Les romans parlent toujours de nous et des autres. Naturellement, chacun à leur manière. Et ce qu’ils disent est toujours riche d’enseignement. A tel point qu’un roman peut être considéré comme une école de la vie. Raison pour laquelle, il est intéressant de voir comment les meilleurs auteurs anglophones s’y prennent et ce qu’ils ont à dire. Certes, beaucoup d’auteurs se sont plus à dénoncer les risques de lectures finalement débilitantes. Combien de lecteurs ne préfèrent ils pas, en effet, rêver leur vie plutôt que de la vivre telle qu’elle est, avec ses haut et ses bas, mais en ayant quand même l’espoir de l’améliorer ?
Mais ce n’est là, la plupart du temps, qu’un préambule. Un préambule à une leçon de vie. Car le fait de vivre un moment par procuration, grâce à un personnage idéalisé auquel on s’identifie volontiers, d’en connaître les succès, mais surtout, les déboires, c’est aussi l’occasion d’éviter d’emprunter les mêmes chemins ou d’être incité à prendre ceux qui paraissent les meilleurs.
Dès lors, pour varier un peu les expériences, il peut être intéressant de voir comment sous d’autres latitudes, dans d’autres univers, ces mêmes problématiques sont abordées. Et notamment de voir comment ces questions sont abordées, notamment, par les meilleurs auteurs anglophones.
Quels sont les auteurs anglophones marquant pour ce début du XXIème siècle ?
C’est quoi un auteur anglophone marquant ?
Avant d’entrer dans le détails des auteurs anglophones retenus pour faire partie de cette liste, une « short list » par la force des choses, il n’est pas inutile d’indiquer les deux ou trois critères de choix qui ont présidé à cette sélection et d’en donner les raisons.

Un auteur marquant est un auteur qui a des dizaines de milliers de lecteurs
C’est d’abord un auteur dont on parle. Autrement dit, un auteur qui fait la une des médias, spécialisés ou non, et dont les lecteurs se comptent en dizaines de milliers.
On peut naturellement critiquer un tel critère, mais puisqu’il s’agit de déterminer des auteurs marquants, il est difficile d’imaginer qu’un auteur dont le lectorat est confidentiel puisse être un auteur marquant.
Cela dit, le nombre de lecteurs n’est pas un critère suffisant pour déterminer un auteur marquant. Il y a ainsi des auteurs qui n’ont pas de lecteurs, ou très peu, pendant longtemps, qu’on ne découvre que très tardivement et d’autres qui atteignent des tirages phénoménaux et que pour autant on oublie très vite.
Outre le nombre important de ses lecteurs, critère qui permet d’écarter les auteurs qui ne sont salués que par la critique, un auteur marquant est un auteur qui est appelé à être un classique
Un auteur marquant est un auteur qui a vocation à être classique
Outre un tirage significatif, un auteur marquant est un auteur « classique ». En général, on réserve le qualificatif classique à des auteurs du passé et déclarés comme tels par des générations de professeurs de littérature et d’hommes ou de femmes de lettres.
La plupart du temps, il suffit pour les connaître de se reporter aux manuels scolaires. A défaut, on peut s’essayer à trouver une définition pour caractériser un auteur classique. La question taraude bien des critiques littéraires et cela depuis longtemps. A ce propos on cite souvent Sainte-Beuve pour qui un auteur classique est celui :
qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges.
En tout cas, pour Cécile Rabot qui a fait de longues recherches sur le sujet:
Les classiques se définissent d’abord du point de vue de l’histoire littéraire par leurs propriétés distinctives.
Cela n’a l’air de rien, mais cela permet de lister ces propriétés distinctives et d’affirmer ainsi qu’un texte classique est un texte, entre autres :
- de qualité éminente, de « première classe »,
- avec un style d’écriture remarquable,
- proposant une vision du monde de grande ampleur,
- faisant date,
- qui se démarque de tous les autres,
- conforme au moins en partie à la culture du temps,
- apportant sa pierre, si modeste soit-elle, pour paver le chemin du progrès,
- naturellement inspirant,
- et finalement objet d’un enseignement.
A ces propriétés distinctives on peut en ajouter bien d’autres comme l’autorité ou l’admiration qu’un texte classique suscite et le sentiment que sa lecture est incontournable. Il appartient à cette élite littéraire qui nourrit les listes de ces ouvrages qu’il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie.
C’est en s’inspirant de ces considérations que la liste des auteurs anglophones ci-après a été constituée en plus de bien d’autres listes de classiques à lire absolument.
Liste des auteurs anglophones retenus

