On a tendance à confondre préface et avant-propos. C’est normal. On trouve l’une et l’autre au tout début d’un texte. Et d’ailleurs, pour dire vrai, on est même tenté par appeler préface tout texte qui précède le texte principal et qui en est nettement séparé. Comme, par exemple, un prologue, un préambule, un avertissement, une dédicace, voire même, une introduction. Bon, pour faire simple, on peut effectivement s’en tenir à cette généralisation, mais il est plus efficace pour un auteur de bien faire la distinction entre les finalités de chacun des paratextes et notamment entre une préface proprement dite et un avant-propos. 

Notion de paratexte

On doit cette notion à Gérard Genette (7/6/1930 – 11/5/2018), critique littéraire réputé et un des fondateurs de la narratologie. Il en a notamment exposé les principes dans deux ouvrages : Palimpsestes, publié en 1982, et Seuils, en 1987. Elle a l’énorme avantage de faire le point sur « l’entour » du texte. Autrement dit, sur tout ce qui accompagne le texte sans en faire partie et avec pour seule finalité d’aider le lecteur à mieux le comprendre. Comme, entre autres, un épilogue, un avant-propos, un préambule, un prologue, etc. 

 

épilogue
épilogue

De ce point de vue, il s’exprime dans un langage qui peut apparaître quelques fois un peu hermétique, mais, c’est le propre de tous les textes de recherche qui utilisent un métalangage, Quoique, après tout, ce langage n’est guère différent de celui qu’on utilise pour parler d’un sport, équitation ou foot, par exemple.

Gérard Genette distingue donc  d’un côté le paratexte éditorial et d’un autre, le paratexte auctorial. Le premier correspond à la couverture d’un livre, à sa page titre, ou encore à sa 4ème de couverture. Le second comprend notamment les dédicaces, les épigraphes, les préfaces, etc.

L’intérêt de cette distinction, c’est qu’elle met l’accent sur le maître d’œuvre à l’origine du paratexte. Éditeur, proprement dit, dans un cas. Auteur, dans l’autre. Ce qui, naturellement, a son importance quand on fait l’analyse et la critique d’un texte. 

A cette première distinction, Gérard Genette en ajoute une seconde. Le péritexte et l’épitexte. La première catégorie tous les textes qui se situent à l’intérieur d’un livre, la seconde, tous ceux qui se situent à l’extérieur.

Il s’agit moins là de savoir qui est le maître d’œuvre que de comprendre pourquoi le paratexte se situe à tel endroit dans un livre et pas à un autre. À noter que cette recherche rejoint celle que poursuit l’analyse de la diégèse d’une oeuvre

Préface, avant-propos et autres paratextes

 

Partant de là, on comprend qu’on ne peut pas, par commodité, continuer à appeler préface tous les textes qui constituent l’entour du texte principal. Cette approche élémentaire ne peut se comprendre que comme la prise de conscience qu’un texte a d’autant plus d’impact sur son lectorat qu’il s’accompagne de textes complémentaires explicatifs. C’est-à-dire, d’une manière générale, de paratextes

Paratexte, préface et avant-propos.
Paratexte, préface et avant-propos.

Une préface est donc un paratexte auctorial, mais aussi un péritexte, suivant l’angle sous lequel on l’examine. Il en est de même d’un avant-propos. Alors qu’une page titre, le bandeau de l’éditeur ou le résumé de 4ème de couverture, par exemple, sont à la fois des paratextes éditoriaux et des épitextes

 

Les autres paratextes
Les autres paratextes

Finalité de la préface

Préface et avant-propos font donc partie des mêmes catégories de paratextes, mais en adoptant le point de vue du théoricien ou du sociologue de la littérature, on voit bien que ces deux paratextes n’ont pas la même finalité. Pour ce qui est de la préface, on peut ainsi distinguer la préface traditionnelle de la préface écrite par l’auteur même du texte principal.

Préface traditionnelle

Comme on peut le voir avec la couverture du livre intitulé « L’homme dévasté », l’auteur du livre est Jean-François Mattéi (1943 – 2014). Lequel a occupé de nombreuses responsabilités dans le milieu médical et politique. Il a été, notamment, ministre de la Santé de 2002 à 2004 et président de l’Académie nationale de médecine. Son livre est une sorte de testament philosophique sur la place de l’Homme dans le monde contemporain. 

