On aurait pu penser qu’avec le temps la rémunération offerte par les éditeurs traditionnels aux auteurs se serait améliorer. La modernité, les syndicats d’auteurs, la qualité des auteurs, le marché du livre, etc., autant de causes qui pourraient justifier une telle opinion. Eh bien,  pas du tout ! Du moins, si on en croit les résultats du 1er baromètre SGDL-ADAGP, lancé en 2023, à l’occasion du Festival du Livre de Paris. 

Qui sont les répondants du panel analysé par la SGDL et l’ADAGP

Qui sont les répondants du panel analysé par la SGDL et l'ADAGP
Qui sont les répondants du panel analysé par la SGDL et l’ADAGP

Un mot d’abord sur la SGDL et l’ADAGP. 

La SGDL

SGDL pour Société des Gens de Lettres. C’es un syndicat d’auteurs comme il en existe bien d’autres. Par conséquent, il a pour mission de défendre les conditions de travail de ses adhérents. Mais, à la différence de tous les autres syndicats d’auteurs, il est très ancien, ses services aux auteurs sont très étoffés et il ne s’adresse qu’aux auteurs confirmés

L’ADAGP

L’ADAGP n’est pas un syndicat d’auteurs, mais un organisme de gestion collective, un OGC. Il ne concerne que les artistes et la gestion de leur droits d’image. Sa mission et son fonctionnement sont donc différents de ceux d’un syndicat d’auteurs.  

Caractéristiques des répondants au panel du baromètre rémunération SGDL-ADAGP

Evidemment, les caractéristiques des répondants du baromètre rémunération sont en phase avec celles des adhérents aux deux structures, auteurs confirmés d’un côté, artistes, susceptibles de vendre l’image de leurs œuvres, de l’autre. Rien que du beau monde, donc !

Par ailleurs, tout le monde, justement, n’a pas répondu au questionnaire qui leur  a été envoyé. Ils n’ont été, en effet, qu’un peu plus de 1500 à le faire. De plus, pour l’essentiel ce sont les auteurs qui produisent le plus qui l’ont fait. Ce qui est significatif en soi.

Si on prend, par exemple, les auteurs pour lesquels on ne comptabilise qu’une œuvre à compte d’éditeur, ils ne constituent que 6 % du panel. 

A noter enfin que pour la plupart leur denier live publié date de 2022 et qu’il s’agit pour l’essentiel d’un roman ou d’un ouvrage de littérature jeunesse. Ce qui n’empêche pas les poètes de figurer, certes en bas de la liste, mais de représenter quand même 8% des répondants. 

Ce que dit le baromètre sur l’évolution de la rémunération des auteurs 

Eh bien, comme on l’a laissé supposer, ce n’est pas terrible. Froidement, les auteurs de l’enquête précisent, en effet : 

Alors que le secteur de l’édition connaît une croissance prospère, les autrices et les auteurs subissent une détérioration de leurs conditions de rémunération et de leur situation économique. 

Et, ils ajoutent un peu plus loin que ce constat n’est pas très différent de celui dressé, en 2016, par le ministère de la Culture lui-même.

Autrement dit, voilà un beau lièvre de levé qui met l’accent là où ça fait mal, c’est-à-dire sur l’état des relations entre auteurs et éditeurs tel qu’il transparait au travers du contenu des contrats d’édition à compte d’éditeur.

Les différents aspects de la détérioration des conditions de rémunération des auteur à compte d’éditeur

Premier constat, malgré la prospérité du secteur de l’édition, 43 % des répondants – on a vu lesquels – ont du se satisfaire de la diminution de leurs droits d’auteur. Et ce n’est pas tout. 

Car, la pratique de l’à-valoir, qui correspond en quelque sorte à une commande, mais une commande bien particulière, puisqu’éventuellement remboursable, ne cesse de se réduire comme peau de chagrin.  38% des répondants n’ont donc eu aucune proposition de ce type, alors qu’ils n’étaient que 21 % dans ce cas pour ce qui est des conditions du dernier contrat signé. 