Paul Auster (1947-2024)
On a dit de lui que c’était le plus français des grands écrivains américains. Bien qu’ayant vécu une grande partie de sa vie à New York, laquelle est très présente dans toute son œuvre, Paul Auster a bien connu Paris où il a aussi longuement vécu.
Après une bonne dizaine d’années de galère- pour subsister il travaille même pendant cette période sur un pétrolier – sa carrière littéraire ne décolle vraiment qu’à la fin des années 80, notamment grâce au succès de son roman Moon Palace. Après une descente aux enfers, le narrateur remonte la pente grâce à l’amitié d’un vieil ami et à l’amour d’une jeune étudiante.
Pourquoi Paul Auster, un des meilleurs auteurs anglophones, a-t-il un regard aussi désabusé sur le monde qui l’entoure ?
Auteur prolifique, romancier certes, mais aussi essayiste, scénariste, etc., Paul Auster a du faire face à un terrible drame personnel avec le décès par overdose en 2022 de son fils David, photographe, faisant suite à la mort suspecte de sa petite fille en bas âge, elle aussi par overdose.
Remarié en 1981 avec l’écrivaine aux attaches norvégiennes, Siri Hustvedt, auteur d’un remarquable essai intitulé « Les mirages de la certitude », il mourra d’un cancer en 2023, juste avant la publication de son dernier ouvrage, intitulé Baumgartner, en 2024.
Comme dans ses autres ouvrages, mais cette fois par le biais du regard de son narrateur, qui du fait de son âge voit poindre la fin de son existence, il porte sur le monde qui l’entoure un regard désabusé, sans pour autant sombrer totalement dans le désespoir, se laissant en quelque sorte porter par les évènements et la conscience d’une nature à la fois bienveillante et indifférente.

J-M Coetzee (1940- )
J-M pour John Maxwell fait typiquement partie des auteurs anglophones. Né au Cap en Afrique du Sud, il commence une carrière de programmeur pour IBM en Angleterre, avant de tout lâcher pour la littérature à la fin des années 60, passer un doctorat de littérature aux Etats-Unis et finalement prendre la nationalité australienne.
C’est à juste titre que le prix Nobel de littérature lui a été attribué en 2003. Ce prix prestigieux n’a d’ailleurs fait que s’ajouter aux nombreux autres prix glanés au fil des années et des publications par J-M Coetzee, dont deux fois, ce qui est rarissime, le prix Booker.
Comme pour tout grand écrivain ayant la stature d’un écrivain classique, on retrouve chez Coetzee, le style original, une écriture de grande précision et le sens de l’universalité derrière les destins individuels de ses personnages de fiction. A cet égard, sa trilogie de Jésus est on ne peut plus éclairante sur ce qui anime son dessein littéraire.
On y trouve, de manière allégorique, les trois grandes phases du livre biblique, selon Coetzee, bien sur, avec l’enfance de Jésus, l’éducation de Jésus et la mort de Jésus.
Coetzee, un grand écrivain allégorique ?
Comme dans le Petit Prince, d’Antoine de Saint Exupéry ou le Prophète, de Khalil Gibran, Coetzee s’y interroge au travers de l’histoire du jeune David, de son père Simon et de sa mère Ines, de sa lecture particulière du Don Quichotte, de Cervantès, sur ce qui caractérise un profil prophétique et sur ce qu’on peut en attendre.
Ou pas. Notamment quand on traverse des drames familiaux comme la perte de deux de ses trois enfants.
D’une manière générale, Coetzee, végétarien, antispéciste et défenseur du droit des animaux, volontiers libertaire, est un des auteurs anglophones que l’on peut classer comme post moderne maniant avec brio scepticisme et pessimisme, tout en refusant de se laisser enfermer dans un quelconque manichéisme.