Quant à la Préface, très longue, elle a été écrite par Raphaël Enthoven. Comme l’a écrit un lecteur :

Elle replace ce livre dans son contexte historique et philosophique.

En général, on y ajoute aussi un aperçu sur les qualités de l’auteur, mais on voit bien ici tout l’intérêt que présente une telle préface écrite par Raphaël Enthoven. En effet, ce dernier est un essayiste réputé, agrégé de philosophie, qui a enseigné à Sciences po et Polytechnique. Une référence donc. Qui ne peut que donner une crédibilité supplémentaire au texte écrit par Jean-François Mattéi. Ce qui est l’essence même de la Préface.

 

 

Finalité de la préface
Finalité de la préface

 

Préface de l’auteur

Mais, on n’a pas toujours un bon préfacier sous la main. Alors comment faire pour ajouter un surcroît de sens à son livre ? Eh bien, on la fait soi-même, bien sûr ! Mais, évidemment, on la fait en respectant les codes propres à la préface.

Autrement dit, on donne des indications sur ce qu’on est en tant qu’auteur, on dit à quel courant littéraire on se rattache et on resitue le texte dans l’ensemble des textes qu’on a éventuellement déjà fait paraître.

À noter que dans ce cas, c’est également une bonne façon de relancer, à peu de frais, l’intérêt des lecteurs pour ses écrits antérieurs.

 

Finalité de l’avant-propos

Quand on fait soi-même la préface à un de ses textes, on n’est pas loin, en vérité, de l’avant-propos. « Pas loin » ne veut pas dire que c’est « tout comme ». Car l’avant-propos n’a pas du tout la même finalité que celle de la préface.

En effet, l’avant-propos écrit nécessairement par l’auteur du texte décrit les circonstances dans lesquelles il a été écrit. De fait, on a également deux sortes d’avant-propos. L’avant-propos de mémoire ou de thèse et l’avant-propos d’un texte de fiction comme un roman.

 

L’avant-propos de mémoire ou de thèse

Disons-le, l’avant-propos est une spécificité universitaire. On ne peut guère imaginer un mémoire de fin d’études ou une thèse sans un avant-propos. Et d’ailleurs, certaines institutions universitaires donnent des indications très précises sur ce que doit contenir un avant-propos suivant leur cycle d’étude concerné.

Mais, en bref, l’auteur du mémoire ou de la thèse doit développer, en général, les quatre points suivant dans son avant-propos : 

  • De quoi parle son travail et dans quel cadre.
  • Pourquoi il a choisi ce sujet d’études.
  • Qu’est-ce qui en fait l’intérêt.
  • Quelles ont été les difficultés rencontrées.

Placé, bien évidemment, avant le texte du mémoire ou de la thèse proprement dit, entre la page de garde et les remerciements, l’avant-propos améliore les conditions dans lesquelles ses lecteurs, forcément les membres d’un jury, vont pouvoir l’apprécier.

 

L’avant-propos d’un texte de fiction

Si on peut trouver des avant-propos précédant des textes autres que des mémoires ou des thèses, ce sont le plus souvent, soit des essais, soit des préfaces faussement intitulées avant-propos. Le fait est qu’on rencontre très rarement des avant-propos dans des œuvres de fiction. Mais, ça peut arriver. Balzac a ainsi écrit un avant-propos pour expliciter ce qu’il a voulu faire avec les romans réunis sous l’intitulé général de Comédie humaine.

 

De l’importance de bien faire la distinction entre la préface et l’avant-propos 

 

Fort heureusement, on peut se lancer dans l’écriture d’un texte sans se préoccuper de cette distinction et se contenter du mot préface pour parler de ce qui peut l’entourer. L’important, en l’occurrence, c’est d’arriver jusqu’au bout de son texte, puis de faire imprimer son livre. Satisfaction garantie !

Cependant, comme l’a écrit Boileau, la précision dans l’écriture est un des facteurs-clefs de son succès auprès des lecteurs.

 

Nicolas Boileau
Nicolas Boileau

Autrement dit, c’est déjà les induire en erreur quand le premier texte qu’ils ont à lire ne possède pas le bon intitulé. En effet, préface et avant-propos, ce n’est pas la même chose. Ces deux paratextes n’indiquent pas la même direction. Même s’ils font partie des mêmes catégories. Raison pour laquelle, il est recommandé d’attendre d’avoir fini d’écrire son texte avant d’en rédiger les paratextes. Ils seront d’autant mieux positionnés et intitulés.

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