Est-ce tout à ce sujet ? Eh bien, non ! En effet, les auteurs chanceux qui parviennent à décrocher un à valoir doivent, en général, se contenter d’un maigre à valoir de 2500 euros. C’est le montant qui correspond à l’a-valoir médian et dont il est certain qu’il ne permet pas de se consacrer pleinement à l’écriture d’un prochain livre. 

Ce qui contraint la plupart des auteurs à écrire comme ils peuvent dans les « marges » que leur laisse leur activité professionnelle première. 

Dernier constat, une majorité écrasante, puisqu’elle correspond à 92,5 % des répondants, fait état d’un taux de rémunération proportionnelle inférieure à 10 %.

Dans ces conditions : 

En 2023, l’observatoire SGDL-ADAGP constate le déséquilibre de la relation contractuelle entre auteurs et éditeur et l’évolution de pratiques professionnels qui accentuent la fragilité économique des autrices et des auteurs du livre.  

CQFD. A a suite de ce constat, une question, bien naturelle, se pose. Pourquoi en est-on arrivé là ? 

Les raisons de la dégradation de la rémunération des auteurs

Sans entrer dans les détails, les raisons les plus souvent mises en avant, notamment par les éditeurs, il faut bien le dire, tournent autour de trois raisons. 

La première est liée au contexte inflationniste. Tout augmente, le prix des pâtes, les taux d’intérêt, de l’essence, du gaz, de l’électricité, etc., et donc celui du papier, des encres, de la fabrication, de la distribution, etc. Rien de plus normal. Aux auteurs dont l’offre est toujours aussi pléthorique de servir de variable d’ajustement.

Autre raison souvent invoquée, le rôle néfaste joué par le marché de l’occasion des livres dont le développement détourne les lecteurs de l’achat de livres neufs. Il serait plus juste de considérer que le développement de ce marché de l’occasion n’est guère plus qu’une réaction de consommateurs s’adaptant à la baisse de leur pouvoir d’achat.

Dernière raison, un peu moins invoquée aujourd’hui, mais quand même toujours là quand il faut, tout ça c’est la faute au covid (Sic).

Ce qu’il faut en retenir 

Au fond, quand on y réfléchit bien, pour une autrice ou un auteur qui se respecte, il y a au moins deux conséquences pratiques à retirer de cette enquête sur la rémunération des auteurs. 

Tout d’abord, il n’y a pas de fétichisme à faire sur le contrat d’édition par rapport aux autres contrats permettant de publier un livre, notamment ceux de l’autoédition.  En tout cas, prétendre qu’en dehors du contrat d’édition il n’y a pas de salut ne peut être aujourd’hui qu’obsolète.

Ce qui ne veut pas dire que tout soit rose en ce qui concerne les autres formules. Il revient, en fait, à chaque auteur de bien peser le pour et le contre pour chacune d’entre elles. Et, le mieux  est sans doute, de ce point de vue, de commencer par apprendre à se servir d’une calculette, si ce savoir fait défaut. 

Autre conséquence pratique, se rapprocher tout simplement d’un syndicat d’auteurs, dont on partage la philosophie et dont les actions se sont révélés efficaces. Tout seul on ne peut pas grand’chose, mais à plusieurs, il arrive qu’on puisse améliorer une situation anormalement dégradée. Surtout quand on s’adresse à une structure qui connaît bien le secteur de l’édition. 

Enfin, si décidément, on répugne à sortir du cadre de l’édition à compte d’éditeur et qu’on n’a nulle envie de se plier à quelque action collective que ce soit, il n’est pas inutile de rechercher alors un bon agent littéraire si on se sent pas de taille à négocier ses droits avec un éditeur. 

Tout plutôt que se laisser abuser par le plaisir d’écrire et celui d’être publié à n’importe quel prix par un éditeur ne donnant en change que son amabilité. Et encore !

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