On a été voir du côté de Guillaume Musso et de Franck Thilliez pour essayer de comprendre pourquoi leurs livres se vendent si bien. Après tout, il y a forcément de bons conseils d’écriture à prendre quand on cherche ce qu’il peut y avoir derrière le succès d’un auteur. Surtout quand, année après année, ce succès ne se dément pas. C’est ce que font communément les entreprises quand elles disent qu’elles font du benchmark. On dit aussi benchmarking. Pour les spécialistes, qu’on utilise l’une ou l’autre de ces deux expressions, il s’agit d’une technique marketing qui consiste à regarder ce que font les concurrents et à le comparer avec ce qu’on fait soi-même. Continuons dans le même esprit et essayons de comprendre ce qui fait le succès des romans de Marie Vareille.
A quoi se mesure le succès de Marie Vareille ?
Commençons par le commencement. Marie Vareille, c’est combien de romans publiés à ce jour ? D’abord, il n’y a pas que des romans. L’œuvre de Marie Vareille se répartit entre quatre catégories. Certes des romans, elle en a écrit sept, le premier date de 2014 et le dernier de 2022, mais pas que. Elle a également écrit quatre romans pour la jeunesse, quatre nouvelles et un essai. Bref, seize livres, le tout en moins de dix ans. Marie Vareille est un auteur qui ne chôme pas.
L’autre mesure d’un succès dans le domaine de l’édition, en plus de la quantité de livres produite, ce sont, bien sûr, les ventes. De ce côté là, tout va bien. Sinon, on n’en parlerait pas. Par exemple, son 4ème roman, « La vie rêvée des chaussettes orphelines », publié en 2019, a été un bestseller, traduit dans de nombreux pays. Il s’est vendu à plus de 200 000 exemplaires.
Et ses six premiers romans totalisent plus de 400 000 exemplaires vendus. De fait, tous livres confondus, Marie Vareille approche le million d’exemplaires vendus. De quoi vivre confortablement de sa plume.
Dernière mesure du succès à prendre en compte : les prix. Ils sont, il faut bien le dire, à la fois cause et conséquence du succès d’un auteur. Ce ne sont pas des prix prestigieux, comme les grands prix qui animent chaque année la rentrée littéraire, mais quand même. Citons, par exemple, le prix Babelio 2021 pour son roman jeunesse « Le syndrome spaghetti » ou le prix des lecteurs U pour son dernier roman paru en 2022 « Désenchantées ».
Qui est Marie Vareille ?
Bon, Marie Vareille, née le 27 février 1985, à Montbard, une jolie petite bourgade industrielle de Bourgogne, a fait quelques études. Elle est diplômée de la grande école de commerce parisienne, l’ESCP. Et ce n’est pas tout, elle est aussi diplômée de Cornell University, une des plus grandes universités américaines. Rien donc qui la disposait à l’écriture, hors mis le fait que c’est une grande lectrice, à noter que c’est là une constante de tous les romanciers à succès, mais plutôt à intégrer le département marketing d’une entreprise. Ce qu’elle a d’ailleurs commencé par faire.
Normal, Marie Vareille est issue d’une famille qui a particulièrement bien réussie dans les affaires. Mais, apparemment tout ne s’est pas passé comme prévu. Du moins, si on se met à lire entre les lignes de son premier roman « Ma vie, mon ex et autres calamités ».
Elle y décrit les affres vécues par Juliette, son héroïne et peut-être son double romanesque, qui du jour au lendemain se retrouve célibataire, chômeuse et sans logement. Adieu « veau, vache et petit pot au lait », finie la collection de trente et une paires de chaussures, direction les Maldives à la poursuite de ce fourbe de petit copain partie là-bas avec une copine. On parle de Juliette, bien sûr, et pas de Marie.
Qu’on se rassure, tout va bien pour Marie. A l’heure où on écrit, elle est mariée, mère de deux petites filles, et elle vit aux Pays-Bas.
Bref, à la suite de sa première expérience professionnelle dans le marketing, très vite, Marie Vareille se lance dans l’écriture romanesque et abandonne la tradition familiale. Elle est la seule fille d’une fratrie de quatre enfants et ses parents, Pierre et Hélène Vareille sont ce qu’on appelle des « grosses têtes « . Centrale, d’un côté, Essec, de l’autre.
Avec les années, les carrières de l’un et de l’autre s’envolent. Tant et si bien qu’ils finissent par faire fortune. Tellement bien d’ailleurs qu’ils ont les moyens de créer une fondation, la fondation Vareille, dont le siège est à Zurich. Les honneurs pleuvent. Légion d’honneur, Ordre National du Mérite et même Ordre du lion de Finlande.
Et Marie Vareille dans tout ça ? Elle met sa culture familiale de l’optimisme et son savoir-faire marketing au service de son propre projet éditorial. Voyons cela d’un peu plus près.
Comment s’y prend Marie Vareille pour faire de ses livres un succès ?
Suivre la tendance feel good book
Le premier facteur de succès de Marie Vareille, c’est le choix de sa thématique. Marie Vareille est, en effet, une spécialiste de ce qu’on appelle les « feel good books ». C’est quoi un feel good book ? C’est le pendant en littérature de la psychologie positive. S’il n’y a pas de mal à se faire du bien avec des petits trucs au quotidien, on peut aussi accompagner le tout d’un bon bouquin estampillé « feel good book ».