Ian McEwan (1948 -)
Pour les anglais, Ian McEwan, prix Fémina étranger en 1993, prix booker en 1998, fait incontestablement partie des auteurs anglophones incontournables depuis la fin des années 80. Autant que peut l’être en France un Albert Camus ou un François Mauriac.
Comme souvent pour tous les auteurs, son passé familial le hante, d’une manière ou d’une autre, de livre en livre. Dans son dernier livre, intitulé Leçons, paru en 2022, on retrouve tous les thèmes qui ont fait son succès.
A l’instar du Baumgartner de Paul Auster, « Leçons » tire les leçons de toute une vie, celle de Robert Barnes, dont la vie fictionnelle emprunte beaucoup à la vie réelle de son auteur. On le suit ainsi de ses trente ans à ses soixante dix ans.
Ian McEwan peut-il être considéré comme un coach de vie ?
Ian McEwan n’est pas un coach de vie et ses leçons n’en sont guère, si ce n’est qu’il y montre que ce qui fait le destin d’un homme dépend finalement très peu de lui sans que pour autant ce soit une raison pour ne rien faire ou ne rien tenter. En tout cas, si on veut éviter de ruminer sans fin d’inutiles regrets.
Certes, si on s’en tient aux apparences, tout semble se liguer pour que toute destinée ne soit rien d’autre que le résultat hasardeux d’un entrelac de facteurs sur lesquels on ne peut strictement rien. Grande histoire et petite histoire s’entremêlent ainsi pour rendre, sans qu’on n’y puisse mais, toute trajectoire humaine imprévisible et ce qui doit être sera.
Mais quels que soient ces entrelacs et la noirceur ou la perversité de la plupart des relations humaines, ce n’est quand même pas une raison suffisante pour tout laisser aller à vau l’eau et refuser de s’engager. Somme toute, on a tout à y gagner. Après tout, ce n’est pas si mal comme leçon et tout un chacun peut en tirer facilement profit.

Margaret Atwood (1939 -)
Autre membre éminent des auteurs anglophones contemporains : Margaret Atwood. Née à Ottawa, ses premières années n’ont pas été banales. Le choix de ses parents de vivre au milieu des bois, sans aucun élément de confort, l’a bien évidemment marquée et sans aucun doute aidé à la construction de sa conception égalitaire des relations entre les hommes et les femmes.
Margaret Atwood est donc tout naturellement devenue une féministe engagée. Son roman phare « La servante écarlate », publié en 1986, en a même fait une icône des mouvements féministes. Elle y raconte l’histoire de Defred, servante, autrement dit, « reproductrice », dans un monde pollué et précédemment chaotique, où les naissances sont rares et difficiles.
Elle a pour cadre la république de Gilead qui s’est substituée aux Etats-Unis. Fortement hiérarchisée et complètement puritaine, hommes et femmes y évoluent en fonction du statut qui leur a été attribué. Marthas, Tantes ou Epouses, les femmes peuvent y jouir d’une situation au moins aussi enviable que celle des gardiens.
Margaret Atwood est-elle une vraie féministe ?
Certes, l’ouvrage est devenu emblématique des luttes féministes, mais sur cette question, Margaret Atwood n’est sans doute pas aussi extrémiste qu’on pourrait le penser. Dans un très intéressant entretien publié par le magazine la vie, en octobre 2021, elle déclare notamment à propos de son livre phare :
Ce livre parle de totalitarisme et plus précisément du type de totalitarisme qui pourrait survenir aux Etats-Unis. On pense souvent que les Etats-Unis ont été fondé au XVIIIème siècle après la révolution américaine et les principes universels de la révolution, mais les fondations du pays sont beaucoup plus anciennes. Il faut revenir aux origines de la Nouvelle Angleterre, celle de la théocratie du XVIIème siècle.
D’ailleurs, dans une tribune, intitulée « Am I a bad feminist ? » publiée par « the Globe and Mail » en 2018, elle avait déjà eu l’occasion de préciser son point de vue :
Les femmes sont des êtres humains. Il faut accepter qu’elles soient ni des anges, ni Dieu. Et ce n’est pas les trahir que de le dire. En revanche, c’est bien une trahison d’affirmer que les femmes ne peuvent pas mentir.
De fait, la fin de l’histoire telle qu’elle se déroule dans sa suite, « Les testaments », parue en 2019 et récompensée par le prix Booker, est le récit d’un renversement de la république de Gilead par une résistance menée par les femmes et le retour aux fondamentaux des Etats-Unis.
D’une certaine façon, il s’agit moins là d’un final féministe que d’un retour à la raison grâce aux femmes.

