C’est un signe. L’attrait de l’autoédition pour les auteurs confirmés ne cesse de croitre. En cause, d’un côté, les « approximations » de l’édition classique, de l’autre, la montée en gamme de l’autoédition. Et au point d’intersection entre les deux « courbes », on trouve, sans surprise, la question des  relations entre auteurs et éditeurs. Ce qui revient à dire que sur un marché du livre toujours difficile, l’autoédition est, globalement, devenu un poids lourd capable de menacer des situations éditoriales bien établies. De ce fait, plus que jamais l’autoédition constitue une bonne rampe de lancement pour des auteurs ayant de réels talents littéraires.

Un marché du livre toujours difficile 

Bien sûr, en début d’année, toutes les statistiques de l’année précédente concernant les différents aspects du marché du livre ne sont pas encore connues. Cependant, on peut quand même avoir une idée de ses grandes tendances. 

Un marché du livre toujours difficile
Un marché du livre toujours difficile

Les dernières données connues du marché du livre 

A vrai dire, ces données se rapportent pour l’essentiel à ce qui s’est passé en 2020. Délais de recueil des données obligent ! Pour ce qui est de la suite, on doit donc se contenter du ressenti des principaux acteurs du marché. 

De fait, pour ce qui est  des données proprement comptables, ce qui en ressort, c’est qu’elles ont été fortement impactées par les conséquences de la crise sanitaire. On a ainsi  davantage lu pendant qu’avant. Mais, pas sûr que la tendance se poursuive après. 

D’abord, parce que la crise sanitaire a fait long feu. Au moins dans la tête des lecteurs !  Il suffit pour en prendre conscience de voir les images de la foule immense qui a envahi les Champs Elysées pour la nouvelle année 2023, malgré une explosion des contaminations en Chine et des services d’urgence à nouveau débordés dans un grand nombre d’hôpitaux en France. 

Autre facteur à fort impact, cette fois sur les coûts de production, et non plus sur la demande : la guerre en Ukraine. En bouleversant les circuits d’approvisionnement, une de ses principales conséquences a été une forte hausse du coût du papier. Et naturellement, tôt ou tard, un telle hausse ne peut avoir que des répercussions négatives sur le prix des livres. Cela d’autant plus, qu’elle a lieu dans un contexte fortement inflationniste.  

Signe des nouveaux temps, ça bouge dans le monde de l’édition. 

Adaptations des éditeurs classiques à l’évolution du marché 

Sans surprise, des tensions apparaissent dans certaines maisons d’édition et les mouvements de concentration s’accélèrent. En conséquence, et d’une manière générale, la réduction des coûts devient un élément, de plus en plus central, des politiques éditoriales. Pour ces raisons, entre autres  :

  • Le choix des thématiques retenues par les comités de lecture est de plus en plus dépendant des modes ou des courants de pensée dominants tels qu’ils sont formalisés par les médias « main stream ». 
  • Les droits d’auteur font l’objet d’âpres négociations syndicales entre sociétés d’auteurs et syndicats de l’édition. 
  • Les conditions de fabrication et de diffusion des livres ont tendance à se dégrader et à diminuer encore plus l’intérêt de se faire publier par une maison d’édition classique. Surtout quand on est un jeune auteur. Mais, pas que.

Attraits croissants de l’autoédition 

En effet, des auteurs confirmés subissent aussi le contre-coup des remous qui agitent le monde de l’édition, et certains d’entres eux ont, finalement, trouvé plus avantageux de s’autoéditer. 

Attraits croissants de l'autoédition
Attraits croissants de l’autoédition

Choix de l’autoédition par des auteurs connus

On peut notamment citer parmi les auteurs connus ayant fait le choix de l’autoédition : 

  • Eric Zemmour. Le choix pour l’autoédition a été dicté, ici, en réaction au refus par l’éditeur habituel de publier le dernier livre de l’auteur, au motif qu’il était candidat à l’élection présidentielle, et cela, malgré l’importance de ses tirages. 
  • Joël Dicker. C’est Bernard de Fallois qui a découvert et lancé Joel Dicker. Mais, après la mort de Bernard de Fallois et la restructuration de cette maison d’édition, Joel Dicker, l’auteur de « La vérité sur l’affaire Harry Québert« , a préféré voler de ses propres ailes en créant sa propre maison d’édition qu’il a baptisée Rosie et Wolf.
  • Riad Sattouf. L’auteur de la BD à succès « l’Arabe du futur » a lui aussi fait le choix de l’autoédition, bien qu’il n’ait, lui aussi, aucun mal à trouver un éditeur classique. C’est donc sous l’enseigne « Les livres du futur » qu’il va éditer son prochain opus « Le jeune acteur T1 : aventures de Vincent Lacoste au cinéma« . 
  • Salman Rushdie. L’auteur bien connu ne publiera pas, lui non plus, son prochain livre via une maison d’édition classique. Pour autant, il ne va pas créer sa propre maison d’autoédition, mais plutôt publier son livre sous forme de feuilleton via la plateforme Substack. Démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Margaret Atwood avec Wattpad

Choix de l’autoédition par des auteurs confirmés

Mais d’autres auteurs qui n’ont pas les mêmes tirages, mais qui réussissent bien quand même, ont également fait ce choix. Citons, entres autres : 

  • LF Courteville. Pour cette autrice qui publie des romans d’heroic fantasy via Amazon, l’autoédition est une bonne façon de s’affranchir des diktats des éditeurs traditionnels pour qui un auteur n’est intéressant que s’il est « banquable » et a un joli minois. 
  • Marie Vareille. L’autrice est une habituée de l’autoédition et elle en est à près d’un dizaine de romans publiés par ce biais, même si elle n’hésite pas non plus à recourir aux services des éditions Charleston dont l’esprit correspond bien à son tempérament d’autoéditrice. 

