Quiconque a fait une recherche sur Internet pour trouver un bon roman d’amour à lire pendant ses vacances ne peut qu’être étonné.  Il constatera, en effet, que si on en reste aux ouvrages dits classiques tous les titres qui lui sont proposés par Mr Google ont malheureusement tendance à mal se terminer. En tout cas, si la recherche se limite aux romans classiques français. Qu’on en juge. Bernardin de Saint Pierre fait mourir ses deux héros Virginie par noyade au moment où elle retrouve Paul et Paul par désespoir. Madame de la Fayette envoie  sa princesse de Clèves finir sa vie dans un couvent. Stendhal confine son héros Fabrice del Dongo dans une prison. Flaubert fait s’empoisonner Madame Bovary avec de la mort aux rats. Lamartine laisse mourir de chagrin, Graziella, l’amour de sa vie, 

Bref, les temps sont durs, quelles que soient les époques, pour les amants de la littérature classique française. On comprend que les nouvelles générations d’auteurs, d’autrices à vrai dire, aient à cœur de produire des histoires où l’amour, après bien des péripéties naturellement, finit toujours par l’emporter.  Cela dit quels romans d’amour d’auteurs classiques, aux fins heureuses, peut-on  recommander. En ne se limitant pas à la littérature française, on a pu quand même établir une liste de quelques auteurs, majoritairement féminins, dont les romans d’amour ne sont pas synonymes de fin tragique et qui sont riches d’enseignements.

Jane Austen, la grande prêtresse du roman d’amour qui finit bien

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Jane Austen, la grande prêtresse du roman d’amour qui finit bien – coollibri.com

Orgueil et préjugés (1813)

On peut dire que Jane Austen (1775-1817), romancière anglaise, membre de la petite gentry du Hampshire, à l’époque du roi  Georges III, a su définir  l’archétype du roman d’amour qui se finit bien. Après bien des tribulations, l’héroïne finit toujours par épouser son bien aimé. 

Dans Orgueil et Préjugés, publié en 1813, mais écrit entre 1796 et 1797, Jane Austen met en scène les cinq sœurs Bennet, dont la mère, un tantinet hystérique, est obsédé par leur mariage. Peu importe avec qui  pourvu que le futur mari soit riche !!  Son mari, un peu las de tous ces froufrous matrimoniaux, se réfugie autant qu’il le peut dans sa bibliothèque et dans la lecture de ses livres préférés.

L’histoire se centre assez rapidement sur la relation d’emblée difficile entre Elizabeth et Mr Darcy, du fait de leurs préjugés et de leur orgueil respectifs, d’où le titre. 

Ils finiront quand même par se marier une fois qu’ils auront réussi à évacuer les uns et l’autre. Mais, ce n’était pas gagner d’avance. Disons le : l’intrigue est un peu plus complexe que ce que l’on vient d’en dire. Raison pour laquelle le roman a fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques et a très vite été considéré dans le monde anglo-saxon comme un des chefs d’œuvre de la littérature anglaise

Raison et sentiments (1811)

Publié un peu avant Orgueil et préjugés, Raison et sentiments, joue des entrelacs qui enserrent les deux héroïnes, Elinor et Marianne, aux prises avec leurs tempéraments respectifs alors même qu’un revers de fortune les placent dans une situation délicate. Sans oublier une troisième sœur, Margaret, plus jeune et un peu renfermée. Pas de mariage en vue pour elle.

De son côté, Elinor, la raisonnable, est prête à se sacrifier pour le bien-être de sa famille. Quant à Marianne, la romantique, elle ne voit pas les choses de la même manière. Elle se laisse séduire par un joyeux et sémillant officier. Mal lui en prend, mais magie du roman, tout rentre dans l’ordre et  les deux sœurs finissent par se  marier avec l’amour de leur vie. Raison et sentiments finissent donc par s’accorder.

Persuasion (1817)

Comme le temps passe et les occasions perdues ne se retrouvent que rarement. C’est un peu l’histoire d’Anne Elliot, l’héroïne de Persuasion, d’abord fiancée à Frederick Wentworth, puis déliée de son engagement de son propre fait et sous l’influence d’une bonne amie qui réussit à la dissuader d’aller plus loin avec son fiancé qu’elle juge pas assez bien pour elle. 

Résultat, Frederick Wentworth s’en va au loin et bien des années après Anne est toujours dans la même situation et s’achemine petit à petit vers l’état de vieille fille. Mais, Jane Austen ne peut laisser l’histoire se terminer ainsi et elle fait à nouveau se rencontrer les deux ex fiancés. Frederick Wentworth est devenu riche, ce qui règle un problème, mais il ne trouve plus Anne aussi épatante. Après tout, elle a écouté sa pseudo amie, plutôt que ses sentiments.

Mais, bon, on est chez Jane Austen et tout s’arrange. Anne sait jouer son va tout et ne laisse pas passer une seconde fois sa chance. Bref, ils finissent par se marier et tout est bien qui finit bien.

