Où trouver un éditeur à compte d’éditeur est une question récurrente, lancinante même, qui taraude l’esprit de tous les écrivains en herbe. Avec quasiment toujours les mêmes prémices, et cela malgré la surabondance de l’information sur le sujet : c’est très difficile et les apprentis auteurs  sont les premières victimes  des arnaques en tout genre. Pour l’essentiel, celles des prestataires de service, bien sûr. Les avancées en cours sur la nature du contrat d’édition sont l’occasion de revenir sur la réponse qui peut être apportée à cette question. Elles montrent qu’il n’y a pas d’un côté les « gentils » et de l’autre les « méchants ». Et il ne peut en être autrement, dès lors que le secteur de l’édition est d’abord et avant tout une industrie soucieuse de ses équilibres financiers. Comme dans toute industrie, d’ailleurs, soumise à la loi de l’offre et de la demande.

L’édition est une industrie 

La vente : alpha et oméga de l’édition

Cela parait « bête », et on aimerait plutôt voir dans l’éditeur un saint soucieux de tendre la main aux valeureux écrivains, mais c’est ainsi. Quels que soient les atours dont se parent les éditeurs et la kyrielle des commentateurs qui gravitent autour d’eux, le travail d’éditeur doit rapporter.

C’est un travail de production comme un autre. Si l’éditeur n’en tient pas compte, il disparaît, purement et simplement.

Et c’est quoi le but de ce travail de production ? C’est de trouver des auteurs dont les livres vont se vendre et pas d’être la « mère Téresa » des auteurs ne voulant publier leur œuvre que dans le cadre d’un contrat d’édition.

C’est ainsi et seulement ainsi, c’est-à-dire en remettant les choses à l’endroit, que l’apprenti auteur peut commencer à envisager sereinement les conditions à remplir pour publier ce qu’il a écrit.

L'édition est une industrie
L’édition est une industrie

Deux chiffres clés sur l’édition à connaître quand on veut trouver un éditeur

Et pour que les choses soient bien claires, précisons qu’en 2019, pour ne prendre que cette année là :

  • 100 livres ont assuré à eux seuls 8 % du chiffre d’affaire de l’édition.
  • 563 000 ont été vendus à moins de 100 exemplaires. 

Autrement dit, les premiers ont financé la publication, forcément à perte, des seconds. Eh bien justement, c’est ça qu’on recherche, n’est-ce pas, quand on est apprenti auteur : être publié, point barre. Pas de gagner des « cent et des mille », mais surtout, de n’avoir rien à payer pour l’être. 

Sauf que pour faire partie de cette vertueuse cohorte, il faut quand même payer de sa personne. A la longue, on devrait quand même le savoir, il n’y a rien qui soit vraiment gratuit dans ce bas monde.

 

Les attentes de l’industrie de l’édition 

Pour avoir le plaisir d’être édité par une maison d’édition classique et de ne rien gagner, voire même d’avoir à rembourser, eh oui,  un éventuel à-valoir, il faut quand même passer sous un certain nombre de fourches caudines. A commencer par celle d’écrire correctement. Ce qui s’entend, pour la forme et pour le fond.

Ecrire en ayant le souci d'une totale rectitude formelle
Ecrire en ayant le souci d’une totale rectitude formelle

Ecrire en ayant le souci d’une totale rectitude formelle

C’est quoi écrire correctement ? C’est d’abord écrire sans faute d’orthographe et en sachant utiliser, à bon escient, les différentes formes grammaticales. Il n’y a pas que le « présent » pour raconter une histoire ! 

Pas grave, pense-t-on, si on n’est pas très doué en la matière :  la maison d’édition corrigera ! Que nenni, non seulement, elle ne corrigera rien du tout, mais en plus elle ne prendra même pas la peine de lire le manuscrit. Lequel ira la plupart du temps droit dans la poubelle du bureau de réception courrier. 

Et tiens, pendant qu’on y est, ce sera la même punition pour les manuscrits mal « tapés ». 

Se conformer à l’air du temps pour trouver un éditeur

Ecrivains en herbe qui veulent à tout prix faire preuve d’originalité et se faire plaisir par l’écriture, s’abstenir. Ils n’ont de chance de se faire publier que si ce qu’ils racontent est dans l’air du temps et dans le style des collections de la maison d’édition qu’ils visent. 

Pas la peine d’envoyer de la poésie à un éditeur qui ne publie que des polars. Pas la peine non plus d’envoyer quelque chose qui pourrait heurter la sensibilité du moment de ceux qui font la pluie et le beau temps dans le monde de l’édition. Pour en avoir une idée, il suffit de voir quels sont les lauréats des prix littéraires de l’année.

Des éditions pour la forme 

Mais, même comme ça, on publie quand même à tout va. C’est qu’on ne sait jamais, on pourrait laisser passer une pépite. Mais, surtout, c’est bon pour l’image : ça montre qu’on est ouvert aux jeunes talents et qu’on est un pilier irremplaçable du secteur culturel. Lequel représente beaucoup de subventions ou d’avantages divers à glaner.

