Ecrire un livre à choix multiples dont le lecteur est le héros nécessite un genre particulier d’écriture. On ne parle pas ici d’identification à un personnage. Processus habituel en littérature. En effet, un roman dont le lecteur est le héros se situe entre le livre jeu, proprement dit, et le livre littéraire. A la mode dans les années 80, il connait, aujourd’hui, un regain d’intérêt.
Principalement, grâce aux applis et aux nouveaux équipements numériques.
De fait, rien de tel, pour passer le temps en s’amusant et découvrir qui on est, que de lire un roman à choix multiples. Mais, bien qu’il apparaisse comme un jeu, un roman à choix multiples implique une grande discipline de la part de son auteur, car c’est la condition sine qua non pour qu’il soit pris au sérieux par ses lecteurs.
Le livre à choix multiples : définition
C’est simple, à la fin de chaque séquence clef de son texte, l’auteur demande à son lecteur de choisir entre deux ou plusieurs options avant de poursuivre sa lecture. S’il choisit, par exemple, l’option A, il est invité à se rendre à telle section du livre, et s’il choisit l’option B, à telle autre section. Et ainsi de suite, jusqu’à la page fin.
Avantages de l’écriture d’un livre dont le lecteur est le héros
L’offre et la demande de livres à choix multiples
En effet, c’est un genre qui répond à une réelle attente. Côté éditeurs, alors que les manuscrits de livres traditionnels s’entassent sur les tables des comités de lecture, les livres à choix multiples sont beaucoup plus rares. Ce qui, en soi, constitue une bonne base pour réussir à être publié. Et encore plus, si, en tant qu’auteur, on prend la peine d’écrire son livre dans un genre où il y en a peu.
Comme, par exemple, des histoires d’exoplanètes, d’aventures, en anglais ou en langues romanes. Les idées ne manquent pas, pour peu qu’on ait la volonté de trouver le créneau de rêve, celui où on est le seul capable de l’occuper.
Côté lecteurs, le livre à choix multiples est particulièrement bien adapté aux mentalités et à la psychologie d’un jeune public. En effet, il est fondé sur l’interactivité comme l’est un jeu vidéo. Et, par les choix qu’il offre, il peut aussi aider ce jeune public à mieux s’orienter dans la vie et contribue à son éducation.
De ce point de vue, un roman à choix multiples, bien construit, peut entrer dans la catégorie des romans d’apprentissage. Beaucoup de grands auteurs classiques ont donné le meilleur d’eux-mêmes en écrivant de tels romans.
Intérêt de l’écriture à choix multiples pour un auteur
Le problème pour un auteur avec beaucoup d’imagination, c’est de faire des choix. Il aimerait que son personnage principal soit, par exemple, à la fois super et salaud, riche et pauvre, laid et beau, etc. Mais, pour assurer la cohérence de son récit, il lui faut faire des choix et appauvrir, en conséquence, son texte.
Prenons le cas, notamment, toujours épineux ou laborieux, du choix d’une fin. Suivant le choix de l’auteur, la fin peut être heureuse ou malheureuse. Une fin malheureuse n’est pas très vendeur, mais peut néanmoins se comprendre. Tout dépend du but que l’auteur s’est fixé en écrivant son roman. Mais, pouvoir écrire deux fins, l’une heureuse, l’autre malheureuse, suivant les choix faits par son lecteur, cela peut être carrément génial.
Comment s’y prendre pour écrire un roman dont le lecteur est le héros
Types de choix d’un livre à choix multiples
Des tutoriels très détaillés ont été écrits sur la nature des choix multiples. En général, on commence par y définir le cours habituel d’une narration et ce qui le distingue de celui d’un récit à choix multiples. Puis, on rappelle, par exemple, que :
Le roman à choix multiples est un peu à la littérature ce que la série télévisée est à la création audiovisuelle.
Enfin, on définit des catégories pour expliquer où placer les choix à opérer par le lecteur et lesquels privilégier. On a ainsi des choix de type primordial, secondaire, décorum ou « écueil ».
Le choix primordial
C’est le choix qui détermine le sens général de la narration. Dans le roman de Bernardin de Saint Pierre, publié en 1788, « Paul et Virginie », Paul aime Virginie. Il s’agit donc d’une histoire d’amour ; elle connut un immense succès en son temps et fait aujourd’hui partie des grands classiques de la littérature du 18ème siècle ; et la question est de savoir comment elle va évoluer. Justement, tout va bien jusqu’au jour où un évènement vient troubler le déroulement de l’histoire. C’est l’heure du choix secondaire.
Choix secondaire
Ce choix secondaire dans le roman de Bernardin de Saint Pierre, c’est celui de la rencontre avec une jeune esclave battue. Que faut-il faire ? Compatir et la laisser suivre son chemin, option A, ou la ramener chez son maître et sermonner ce dernier, option B ? L’auteur ne laisse pas le choix à son lecteur et choisit à sa place l’option B.