Si on en veut plus, on peut toujours se reporter aux très nombreux auteurs qui se sont lancés dans des suites, des prequel ou des « what if » de chacun des grands romans de Jane Austen et qui pour cette raison sont qualifiés d’ « austeneries ». On peut voir ceux qui concernent, par exemple, Persuasion sur le site web qui lui est spécifiquement dédié.

Elisabeth Gaskell, une autre reine du roman d’amour, digne épigone de Jane Austen 

Elisabeth Gaskell (1810-1865) aurait pu rencontrer Jane Austen si elle avait vécu plus longtemps tant elle partage des points de vue qui sont à bien des égards fort proches. Certes, Elisabeth Gaskell s’est plus intéressée aux milieux populaires qu’à la gentry, mais elle ne lui était pas pour autant étrangère. 

Un de ses meilleurs romans,  Nord et Sud (1854), fait immanquablement penser à Orgueil et préjugés. On y voit l’héroïne Margaret Hale séduite par John Thornton, mais décidée à refuser quand même son amour et son offre de mariage. Un peu comme Elisabeth Bennet et Mr Darcy dans le roman de Jane Austen et pour des raisons similaires. Trop de fierté et d’orgueil de part et d’autre.

Cela dit, l’intrigue se déroule pour l’essentiel dans le cadre industriel d’une ville qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Manchester. Le roman édité par Charles Dickens est très réaliste et le style d’écriture adopté par Elisabeth Gaskell s’efforce d’en rendre compte. Un peu comme ce qui fera la nouveauté de Louis Ferdinand Céline beaucoup plus tard et en France. 

Quoi qu’il en soit, après bien des péripéties comme il se doit, mêlant crise économique et sociale, quiproquos et malentendus, Margaret Hale, devenue manufacturière à son tour par la grâce d’un héritage bienvenu viendra au secours de John Thornton, son amoureux éconduit et transi, malmené par des affaires en berne, et tadam, finira par l’épouser.

Charlotte Brontë, créatrice d’un beau roman d’amour avec une héroïne inoubliable

Elisabeth Gaskell a été la première biographe de Charlotte Brontë et a contribué, sans aucun doute, à assurer sa gloire. Et à coup sûr elle n’a pu être insensible à l’histoire de Jane Eyre qui par bien des aspects ressemblait à sa propre histoire.

Charlotte Brontë (1816-1855) est quasiment de la même génération qu’Elisabeth Gaskell et son milieu d’origine est très proche. On comprend pourquoi elle en a été la première biographe. A noter d’ailleurs qu’elle est née à Thornton et que Thornton est le nom qu’elle a donné à son héros dans son roman Nord et Sud. Beaucoup d’affinités donc. Ou d’empathie entre le sujet de la biographie et le biographe. Ce qui est la règle de toute bonne biographie.

Charlotte est la troisième fille d’une fratrie qui comprend six enfants. Les deux autres filles, Emily (1818-1848) et Anne (1820-1849) seront aussi des auteurs célèbres. La première a écrit « Les hauts du Hurlevent » et la seconde « Le locataire de Wildfell Hall« . 

Jane Eyre, un modèle d’élégance morale et de droiture

Quand à Charlotte, c’est « Jane Eyre » qui la rendra célèbre. Le livre publié en 1847 raconte l’histoire d’une pauvre orpheline recueillie par sa tante qui ne l’aime pas. Dès qu’elle le peut, après un passage par un internat où elle subit pas mal de mauvais traitements, elle trouve une place de gouvernante auprès d’Adèle, fille de Mr Rochester, riche propriétaire du château de Thornfield Hall.

De fil en aiguille, Jane et Mr Rochester tombent amoureux l’un de l’autre jusqu’à vouloir se marier. Et là, patatras, le jour du mariage, Jane apprend que Mr Rochester est déjà marié ! Elle le quitte immédiatement. Mais, petit à petit, les choses s’apaisent, et grâce à toute une série de circonstances heureuses, les deux amants se retrouvent.

Certes Mr Rochester a perdu la vue dans l’incendie de son château, mais désormais guidé par la belle Jane, avec qui il se marie finalement, ils se reconstituent une belle famille.

Daphné du Maurier, la muse des Cornouailles, au roman d’amour inspiré de ses devancières

Daphné du Maurier, la muse des Cornouailles, au roman d'amour inspiré de ses devancières - coollibri.com
Daphné du Maurier, la muse des Cornouailles, au roman d’amour inspiré de ses devancières – coollibri.com

Daphné du Maurier fait partie d’une famille très liée aux milieux culturels de son époque. Son père, Sir Gerald du Maurier (1873-1934), était un acteur célèbre. Sa mère, Muriel Beaumont (1876-1957), née à Sutton, dans le Surrey, était aussi une actrice reconnue. Quant à son grand-père, George du Maurier, c’était un écrivain, comme le sera d’ailleurs aussi une de ses deux sœurs, Angela. 