Et puis, il faut bien le dire, c’est aussi de l’intérêt bien compris des diffuseurs de diffuser le maximum de bouquins.

Alors, tout est bien ?  Chacun y trouve finalement son compte, éditeurs, diffuseurs, auteurs, médias, services culturels, etc. ? En réalité, pas vraiment. En tout cas, pas les auteurs loin d’être confirmés, ou pas confirmés du tout.

 

Envoyer un manuscrits pour trouver un éditeur, ça a un coût !

On a certes écrit un chouette manuscrit sans aucune faute et bien comme il faut, mais reste quand même à l’envoyer à pas mal de maisons d’édition. Evidemment, en commençant par les plus grandes, par exemple, Gallimard, etc., puis par les moyennes, par exemple, Actes Sud, etc.,  faute de réponse adéquate des premières.

Et enfin, on termine par les plus petites, voire les plus confidentielles, là on ne donne pas de nom, en désespoir de cause.

Envoyer un manuscrits pour trouver un éditeur
Envoyer un manuscrits pour trouver un éditeur

Coût de l’envoi postal pour trouver un éditeur

Bref, ça fait pas mal d’enveloppes à envoyer par la poste quand la maison d’édition sélectionnée ne veut pas d’envoi par mail. On comprend pourquoi. L’envoi par courrier est auto limitatif. Pour info, le tarif postal d’une lettre suivie d’au moins 250 grammes est, pour 2023,  de 4,5 € et de 6,5 € à partir de 500 grammes. Sans compter, bien sûr, le coût d’une enveloppe à bulles matelassées. De l’ordre de 0,3 € pour les moins chères.

Coût des copies pour trouver un éditeur

Ah, on allait oublier ! A ces coûts d’envoi, il faut ajouter le coût propre à chacune des copies du manuscrit qu’on envoie. Faut-il faire le calcul ? Donc, donc, avant de se faire publier par une maison d’édition classique, il faut de toute façon mettre la main à la poche. Et cela, sans être sûr du résultat. 

Oui, mais pas grave, on va se rattraper avec le contrat d’édition qu’on va très vite signer avec la maison d’édition  qui a bien voulu tomber sous le charme du manuscrit qu’on lui a envoyé.

 

Les clauses « cachées » du contrat d’édition

Clauses affichées 

Ah quand il voit  dans sa boîte à lettres le courrier de l’éditeur tant attendu, le cœur de l’écrivain en herbe se met tout de suite à accélérer la cadence. Refus ? Acceptation ? Pratiquement toujours, malheureusement, refus. A croire que les statistiques ne concernent que les autres. Mais, parfois, quand même, la pièce tombe du bon côté, et c’est celui de l’acceptation. 

On lit et on relit le courrier. Le cœur battant cette fois à tout rompre, on échafaude des stratégies. Lesquelles se réduisent bien vite à une seule. Quels droits d’auteur demander ? Et la question est bien vite résolue. La norme, c’est 8 %. Attention, sur les ventes hors taxes.  Un point, c’est tout. Et ce n’est pas beaucoup, si on ne vend guère plus qu’une centaine d’exemplaires. 

Faisons le compte. Cela donne quoi les sacro saints droits  d’auteur quand on ne vend que 100 exemplaires à 19,90 €  avec une tva à 5 % ?  Tout juste 158,40 € !  A peine de quoi rembourser ses frais d’envoi de manuscrit.

Clauses non respectées

Est-ce tout mon général ? Et bien non ! Car les 158 € et quelque ne sont versés que bien après la mise en vente des dits exemplaires. Normal, il faut d’abord les vendre avant d’en être payé. Ce qui pose de multiples autres problèmes, du genre : comment savoir combien d’exemplaires ont été vendus ou encore de quel promo va bénéficier le nouveau livre, etc.

Ces questions et d’autres sont celles qui font le miel des discussions qui n’en finissent pas entre les représentants des auteurs et ceux des éditeurs. Au final, rien ne change. Quoiqu’ un récent accord interprofessionnel vient de faire un peu bouger les lignes en ce qui concerne la reddition des comptes.

Est-ce tout ? Oh que non ! Le meilleur est à venir. C’est celui des à-valoir, autrement dit, de ce que verse un éditeur à un auteur au moment de la signature du contrat d’édition. Point qui a commencé à recevoir un début de solution avec à la clé une réforme du code de la propriété intellectuelle et du code civil. Le premier devant être en phase avec le second. Une quasi révolution au pays de l’Edition !

