Quand on les interroge, les écrivains confirmés aiment dire qu’ils ont la passion d’écrire et qu’ils l’ont toujours eu, depuis tout jeune. D’où la question légitime pour tous les aspirants auteurs : faut-il avoir la passion d’écrire pour devenir écrivain ? Question qu’il faut d’ailleurs faire suivre d’une autre : à quoi reconnait on qu’on a la passion d’écrire ? Ces questions taraudent continuellement l’esprit des critiques en littérature de tout acabit. Certains n’hésitant pas à affirmer qu’écrire ne nécessite aucune passion, ni même de talent, et que c’est finalement un travail comme un autre. Vu comme ça, évidemment la question ne se pose pas. Et il ne reste plus qu’à s’inscrire à un cours de « creative writting » quelconque. Et encore ! Un peu comme on peut aller dans une école de musique, de dessin ou de théâtre. C’est vrai, mais en partie seulement. Tout dépend, en fait, de ce qu’on recherche quand on décide de se lancer dans l’écriture.
La passion de l’écriture, c’est quoi ?
Avant de chercher à savoir si la passion d’écrire, c’est utile ou pas pour écrire, et où exactement, interrogeons nous plutôt sur ce qu’est la passion de l’écriture. Ce qui revient à se demander par quels signes elle peut bien se manifester.
Il y a des attitudes, des comportements et des propos qui ne trompent pas. Commençons par les attitudes.
Les attitudes qui révèlent peut-être une passion pour écrire
La première, c’est évidemment la lecture. Difficile d’imaginer un écrivain prétendant avoir la passion d’écrire qui, en même temps, se vante de ne jamais lire. Dans ces conditions, écrire est toujours possible, mais on ne peut pas parler d’une passion pour l’écriture.
Autre attitude manifestant une passion pour écrire : un goût manifeste pour les histoires. En effet, quelqu’un qui aime entendre des histoires, qui lui-même, adore en raconter a tous les signes de celui ou de celle prêt à être envahi par la passion d’écrire, si ce n’est déjà fait, d’une manière ou d’une autre.
Dans ce dernier cas, la passion d’écrire se traduit par tout un ensemble de choses qui montrent qu’on aime écrire : les dissertes ou les rédac à l’école qu’on attend sans crainte, les poèmes qu’on écrit sur un cahier secret, ou encore, les correspondances qu’on entretient vaille que vaille.
Les comportements de ceux qui ont sans doute une passion pour écrire
Outre les attitudes qui ne trompent pas, il y a aussi des comportements qui ne trompent pas eux aussi. Ce sont ceux où portent « les pieds » des passionnés d’écrire qui s’en doutent peut-être mais n’osent pas y croire.
C’est ce à quoi on pense inévitablement de quelqu’un qui ne rate pas une occasion de se rendre dans un salon du livre, qui participe régulièrement aux séances de dédicace d’auteur ou à des cercles de discussion littéraire.
Ajoutons y pour faire bonne mesure, les multiples abonnements à des revues littéraires. Elles ne manquent pas et il y en a pour tous les goûts. Sans même parler des émissions télé ou radio, ou des podcasts spécialisés qu’un passionné de l’écriture prend plaisir à suivre et qu’il n’aime pas louper.
Les propos de ceux que l’écriture apparemment passionne
Notons en ce qui concerne ce dernier point que cette passion peut encore prendre bien d’autres formes. De fait, le comportement trahissant une envie manifeste d’écrire n’est évidemment pas que pédestre, il peut être aussi, c’est d’ailleurs plus commode, numérique. Les promoteurs des forums d’écriture l’ont bien compris.
Ajoutons à ces comportements, tous les avis et commentaires qu’un passionné d’écriture ne manque pas de partager le plus largement possible sur ses sites web préférés. Et finalement, le pas à faire n’est plus très long pour passer de la critique de l’écriture des autres à l’écriture de ses propres narratifs.
De l’envie d’écrire à la passion d’écrire
Toutes ces attitudes, tous ces comportements et tous ces propos sont à coup sûr le signe d’une envie d’écrire. Plus ou moins latente, plus ou moins explicite. Mais cette envie n’en est pas pour autant la manifestation d’une passion.
Pour qu’il en soit ainsi tous ces signes doivent être présents quasiment en même temps et portés à leur paroxysme. Alors là, plus de doute, la passion d’écrire est bien là, violente et irrépressible. Intenable. Cela dit, est-elle pour autant vraiment nécessaire pour écrire?
La passion de l’écriture est-elle nécessaire pour écrire ?
C’est, au fond, le point le plus important. Et de quoi parle-t-on au juste ? Autrement dit, de quelle écriture ?
Passion d’écrire dans la rédaction pour entreprise commerciale.
Dans bien des cas, l’envie d’écrire suffit largement. Nul besoin de passion d’écrire pour faire de la rédaction web, de la rédaction publicitaire ou de l’écriture sur commande. C’est même carrément contre productif.
La plupart des sites web n’ont en effet rien de littéraire. Sauf s’il s’agit de sites d’éditeurs ou de distributeurs de livres. Quoique. Non, pour l’essentiel un site web est consacré à la commercialisation d’objets en tout genre ou de services également en tout genre.