Philip Roth (1933 – 2018), un des meilleurs auteurs anglophones que le prix Nobel aurait pu récompenser
Auteur de 26 romans, dont beaucoup évoquent le quartier de Newark où il a longtemps vécu, Philip Roth, considéré comme le maître de l’autofiction contemporaine, a volontairement cessé d’écrire en 2012.
De nombreux critiques et écrivains se sont toujours demandé pourquoi l’académie suédoise ne l’a jamais consacré en lui décernant le prix Nobel de littérature qu’il aurait amplement mérité. Mais il aura eu droit à l’entrée dans la prestigieuse bibliothèque de la Pléiade de son vivant.
Sa carrière littéraire s’emballe avec la publication de son roman « Portnoy et son complexe » en 1969. Très vite devenu un bestseller, on y trouve déjà tout ce qui fera le succès des romans qui suivront.
Tout d’abord, des faits qui sont tirés de son vécu et de ses recherches documentaires. Ensuite, des thèmes qui soulignent le poids de la sexualité, de l’histoire, de l’héritage et la hantise de la désagrégation finale. Et enfin, un style à la fois ironique et humoristique, un peu à la manière d’un Woody Allen.
Représentatif du courant post moderne, il oscille avec virtuosité entre la satire politique avec « Tricard Dixon et ses copains« , la parodie kafkaïenne avec « Le Sein« , la fable post moderniste avec « Le grand roman américain » et le désenchantement avec « Pourquoi écrire ?« .
Toujours est-il qu’on le classe sans peine comme faisant partie des grands auteurs anglophones, notamment américains, du XXème siècle et du début du XXIème aux côtés de Cormac McCarthy, Don DeLillo et Thomas Pynchon.

Jonathan Coe (1961 -)
Nul n’est prophète en son pays. Après une enfance heureuse et sans histoire, Jonathan Coe a réalisé finalement assez vite son rêve de devenir écrivain. Si dès son plus jeune âge, il s’est mis à écrire et même si son premier roman, « La femme de hasard », sera refusé par 15 éditeurs avant d’être publié, il tirera le gros lot à 33 ans avec son « Testament à l’anglaise » qui sera un grand succès littéraire.
Mais paradoxalement, alors que Jonathan s’est fait une spécialité d’observer avec acuité les évolutions de la middle class britannique sous l’ère Thatcher, puis sous celle de Blair, c’est de l’étranger, et notamment de France, d’Italie et de Grèce, que viendra son succès. Peut-être que son style très british est, somme toute, trop british pour les britanniques eux-mêmes.
Jonathan Coe, est-il seulement un peintre de l’ordinaire ?
En tout cas, sa manière sarcastique et grinçante d’observer la société anglaise dans ce qu’elle a de plus anglais, et cela sur plusieurs décennies, a séduit un public plutôt latin dont on a trop souvent dit, côté anglais, qu’il pouvait manquer de classe.
Cela dit, universitaire distingué, diplômé de Cambridge et de Warwick, spécialiste de Henry Felding, l’éminent dramaturge et juge de paix du XVIIIème siècle, dont il a décortiqué le « Tom Jones » pour sa thèse de doctorat, Jonathan Coe en peintre de l’ordinaire est incontestablement un grand maître.
Ajoutons enfin qu’à l’instar de ses personnages de fiction, il mène lui-même une vie bien ordinaire à Londres, avec sa femme et ses deux enfants, et ne manque pas de participer à des actions humanitaires et d’animer des podcasts sur l’art et la manière d’écrire. De vidéos en vidéos, il déroule ainsi un véritable parcours d’atelier d’écriture.
Cependant, son dernier roman « La preuve de mon innocence » semble amorcer une nouvelle orientation plus proche des romans noirs dans le choix de ses thématiques et de ses intrigues.