Inconvénients relatifs de l’autoédition 

Cela dit, l’autoédition n’est quand même pas un long fleuve tranquille. Tous les à-côtés du travail d’écriture peuvent ainsi apparaître comme singulièrement fastidieux. En effet, être un auteur est une chose, être un autoéditeur en est une autre. 

L’autoédition implique un vrai travail d’éditeur

Si en tant qu’auteur, ce qui compte avant tout c’est l’histoire qu’on raconte, en tant qu’auto-éditeur, ce qui compte, c’est comment cette histoire est imprimée et  comment elle est diffusée.

Dans le premier cas, il faut un certain talent d’écriture pour réussir, dans le deuxième, il faut avoir, au minimum, un certain sens de la mise en page et de la promotion commerciale. Compétences qu’on ne trouve que très rarement réunies, comme ça, dans la même personne. 

Cela dit, tout s’apprend et on peut tirer beaucoup de satisfaction dans le fait de pouvoir suivre son « bébé » de A jusqu’à Z.  Un peu à la manière de ce qui se passe quand un peintre et un graveur collaborent pour créer une série  d’estampes à partir d’un tableau unique. 

Mais, bon, si décidément le travail d’éditeur se révèle trop pesant, on peut quand même faire de l’autoédition sans avoir à faire ce travail.  Il faut alors choisir  la formule la plus appropriée à ses besoins que peut proposer une  plateforme d’autoédition. Evidemment, ce sera rarement gratuit. En tout cas, si on veut un service élaboré.

Alors tant qu’à faire, retour à la case éditeur classique ? Au moins là, il n’y a rien à payer !  Du moins, c’est ce qu’on veut croire. En réalité, rien n’est moins sûr. Car tout dépend de ce qu’on demande à l’auteur en plus de son travail d’écriture. 

l’édition classique implique quand même une participation au travail d’éditeur

De fait, un contrat d’édition n’est pas de tout repos. Répétons-le. Signer un contrat d’édition ne veut pas dire qu’on remet son manuscrit à l’éditeur et qu’il n’y a plus qu’à attendre patiemment qu’il sorte en librairie, et encore plus patiemment que l’éditeur fasse le décompte, incontrôlable,  des exemplaires vendus pour verser enfin la commission due.

Lequel peut s’étaler, au mieux, sur deux à trois ans. Non, non, la plupart du temps, l’éditeur va aussi demander à son auteur de participer à l’édition du  livre qu’il a bien voulu éditer.

Ce qui veut dire qu’il va lui demander de remettre une copie sans fautes et bien mise en page. Pas question d’imaginer qu’un correcteur va faire le boulot à la place de l’auteur. Pas question non plus de s’attendre à du beau papier, une belle couverture et une belle encre. L’heure est aux économies !

Et ce n’est pas tout. Cette contribution en nature de l’auteur doit être accomplie promptement. Alors même qu’on a pu lui demander de revoir complètement certaines parties de son ouvrage. Enfin, « the last but not the least », comme disent les anglais, le tout pour un salaire de misère, les fameux droits d’auteur

Dans ces conditions, on peut comprendre tel auteur autoédité quand il dit : 

Il est clair que les contrats standard d’édition actuels sont inadmissibles. Je ne vendrai jamais mes droits dans ces conditions. J’ai travaillé trop dur depuis des années pour me laisser marcher dessus.

Promotion et diffusion plus efficaces dans l’édition que dans l’autoédition ? 

Pas vraiment. A quoi bon, en effet, entrer dans un circuit, soi-disant sûr, où des taches fastidieuses attendent de toute façon l’auteur, peu ou pas  connu,  pour un prix dérisoire, et une promotion qui n’est guère meilleure que celle que peut offrir n’importe quelle plateforme d’autoédition qui propose des services éditoriaux. 

Ecrire un livre de qualité demande toujours beaucoup de travail 

Quoi qu’il en soit ! Et pas seulement que d’écriture. Par suite, il est clair que si on dispose d’un petit budget, guère supérieur à celui de n’importe quelle semaine de vacances, un contrat d’édition dans un maison d’édition peu connue, petite ou moyenne, ne sera pas plus avantageux qu’une autoédition réalisée à partir d’une plateforme bien rodée aux mécanismes de l’édition. 

Et cela d’autant plus que les sommes éventuellement engagées dans une autoédition qui dépasse la simple impression d’un livre pour ses amis et parents, à l’occasion de la saint Valentin, par exemple, sont facilement récupérées par seulement quelques ventes, du seul fait de droits d’auteur largement plus élevés que ceux attribués chichement par les éditeurs traditionnels. 

Ce que relevait abruptement, créant un certain émoi dans le secteur, Nicolas Sarkozy, l’ex-président de la République, désormais administrateur du groupe Lagardère, propriétaire d’Hachette, en disant dans un entretien accordé au Point en décembre 2022 : 

Les auteurs en France sont souvent les sacrifiés de la chaîne créative. Un homme comme Jean d’Ormesson qui est comme une incarnation de l’écrivain français a terminé sa carrière en touchant un faible pourcentage sur ses ventes de livres. 

Autrement dit, dans le contexte actuellement très mouvant du secteur du livre, il se pourrait bien que les plateformes d’autoédition qui, rappelons-le, n’ont rien à voir avec les éditeurs à compte d’auteur, qui ont d’autres mérites, soient durablement beaucoup plus attractives que les petites maisons d’édition.

A moins que celles-ci ne s’en inspirent pour rester compétitives en faisant, elles aussi, par exemple, de l’impression à la demande, en contrepartie de droits d’auteur plus élevés. 

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