La demande faite au rédacteur web y est simple. Il se doit d’écrire en respectant scrupuleusement le brief qui lui a été transmis par son donneur d’ordre. Pas besoin de passion d’écrire là dedans. Surtout pas même ! Peut-on imaginer un rédacteur emporté par sa passion décrivant avec un lyrisme digne des plus grands poètes les meubles bon marché ou les pots de peinture du site web pour lequel il travaille ?
On le peut, naturellement, et ça arrive, mais ça ne sert à rien, sinon à décontenancer et le propriétaire du site qui ne reconnait plus ses produits ou services, et le client potentiel qui s’empresse de cliquer sur un autre lien pour trouver quelque chose convenant mieux à ce qu’il recherche. Sans affèterie d’aucune sorte.
Notons que ces remarques valent tout aussi bien pour la rédaction des plaquettes publicitaires ou de tout autre document ayant vocation à vanter les mérites du client du rédacteur. De même que pour les ouvrages pratiques commandés dans le cadre de contrats d’édition ad hoc.
Passion d’écrire dans la rédaction d’un roman
A l’opposé de la rédaction commerciale, pour faire court, pour laquelle le seul désir d’écrire suffit, on a l’écriture d’une œuvre, romanesque, mais pas seulement, que l’on espère géniale. Il est parfaitement normal d’avoir cette espérance, sans quoi on ne se lancerait jamais dans l’écriture.
Mais, en même temps, ce peut être un tantinet déprimant les jours de grand doute pendant lesquels l’inspiration a décidément tendance à se dérober. C’est justement là qu’intervient la passion d’écrire. Si à l’origine de cette plongée dans l’écriture, il n’y a en effet qu’un désir d’écrire, il est certain que ces jours vont alors se transformer sans tarder en murailles infranchissables.
De fait, seule la passion d’écrire permet réellement de sauter l’obstacle forgé par les inévitables doutes ou les non moins inévitables moments où l’inspiration reste en suspens. Et cela, autant de fois qu’il surgira. D’autant plus que l’acte d’écrire se fait là, en général, dans la plus grande solitude. Car comme l’a si bien écrit Marguerite Duras :
Se trouver dans un trou, au fond d’un trou, dans une solitude quasi totale et découvrir que seule l’écriture vous sauvera. Être sans sujet aucun de livre, sans aucune idée de livre c’est se trouver, se retrouver, devant un livre.
Cette citation tiré du livre « Ecrire » de Marguerite Duras résume bien le dilemme de l’auteur entrant en solitude comme on entre religion pour se contraindre à exprimer toute sa passion pour écrire. Et d’évidence, sans cette passion originelle, avec le seul désir d’écrire pour viatique, rien ne peut trouver vraiment à s’exprimer.
A quoi peut servir un atelier d’écriture ?
Entre le désir d’écrire et la passion d’écrire, le dilemme peut être difficile à trancher. Pour une minorité d’auteurs la question ne se pose pas. Ils savent ce qu’il en est. Mais pour l’immense majorité des autres ? Pas si simple. Alors comment faire ? Où se situe-t-on exactement ? Et derrière ce questionnement, ce qui se profile, c’est un autre questionnement, celui de savoir quel objectif réaliste se donner. Ecrire pour répondre à une commande ou écrire pour donner pleinement libre cours à sa passion ?
Dans un cas comme dans l’autre, il y a une façon de faire qui peut permettre de trancher un tel dilemme, c’est, par exemple, de s’inscrire à un atelier d’écriture. La pratique est courant dans les pays anglo-saxons, elle l’est beaucoup moins en France, mais elle s’y développe à vitesse grand V. On ne compte plus désormais les offres de service qui pullulent sur le Net, ni les cours qui se multiplient dans les universités.
Pourquoi donc ? Le fait est que ces ateliers ont un double mérite. Non seulement, ils permettent de se confronter au regard des autres et de mieux apprécier son éventuel talent, mais ils permettent aussi, si on se situe dans un entre deux, de faire pencher la balance dans un sens ou un autre en améliorant sensiblement ses capacités en matière d’écriture. Ce qui est toujours bon à prendre.
Ecrire ou ne pas écrire ?
Quoi qu’il en soit, au final, la décision d’écrire ou de ne pas écrire, est quelque chose qui se vit au plus profond de soi et presque à l’insu de soi. Franck Thilliez, l’auteur bien connu de best-sellers, n’hésite pas à dire, un peu sans doute par coquetterie que :
Quinze jours avant de commencer à écrire, je ne savais même pas que j’aurais envie d’écrire. »
Mais, il ajoute un peu plus loin :
Par contre, j’ai toujours aimé qu’on me raconte des histoires, au cinéma ou avec les livres.
Autrement dit, on ne sait guère ce qu’il en est qu’en se livrant pieds et poings liés à l’écriture. Comme le font, parait il, un français sur cinq, en tout cas, ce sont les statistiques qui le disent. Et, à coup sûr, c’est bien là la marque d’une passion, d’une passion qui serait spécifiquement française.