Kate Atkinson (1951 – )
Britannique, née à York, Kate Atkinson a connu le succès dès la publication de son premier roman « Dans les coulisses du musée », en 1996. Elle reçoit pour ce roman le Whitbread first novel award et le magazine Lire n’hésite pas à en faire le meilleur roman de l’année.
Elle y raconte l’histoire de Ruby Lennox, née la même année qu’elle, ou plus exactement Ruby Lennox raconte sa vie dès sa conception – la description est hilarante – celle de ses parents, celle de son entourage, avec des flashs back amenés sur l’Angleterre d’avant sa naissance.
Kate Atkinson s’est fait une spécialité des histoires faisant la part belle aux héroïnes. Un de ses derniers derniers ouvrages, paru en 2022, « Le règne de la nuit » en est un bel exemple. Il raconte avec force détails les combats de Nelly Cocker pour dominer le monde de la nuit à Soho dans les années 20.
Tellement bien que comme l’écrit une lectrice passionnée :
Et zou sur l’étagère des indispensables !
Kate Atkinson, reine des héroïnes battantes !
Peut-être a-t-elle servi de modèle à Régina Zylberberg, dite Régine (1929-2022), qui a régné, elle, sur les nuits parisiennes et ailleurs, de la fin des années 80 au début des années 2000.
Pour créer son personnage de Nelly Cocker, Kate Atkinson s’est inspirée de la très réelle Kate Meyrick (1875-1933) surnommée, en son temps, pendant l’entre-deux-guerres, à Londres, la reine des boîtes de nuit. A noter qu’elle a également inspiré la série TV « Dope Girls » de Canal Plus.
Outre ses personnages féminins iconiques, Kate Atkinson a aussi créée des univers avec des héros récurrents comme sa série policière inaugurée avec « La souris bleue » et l’inspecteur Jackson Brodie qu’on retrouve dans cinq autres romans dont le dernier paru en 2019 s’intitule « Trois petits tours et puis reviennent ». Même chose, mais sans inspecteur, avec la série Teddy et Ursula Todd.
Notons, enfin, que pour son rôle joué dans la renommée des lettres anglaises contemporaines, Kate Atkinson a été faite, en 2011, membre de l’Ordre de l’Empire Britannique (M.B.E).

David Nicholls (1966 -)
Né dans le Hampshire, David Nicholls est un britannique s’est essayé comme acteur sous le nom de David Holdaway, puis comme scénariste, où il s’est fait une réputation, avant de connaitre la consécration avec son troisième roman intitulé « Un jour », publié en 2008.
Il y raconte l’histoire de deux jeunes étudiants qui se trouvent le jour de la remise de leur diplôme de fin d’étude à l’Université, puis se « perdent » pendant 20 ans, ne gardant de leur relation première que des « bribes » amicales, et se retrouvent finalement à l’issue de leur longue période de séparation ou de mise à l’essai, avant d’être brutalement séparés, cette fois-ci définitivement, par les circonstances de la vie, en l’occurrence, un accident de la circulation.
Moralité, quand le bonheur se présente à portée de mains, il vaut mieux ne pas trop jouer avec la chance ou le hasard. Netflix a tiré de cette histoire une excellente série. Thématique qui fait penser à celle mise en images par Woody Allen dans son film sorti en 2019 » Un jour de pluie à New York », avec Timothée Chalamet et Jude Law dans les rôles titres.
David Nicholls, le grand maître incontesté des auteurs anglophones de la romance contemporaine
Avec son sixième roman, paru en 2024, « Rendez-vous ici », David Nicholls poursuit, avec la même plume acérée et le sens du découpage cinématographique, l’analyse de la difficulté de trouver l’âme sœur. Dans ce dernier ouvrage, les deux héros ne sont plus de jeunes étudiants mais des quadragénaires, un peu revenus de tout et prêts à se laisser glisser dans une routine de fin de vie nourrie aux illusions perdues.
Sauf que les hasards d’une randonnée dans le Lake district remettent tout en question et donnent l’occasion, qu’ils savent saisir, aux deux héros de se remettre en route. La moralité, ici, est qu’il y a toujours finalement des moments où on peut avoir une seconde chance.
De fait, on peut aujourd’hui considérer que David Nicholls est incontestablement un maître de l’art de la comédie romantique. En évitant soigneusement les clichés propres au genre et dans lesquels il est si facile de tomber, livre après livre, il parvient à réaliser un équilibre parfait entre les scènes de tendresse et de cruauté et les propos tout à tour empreints d’humour ou de gravité.