Ce sont des bouquins où tout est bien qui finit bien. Au début, l’ambiance, l’intrigue, tout est un peu sombre, mais pas trop, on est quand même entre gens de bonne compagnie, et à la fin, après quelques péripéties, en général pas trop dramatiques, ou faisant partie de la vie comme elle va, tout s’arrange.
Ou presque. Sachant qu’un feel good book réussi doit nécessairement redonner à la fin le sourire à ses lecteurs. On est donc très proche de la new romance. Sauf que l’amour n’y est pas forcément le sujet central. Ajoutons que dans le cas de Marie Vareille, les histoires s’y tissent au féminin. Plutôt bien vu quand on sait que le lectorat des « feel good books » est principalement féminin.
Pas facile cependant de faire son « trou » sur ce marché. Les places y sont chères et y sont très disputées. Forcément, le filon est bon quand tout parait bien morose. Et les occasions de morosité ne manquent pas. Elles ont même tendance à augmenter. Alors … Alors, si on veut voir ce qui se fait actuellement dans ce domaine, on peut toujours aller faire un tour dans un salon du livre spécialement dédié à ce genre de littérature comme celui de l’agglo de Compiègne.
Choisir un éditeur bien adapté à la tendance
Cela dit, tous les éditeurs ne sont pas prêts à publier des livres « feel good. Marie Vareille est ainsi passée par l’autoédition et la maison Fayard avant de s’arrêter à la maison Charleston qui publie aujourd’hui la plupart de ses ouvrages.
La maison, fondée en 2013 au sein des éditions Leduc, par Karine Bailly de Robien, se présente comme « l’éditeur du féminin« . Tout ce qu’il y a de plus sérieux donc. Avec une ligne éditoriale on ne peut plus claire :
Publier des romans qui nous transportent aux côtés de femmes fortes et inspirantes.
Si on est tenté, c’est le moment de remonter aux sources et de lire ou relire ces femmes écrivains dont les écrits sont devenues des classiques au féminin de la littérature française. Qui sait, ça peut aider.
Soutenir la promotion de ses livres
Mais, ce n’est pas tout. Marie Vareille est aussi une business woman aguerrie. Elle a su trouver la bonne formule pour fabriquer un produit qui plait. Elle a également su trouver le bon réseau de distribution. De même, elle a su compléter et booster son marketing. Pour ce faire, elle s’appuie sur trois vecteurs.
Tout d’abord, elle a conçu et mis en œuvre un site web très efficace. En cliquant sur ses différents onglets, on peut accéder à ses différents romans, à sa biographie complète, à sa revue de presse, au calendrier de ses rencontres, à des nouvelles gratuites et à des conseils d’écriture. Et si on le souhaite, on peut aussi s’abonner à sa newsletter. La navigation y est très facile et la graphie très réussie.
Autre outil numérique utilisée par Marie Vareille, une chaîne You tube « Marie lit en pyjama« . Elle y parle de toutes les lectures qu’elle a pu faire et, comme elle le dit, qui lui sont tombées sous la main. Ce qui lui permet d’entretenir des relations privilégiées avec une communauté d’afficionadas.
Enfin, Marie Vareille n’hésite pas à mettre la main à la pâte pour assurer la promotion de ses livres et participe autant qu’elle le peut à des séances de dédicaces dans les salons du livre ou dans des librairies. De plus, elle est membre avec cinq autres romancières à succès de la #TeamRomCom. C’est un collectif créé le 8 mars 2016, le jour même de la journée internationale des droits de la femme.
Avec ses consoeurs, Isabelle Alexis, Tonie Behar, Adèle Bréau, Sophie Henrionnet, et Marianne Levy, après avoir co-écrit le Manifeste pour la comédie romantique, elle publie des œuvres « à douze mains » sur le site du collectif ou via la maison d’édition Charleston. Comme, par exemple, Noël et préjugés, en 2019, qui a inauguré une nouvelle déclinaison « festive » de leur genre littéraire. Il fallait y penser et c’est encore un succès !
Ce qu’il faut retenir
On retrouve bien sûr dans les facteurs de succès de Marie Vareille des facteurs qui ressemblent étrangement à ceux de Guillaume Musso ou de Franck Thilliez, par exemple. Importance du milieu familial, de la formation, goût prononcé pour la lecture, sens du travail d’écriture et concentration sur une thématique particulière. Plus évidemment, une participation active à toute promotion.
Ce qui n’empêche pas ces auteurs de réfléchir à la suite de leur carrière. Pour ce qui est de Marie Vareille, c’est assez évident. Son dernier titre, « Déracinées », est déjà un peu moins « girly ». Le fait est que qu’il n’est pas certain que le feel good book ait un avenir en béton. Un très bon article de Hachette.fr le laisse un peu supposer. En tout cas pas aussi solide qu’un polar ou un thriller.
En attendant, quoi qu’il en soit, avec Marie Vareille, on est assuré de passer un bon moment de lecture. Ce qui est l’essentiel.