Origine française de Daphné du Maurier

Quant à son patronyme, elle le doit à Louis Mathurin, père de son grand-père George et fils de Mathurin Busson, né dans la ferme familiale dite du Maurier, faisant partie des terres du Château de Chérigny – Inventaire Général du Patrimoine Culturel (paysdelaloire.fr) du côté de Chenu dans la Sarthe. Mathurin était un rêveur, pas très doué pour les affaires, il fut un temps directeur des verreries  de Chérigny, il s’enfuit en Angleterre pour échapper aux poursuites et se fait alors appeler Mathurin Busson du Maurier.

A défaut de ferme, on peut toujours faire un séjour de rêve au Château du Maurier, un vrai musée, construit au XIXème siècle sur la commune de la Fontaine Saint-Martin dans le département de la Sarthe.

Cela dit, Daphné du Maurier put finalement bénéficier d’un vrai anoblissement en se mariant en 1932 avec Frédérick Browning (1896-1965), père des forces aéroportées britanniques, auteur de la célèbre phrase « je pense que nous allons un pont trop loin » lors de l’opération Market Garden. Elle devient alors Lady Browning. Mais elle même est anoblie en tant que telle en 1969. Elle peut alors se prévaloir du titre de Dame dans l’ordre de l’Empire britannique. Ce qu’elle ne fera d’ailleurs pratiquement jamais.

Rebecca, un grand roman inspiré de Jane Eyre

C’est sans doute un peu osé de prétendre que Daphné du Maurier se soit inspiré du roman de Charlotte Brontë, mais il n’en reste pas moins qu’il y a entre les deux romans, bien dissemblables, comme un air de famille. 

Dans le roman de Daphné du Maurier, la narratrice dont on ne connaîtra jamais le nom, est demoiselle de compagnie d’une vieille dame acariâtre qui a l’habitude de faire des séjours prolongés dans un hôtel de Monte Carlo. Toute jeune, elle a tout juste vingt temps, elle est ébloui par un résident de l’hôtel, Maximilien de Winter, plus âgé qu’elle, il a quarante deux ans et vient de perdre sa femme, Rebecca.

Ils s’éprennent l’un de l’autre et se marient au moment du départ de la vieille dame. Tout juste mariés, ils se rendent au manoir de Manderley, riche propriété de Maximilien, situé dans les Cornouailles. Evidemment rien ne se passe comme prévu, à cause du souvenir omniprésent de l’ancienne maîtresse de Manderley, dont le profil est bien proche de la femme du Mr Rochester de Jane Eyre.

Et pour finir, le manoir brûle et on apprend que Maximilien est le meurtrier de Rebecca. Mais, bon, tout finit bien. Maximilien est malgré tout innocenté grâce à se nouvelle femme.

Les Cornouailles, comme cadre de vie irremplaçable

Lieu de beaucoup d’intrigues des romans de Daphné du Maurier et où elle même résidera une grande partie de sa vie. D’abord dans la villa de son père à Bodinnick, puis un temps dans le manoir de Menabilly, appartenant à la famille Rashleigh, toujours dans les Cornouailles, et enfin dans le manoir de Kilmarth.  A noter que le manoir de Menabilly qui l’avait littéralement envouté  a servi  de cadre à l’écrivaine pour planter le décor de Manderley. 

En 1969, le retour de la famille Rasleigh dans ses murs oblige néanmoins Daphné du Maurier à emménager, pas très loin de là, dans le manoir de Kilmarth. Elle y résidera jusqu’à sa mort.

Le roman d’amour qui finit bien est-il une spécificité des autrices anglaises ? 

En pensant aux œuvres remarquables laissées à la postérité par des autrices comme Jane Austen, Elisabeth Gaskell, Charlotte Brontë et Daphné du Maurier, on peut être tenté de répondre par l’affirmative à une telle question. 

En effet, si on ne considère que la littérature classique française, on peut y trouver des romans d’amour, non moins remarquables, mais, comme on l’a évoqué en introduction, leurs héroïnes ont la fâcheuse habitude à mourir à la fin du roman. 

Certes « La petite Fadette », roman publié en 1849 et écrit par Georges Sand (1804-1876) tend à prouver le contraire. Mais les Eugénie Grandet, personnage balzacien, et autres Gervaise, personnage dans le droit fil du naturalisme défendu par Emile Zola, sont là pour rappeler le triste sort que l’époque réserve aux femmes en leur interdisant, notamment, d’être heureuses. 

Cela dit, la place est aujourd’hui libre pour l’émergence de nouvelles romancières françaises qui se sont notamment  spécialisées dans les « feel good book« . Autrement dit, dans l’écriture de romans positifs, qui aident à se sentir mieux.  De ce point de vue,  on le sait maintenant avec certitude, la lecture et l’écriture sont les deux piliers de toute bibliothérapie.

On pense à des romancières telles que Marie Vareille, Aurélie Valognes, Mélissa da Costa, Virginie Grimaldi, Maud Ankaoua, Raphaëlle Giordano, Françoise Bourdin, etc

Sans avoir nécessairement l’objectif de produire une œuvre littéraire avec les mêmes ambitions que leurs grandes devancières, elles ont néanmoins à cœur de montrer qu’un roman d’amour écrit par une autrice française peut aussi avoir une fin heureuse. En tout cas, toutes ont l’habitude de truster les classements des meilleures ventes.

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