Sally Rooney (1991 – )
Millenial, Sally Rooney parle aux millenials, ou si on préfère à la génération Y, qui se reconnaissent dans ce qu’elle écrit. Irlandaise, diplômée de Trinity College, de l’université de Dublin et ses romans, 4 entre 2017 et 2024, font tilt. Son deuxième, « Normal people », paru en 2018, lui a même apporté la célébrité et la fortune. Une mini série télévisée en 12 épisodes, à laquelle elle a contribué en tant que scénariste, en a même été tirée et a connu un très grand succès. Il en a été de même de son premier roman « Conversations entre amis ».
Que ce soit dans ces deux premiers romans, où dans les deux suivants « Où es-tu monde admirable ? » ou « Intermezzo », ses thèmes de de prédilection qui tous tournent autour d’amours qui peuvent paraître impossibles font dire à certains de ses critiques qu’elle pourrait bien être la spécialiste de la « bad girl lit », ce qu’elle récuse absolument, bien qu’on puisse légitimement le croire à suivre la trajectoire de ses deux héros de « Normal People ».
Sally Rooney, la nouvelle star des auteurs anglophones ou la « Taylor Swift du monde du livre »
Si l’amour est au centre de sa problématique romanesque et sous des formes qui n’évitent pas ses aspects érotiques, sans tomber pour autant dans la pornographie, il n’est pas le seul thème abordé par Sally Rooney. Certes, il peut paraître difficile de s’aimer, comme somme toute il l’est toujours, quelle que soit l’époque, mais l’époque contemporaine y ajoute à coup sûr des difficultés qui lui sont propres.
On se souvient alors que Sally Rooney a voulu d’abord faire un master en science politique avant de bifurquer vers un master en littérature. Par la voix de ses personnages, elle développe donc ses convictions critiques sur un monde dominé par une exploitation capitaliste faisant peu de cas de l’environnement et des laissés pour compte.
Marié très jeune avec John Prasifka qu’elle a rencontré pensant ses études universitaires et qui s’y est fait particulièrement remarqué par une diatribe contre l’existence du sénat irlandais, elle a notamment refusé que son troisième roman soit traduit en hébreu, cela pour protester contre la politique d’Israël envers les palestiniens de Gaza.
Cela dit, sans préjuger de son évolution future, Sally Rooney, dont certains disent qu’elle est la » Taylor Swift du monde du livre », est une plume sincère et soucieuse de décrire avec réalisme le monde contemporain.

Julian Barnes (1946 – )
Né à Leicester, en Angleterre, de parents professeurs de français, on présente souvent Julian Barnes comme un auteur de littérature post moderne. Très sommairement, le post modernisme met l’accent sur l’absence de sens sous jacent à la manifestation de toute chose. Pour faire court, tout est égal. Mais c’est sans doute aller un peu loin avec un auteur comme Julian Barnes.
Passé par Magdelen College et diplômé d’Oxford, Julian Barnes commence sa carrière comme critique littéraire pour des journaux ou des revues réputés tels que The Times, New Stateman ou The Observer.
Sa carrière littéraire proprement dite commence en 1981 avec la publication de deux romans, l’un sous son nom patronymique, l’autre sous celui de son pseudonyme, Dan Kavanagh. Ce dernier nom est celui de sa mère et celui qu’il utilisera pour signer ses romans policiers, quatre en tout, à ce jour. Le héros, Duffy, est un détective privé bisexuel, qu’on retrouve dans chacun d’entre eux.
Julian Barnes, un fin lettré aux multiples facettes
Quant à ses romans, 13 en tout, ils abordent des thématiques variables comme l’autofiction avec « Metroland », l’analyse de la personnalité de Gustave Flaubert avec « Le Perroquet de Flaubert », les relations entre le domaine artistique et l’exercice du pouvoir avec « Le Porc-épic ». ou encore sa vision de l’Angleterre à la fin du XXème siècle avec « England, England ».
Cet éclectisme, ou plus exactement cette très grande palette thématique, se retrouve aussi dans le choix de ses modes d’écriture puisque aux romans, policiers ou généralistes, il convient d’ajouter de nombreux essais, des mémoires et des recueils de chroniques. A noter que c’est dans cette catégorie que l’on classe habituellement, une de ses œuvres maîtresses, « L’homme en rouge ».

Œuvre bien particulière, puisqu’elle adopte comme fil rouge, la vie de Samuel Pozzi, un médecin emblématique de la Belle Epoque pour faire, en réalité, le portrait de toutes ces années qui représentent en quelque sorte l’apogée de la civilisation européenne. Belle occasion d’opposer ces années à celles du monde contemporain pour mieux faire ressortir ce que celui-ci a de réellement singulier.
Pas des oublis, mais une sélection limitée des meilleurs auteurs anglophones
10 auteurs seulement retenus comme meilleurs auteurs anglophones du premier quart du XXIème siècle, c’est peu et forcément injuste. Bien d’autres auteurs anglophones de qualité méritent d’y figurer également.
On peut citer, entre autres, Hubert Selby, jr (1928-2004) et son prémonitoire « Last Exit to Brooklyn », Bret Easton Ellis (1964 -), plutôt de la génération X que de la génération Y, David Lodge (1935-2025) et pourquoi pas John Le Carré (1931-2020). Et bien d’autres !
Une chose est certaine, dans un monde globalisé et largement dominé, qu’on le veuille ou non, par la culture anglo-saxonne, la littérature anglophone a beaucoup à nous apprendre.