Clauses « dissimulées » 

Clauses "dissimulées"
Clauses « dissimulées »

Pourquoi un tel remue ménage dû au professeur Philipe Stoffel-Munck,  chargé, il y a déjà un moment, c’était en avril 2020, de présider un groupe de travail pour réformer le droit des contrats spéciaux, dont celui des droits d’auteur.  C’est ce qu’on peut appeler le problème de la clause « dissimulée », ou celui de la qualification juridique de la cession des droits d’auteur

Jusqu’à l’intervention du distingué professeur, pour les juristes, pas de doute : 

Recevoir une avance sur les ventes de livres revient ni plus ni moins qu’à contracter une dette vis-à-vis de son éditeur. Et celle-ci ne sera réglée qu’à compter du moment où l’exploitation de l’œuvre aura recouvert le montant de l’avance.

Or qu’est-ce que c’est qu’un à-valoir ? Ni plus ni moins qu’une avance sur les ventes futures. Et qu’est-ce que ça fait ? Eh, bien, chers amis auteurs, si vous êtes publiés par une maison d’édition qui malheureusement fait faillite et avec laquelle vous avez signé un contrat d’édition avec à-valoir, vous restez redevable auprès de ses créanciers de la différence entre ce que vous avez reçu et ce que vos livres ont effectivement rapporté à votre éditeur. Autrement dit, si votre à valoir est supérieur à vos ventes, vous devez lui rembourser son manque à gagner. Super, non ?

Pour finir, voulez-vous donc  toujours trouver un éditeur à compte d’éditeur à tout prix ? Si oui, on n’est plus là dans l’ordre du rationnel, mais dans celui du philosophique, ce qui ne se discute pas. Si non, il est temps de se remémorer les atouts d’un contrat de prestation de service en bonne et due forme et non pas « caché » derrière une cession de droits d’auteur.

Les atouts du contrat de prestation de service

Liberté d’expression 

D’abord, et ce n’est pas rien, publier son livre dans le cadre d’un contrat à compte d’auteur ou dans celui de l’auto édition, c’est pouvoir le faire sans avoir de compte à rendre à quiconque, si ce n’est aux règles de droit en général.

En tout cas, pas à un comité de lecture composé souvent d’étudiants à la recherche d’une rémunération complémentaire ou d’un stage. Ou encore de lecteurs professionnels à qui on demande, avant tout, de respecter la ligne éditoriale du moment. Ce qui est le droit le plus strict de la maison d’édition.

Cependant, il  va sans dire que liberté d’expression ne signifie pas écrire n’importe quoi, ni n’importe comment.

Libre discussion des clauses 

Quand on est dans le cadre d’un contrat de prestation de service en bonne et due forme, on peut discuter chacune de ses clauses. La situation est la même, toute chose égale par ailleurs, bien entendu, que celle que l’on rencontre quand on fait appel à un maçon ou à tout autre prestataire de service. 

On discute du prix, naturellement, mais pas que. On discute aussi de la qualité, des délais, de la livraison, etc.  Selon la nature des discussions, on privilégiera alors  tel prestataire plutôt que tel autre. Comparativement, on ne discute pour ainsi dire jamais les clauses d’un contrat d’édition. Raison pour laquelle il est souvent préférable de passer par un agent littéraire.

Privilégier l’impression à la demande

D’une manière générale, si on est conscient que la diffusion du livre qu’on a écrit va rester limitée, que l’important c’est de pouvoir disposer d’exemplaires bien « propres », et qu’on ne veut pas plomber le budget familial dans de ce qui peut apparaître comme une opération futile aux yeux de ceux qui n’apprécient pas l’écriture, le mieux, c’est, bien sûr, de se rapprocher d’une plateforme d’autoédition. 

Il y en a d’excellentes. Certaines proposent des services plus ou moins élaborés. Mais, toutes permettent d’imprimer un livre à la demande. C’est-à-dire qu’on ne paie que le nombre d’exemplaires que l’on commande. Si c’est un seul exemplaire, eh bien, on ne paie que le coût de fabrication d’un seul exemplaire. Lequel peut être très réduit si on s’adresse à une plateforme adossée à un imprimeur bien équipé. 

 

Trouver un éditeur : se méfier des préjugés

En matière d’édition, la seule arnaque, c’est celle de croire qu’en dehors du contrat d’édition, il n’y a pas de salut. En bref, les préjugés peuvent faire faire bien des bêtises.  Chaque solution a ses avantages et ses inconvénients. Il est vain et fallacieux de prétendre qu’il y a d’un côté de « gentils » éditeurs et de l’autre de « méchants » commerçants exploitant la crédulité des pauvres auteurs. 

Comme en toute chose, il revient à chacun d’examiner dans le détail les propositions qui lui sont faites, de les comparer à d’autres et de les évaluer en fonction du besoin réel que l’on veut satisfaire. Selon ces derniers, on peut préférer un contrat d’édition, un contrat à compte d’auteur, eh, oui, ou un contrat d’autoédition

Le problème n’est plus alors de trouver absolument un éditeur à compte d’éditeur, mais le meilleur prestataire pour ce que l’on veut faire. Enfin, rappelons-nous, pour conclure, ce que disait Jean-Jacques Rousseau à propos des préjugés : 

La raison, le jugement, viennent lentement, les préjugés accourent en foule.

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