vu des passionnés de train se battre pour récupérer une vieille locomotive et un wagon pour transformer l’un en salon de thé et l’autre en décor destiné à recréer une ambiance. Toute une histoire qui mérite d’être racontée.

Ecrire sur le sujet de la passion

Là on veut parler du passionné plus que de la passion. Celle-ci devenant un fil conducteur pour mieux cerner la personnalité de celui qui est passionné. De ce point de vue, l’écriture devient alors principalement un moyen pour l’écrivain de faire le point avec lui-même et  de communication avec ses proches. 

En parlant ainsi de lui au travers de sa passion, le passionné cherche à mieux se comprendre et à mieux se faire comprendre. Il écrit en quelque sorte son autobiographie en se servant de sa passion comme fil conducteur.     

De ce point de vue, avec son livre sur sa passion il recherche des effets de même nature que ceux qu’il pourrait avoir en rédigeant un journal intime. Nul doute que ces effets ont également un impact bibliothérapique. 

En mettant à plat les ressorts de ce qui le pousse à autant investir dans sa passion, d’évidence il met aussi à nu des aspects de sa personnalité restés longtemps secrets et néanmoins agissant. Souvent même, ceux-ci le relient à des éléments qui ne lui appartiennent que de très loin notamment via des schémas transgénérationnels.

Comment écrire sur sa passion ?

C’est se demander quel style adopter. Tout dépend alors du pourquoi. Si on écrit dans le but de faire partager sa passion ou si on écrit pour parler de soi au travers de sa passion. Evidemment, on peut trouver un nombre infini de situation intermédiaires. Mais, contentons nous de ces deux cas. Les cas qu’on peut appeler les cas principaux.

Faire partager sa passion à d’autres

Dans ce cas, les descriptions techniques vont avoir une très grande place. Sans être interdit, l’emploi du pronom « je » y est plutôt rare. En général, quand on veut personnaliser l’ouvrage, on se contente d’entrecouper les descriptions techniques d’anecdotes personnalisées. Pour le reste, le style et la structure du texte visent avant tout à être informatifs. Le style y est donc assez impersonnel.

L’autrice passionnée par les cockers anglais, un des chiens les plus populaires au monde, qu’est Haja Van Wessem a ainsi structuré son ouvrage, abondamment illustré, intitulé « Le cocker anglais » , en une dizaine de chapitres. Sans surprise ceux-ci disent, notamment, l’essentiel sur les origines du cocker anglais, ses caractéristiques, les soins quotidiens, son éducation et son comportement.

Le tout agrémenté de petits encarts intitulés « le saviez-vous ? » qui donnent des informations utiles sur un certain nombre d’aspects propres à l’adoption de tout animal de compagnie. C’est bien fait et cela peut servir de guide pour l’écriture d’un grand nombre de textes sur d’autres passions comme celles, par exemple, de la cuisine, du jardinage,  du bricolage, etc.

Faire comprendre en quoi une passion peut changer une vie

Le cas est bien plus fréquent qu’on ne pense. On trouve beaucoup d’exemples de tels changements dans le domaine sportif. Notamment quand les passionnés participent à des compétitions de haut niveau qui exigent d’eux qu’ils se dépassent et aillent au-delà de leurs limites. Les éditions Paulsen, entre autres,  se sont fait une spécialité des récits hors norme liés à la montagne.

C’est l’éditeur qu’a choisi Emmanuel Faber, l’ex- PDG  emblématique de Danone, pionnier des sociétés à mission, pour publier son livre intitulé « Ouvrir une voie ». D’évidence, le lien est étroit entre son expérience montagnarde et ce qu’il a essayé de faire à la tête d’un des tout premiers groupes agro-alimentaires mondiaux. Et ce qu’il continue à faire à la tête de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), dont la mission est de formaliser des normes pour rendre compte de l’exposition des entreprises aux risques environnementaux.

Autre exemple, moins direct, puisque le schéma narratif est celui d’un narrateur qui raconte l’histoire étonnante d’un chien, nommé Argos, et de son maître qui se suicide peu de temps après la mort accidentelle de son inséparable compagnon. La structure de ce récit écrit par Eric-Emmanuel Schmidt et sobrement intitulé Le chien, est celle d’une nouvelle, mais aussi d’une pièce de théâtre. Ce qui frappe dans cette histoire c’est comment la passion du maître pour son chien est en fait une passion pour la vie. C’est, en effet, le regard d’un chien derrière les barbelés d’un camp de la mort qui lui a permis d’y survivre et de surmonter l’immense culpabilité d’avoir longtemps pensé être à l’origine de l’élimination de sa famille par les nazis.

Passion et écriture

A bien des égards, on peut penser qu’il n’est pas possible d’écrire sans avoir la passion d’écrire ou, pour ceux, qui l’imaginent ainsi, bien que ce soit assurément discutable, sans avoir une sorte de gène de l’écriture. 

De fait, ce que révèle l’écriture sur une passion, c’est que la passion d’écrire ou le gène de l’écriture qui seraient indispensables pour écrire doivent plutôt être considérés comme de simples freins à l’écriture ou de bonnes raisons pour retarder le moment crucial où on se lance dans l’écriture. Ou encore pour justifier le syndrome de la page blanche.

Autrement dit, dés lors qu’on a une passion, quelle qu’elle soit, on peut toujours la mettre en mots. Ce qui est la meilleure façon de la partager et de nouer ou de renforcer des liens. Nul besoin pour cela d’ambitionner un quelconque prix littéraire, le plaisir réel donné à l’auteur par le regard attendri de petits enfants ou d’enfants heureux de partager ainsi sa passion suffit largement à le combler. 

Nul besoin aussi de courir après un éditeur, une plate forme d’auto édition de qualité suffit également à lui donner corps.