On le comprend. Paul et Virginie, les deux héros, sont encore des enfants, mais cette rencontre va les marquer à vie. Ils prennent brusquement conscience des différences de classe et des hypocrisies qui règnent dans une société. Que se serait-il passer s’ils avaient choisi l’option A ?
Le décorum
Le décorum correspond au choix de l’environnement dans lequel se déroule le récit. Il est naturellement déterminé par la géographie et l’époque. Dans « Paul et Virginie », l’histoire a pour cadre l’île Maurice qui s’appelait à l’époque île de France et le milieu dans lequel se développe le récit est celui des planteurs. Les mères des deux enfants, devenus ado, sont favorables aux sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.
Bientôt leur environnement change. La tante d’une des deux mères vient les voir. Elle propose à la mère de Virginie de l’envoyer en France pour parfaire son éducation et, surtout, bénéficier de l’héritage de la tante et de sa famille. D’où un nouveau choix. Virginie doit-elle faire, option A, ou ne pas faire, option B, le voyage en France ?
Evidemment, l’auteur tranche pour le lecteur et il choisit l’option A. Après beaucoup d’hésitations, Virginie finit donc par s’embarquer et disparait de la vie de Paul pendant deux ans. Que ce serait-il passer si l’option B l’avait emporté ?
Choix d’écueil
C’est le choix qui met fin à toute histoire. Celui qui donne ou non une ouverture vers une autre histoire. Dans « Paul et Virginie », Virginie finit par revenir à Port-Saint Louis pour retrouver Paul. Mais, en approchant de l’île de France, son bateau est pris dans une violente tempête et sous les yeux de Paul heurte un rocher et sombre.
Virginie tombe à l’eau, Paul se précipite pour la sauver de la noyade. Virginie embarrassée par ses vêtements n’ose pas les enlever, par pudeur ; on est au 18 ème siècle ; et elle se noie.
On imagine facilement les deux options possibles, option A, elle retire ses vêtements et elle est sauvée par Paul, option B, elle ne le fait pas et se noie. Mais, du point de vue de ce que veut démontrer l’auteur ; le poids des vêtements est une métaphore du poids des conventions sociales ; une fin heureuse est-elle une meilleure fin qu’une fin malheureuse ?
Qu’en pensez-vous ?
Choix du sujet de la narration
On le voit bien avec l’exemple du roman de Bernardin de Saint Pierre, un roman classique est naturellement fondé sur une succession de choix que font les personnages mis en scène par le romancier. Ces choix sont déterminés par ce qu’il veut démontrer, autrement dit, par la morale de l’histoire.
Dans un roman à choix multiples, l’auteur laisse le choix au lecteur entre plusieurs options. Même si le fait de n’avoir pas à choisir parait plus simple, de prime abord, cela se traduit, en réalité, pour l’auteur par un certain nombre de contraintes.
La première est que le sujet de la narration, qui pose souvent un problème à un auteur, est le lecteur lui-même. Ici, le pronom a utiliser est donc le « vous ». Dans « Paul et Virginie », le lecteur est Paul ou Virginie. Comme dans un jeu de rôle et c’est à l’auteur qu’il appartient de poser, d’entrée, les règles du jeu.
Construire une solide arborescence
La seconde contrainte est de construire une solide arborescence, quasi mathématique. Car, quel que soit le chemin emprunté par le lecteur, celui-ci doit rester cohérent, logique, de bout en bout. Ce qui a une double conséquence. Tout d’abord, il est préférable de ne pas multiplier les choix. Plus ils sont nombreux, plus l’arborescence s’étoffe et plus le roman devient labyrinthique. Sans même parler de son épaisseur qui finit par friser le pavé. En tout cas, dans une version print.
Par ailleurs, il convient de bien identifier chacun des chemins possibles et de faire en sorte que chacune des histoires que retrace chacun de ces chemins soit cohérente du début à la fin. Il faut donc que l’auteur ajoute à son travail de correction et de relecture classique, un travail pointilleux de mise au point.
C’est là qu’une bonne maîtrise de logiciels comme Word ou OpenOffice, ou encore d’un logiciel spécifiquement dédié pour écrire un livre peut s’avérer très utile. D’autant qu’à un moment donné, il va falloir transmettre des fichiers correctement formatés à l’imprimerie. Mais, quoi qu’il en soit, le jour n’est pas encore venu où il suffira de programmer une intelligence artificielle pour avoir le livre à choix multiples voulu.
Se lancer dans l’écriture d’un livre à choix multiples
En bref, se lancer dans l’écriture d’un livre à choix multiples constitue une bonne alternative à l’écriture d’un livre classique. Elle est particulièrement bien adaptée aux attentes du marché de l’édition et aux auteurs à l’imagination débordante. Elle suppose, néanmoins, de faire preuve de rigueur dans la construction de l’arbre de choix qui constitue la colonne vertébrale d’un livre à choix multiples.
Enfin comme le rappelle l’influenceur Nii Soce dans sa vidéo, il ne faut pas oublier qu’un livre à choix multiples est d’abord un livre pour s’amuser et qui peut s’écrire pour un seul lecteur. Donc halte aux digressions et aux prises de tête !
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