Il semblerait qu’on ne puisse plus rien écrire ou rien dire sans qu’il y ait une pointe d’humour ou de comique de situation à mettre quelque part. Du moins, si on veut plaire. Car, le tragique « pur » fait peur !

Après tout, la vie quotidienne est bien assez effrayante comme ça. Alors comment rendre un roman plus plaisant, sans changer son intrigue, ni en faire un roman comique à proprement parler. On n’a pas forcément envie d’écrire dans ce registre.

On veut juste être plus attractif. L’exercice n’est pas simple. Il faut savoir trouver le juste équilibre entre l’humour à toute berzingue et l’humour déplacé, ou mal venu.

Celui qui tombe à plat. Que faut-il donc savoir pour passer entre les gouttes et trouver le bon ton ?

 

Les différents types de comique

Comme toujours pour avancer, il faut commencer par faire des distinctions. On distingue donc, en général :

  • Le comique de geste.
  • Le comique de mot.
  • Celui de caractère.
  • Le comique de moeurs.
  • Et, le comique de situation. Celui qui nous intéresse.  

Écartons rapidement le comique de geste. C’est celui du clown Auguste qui balance une tarte à la crème à la figure de son partenaire. On rigole en le voyant, mais pas beaucoup, voire pas du tout, en l’écrivant.

Ou plus exactement, en le décrivant. Normal, c’est le procédé habituel réservé aux pièces de théâtre et aux films comiques. 

 

le comique de geste
Le comique de geste

 

Le comique de mot n’est pas non plus au mieux de sa forme dans un roman. C’est le comique de salon, celui des brillants causeurs. Quand on les écoute, on se trouve intelligent, quand on les lit, on se demande pourquoi.

Les calembours, les sarcasmes, les propos ironiques ne ressortent bien que sous certains éclairages. Qu’on ne trouve que très rarement dans un roman. 

 

Quand on les écoute, on se trouve intelligent, quand on les lit, on se demande pourquoi.
Quand on les écoute, on se trouve intelligent, quand on les lit, on se demande pourquoi.

 

Et le comique de moeurs, alors ? Là, l’idée, c’est de souligner les travers d’une profession ou d’une position sociale en accentuant ses traits. Le fait est que ça peut le faire.

Mais, à condition d’écrire un roman de moeurs ! Autrement dit, un roman de société ! On voit, d’emblée, les difficultés que ça peut présenter.

N’est pas Flaubert qui veut et son Bouvard et Pécuchet n’a guère d’équivalents.

 

Bouvard et Pecuchet
Bouvard et Pécuchet

 

Bon, ne reste plus que le comique de caractère avant de s’attaquer au comique de situation. Le comique de caractère, c’est celui, pour faire court, des personnages à idées fixes. Pas facile à manier. Tant ça peut, aussi, être tragique et pas franchement drôle.

 

Le génie de la bêtise
Le génie de la bêtise

 

Définition du comique de situation 

C’est le comique qui peut convenir à tous les auteurs. Quel que soit le genre que l’on affectionne. Là, ce qui compte, c’est la situation.

Elle devient comique du simple fait qu’elle surprend le lecteur. Celui-ci s’attend à un certain ordre des choses et puis, patatras, c’est quelque chose d’autre que lui propose l’auteur.

Et quand on dit ça, on pense immédiatement à des auteurs de théâtre comme Molière, Marivaux ou Beaumarchais, à leurs pièces « ânonnées » au lycée, les Fourberies de Scapin, le Malade imaginaire, Tartuffe, l’Avare ou l’Île aux esclaves, et un peu moins rapidement, à Yamina Reza et sa comédie noire, « Le Dieu du Carnage« . 

 

Définition du comique de situation 
Définition du comique de situation

 

Oui, mais voilà, pour certains critiques, il n’y aurait d’ailleurs que deux grandes catégories de procédés comiques. Le comique de situation et le comique verbal. Car, tous les autres types de comiques précédemment décrits, et autres que le comique de situation, peuvent être classés dans la catégorie de comique verbal. Exit, le théâtre !

Prenons l’exemple de Roy Lewis et de son roman « Pourquoi j’ai mangé mon père ». Le récit se déroule à l’époque préhistorique. Le lecteur croit, dans un premier temps, qu’il va assister à une grande fresque à base d’hommes des cavernes et de bêtes sauvages, comme celle mise en scène par Jean-Jacques Annaud dans son film « La guerre du feu », réalisé en 1981. 

Eh bien, pas du tout. Et c’est ce qui fait la force comique du roman de Roy Lewis. Car, en fait, ses hommes préhistoriques ressemblent étrangement aux hommes contemporains. On y trouve des ingrats, des jaloux, des rétrogrades, etc.

Seul le cadre historique change. Un peu à la manière de la série d’animation télévisée où s’agitent, de façon très moderne, les membres de la famille Pierrafeu

 

Autrement dit, ce qui crée le comique de situation, c’est une rupture inattendue dans le déroulement d’un récit. Sans l’impliquer entièrement, comme dans le roman de Roy Lewis, cette rupture peut être le fait seulement d’un quiproquo, d’une rencontre déconcertante, d’un évènement surprenant, d’une méprise, d’une erreur d’interprétation, etc.

Bref, on croit s’adresser, par exemple, à quelqu’un de connu et c’est, en fait, quelqu’un d’autre.

 

Comment fonctionne le comique de situation dans un roman 

Le comique de situation a nécessairement recours à des procédés comiques et comme chacun sait désormais : 

Un procédé comique est une astuce utilisée par un auteur pour nous faire rire. 

Alors, concrètement, quels sont les procédés comiques utilisables pour créer un comique de situation ? Pour répondre à cette question, on peut, entre autres :

Adopter un rythme ternaire

Pas d’effet comique sans rythme. C’est une des premières choses à avoir à l’esprit quand on veut faire rire. Pour un auteur cela se traduit notamment par l’adoption d’un rythme ternaire, c’est-à-dire par l’expression de deux idées cohérentes, liées entre elles, suivies d’une troisième complètement divergente. Incongrue, même.

Pour renforcer l’effet comique de l’incongruité, certains spécialistes affirment que le choix de mots avec des sonorités en « ke » ou « gue » serait particulièrement efficace. Cela ne coûte rien d’essayer !

 

Changer de perspectives

C’est le propre des duos comiques. Laurel et Hardy, Bouvard et Pécuchet, Don Quichotte et Sancho Panza, chacun de ces duos incarne l’opposition entre deux façons d’agir et de voir le monde. Souvent, l’opposition repose sur celle classique de l’idéalisme et de l’esprit pratique. C’est bien de courir « sus aux moulins », mais c’est bien aussi de savoir « quand est-ce qu’on mange ? ».

Indépendamment des duos comiques, le changement d’angle se traduit plus particulièrement par des retournements de situation, des rebondissements ou encore des personnages soudainement pris au dépourvu. 

 

Don Quichotte et Sancho Panza
Don Quichotte et Sancho Panza

 

Faire preuve d’un peu de férocité

Ce n’est pas très gentil, mais le fait est que rire de quelqu’un, c’est toujours à son détriment. Comme l’a écrit Henri Bergson dans son livre intitulé justement « Le rire » :

Le comique exige pour produire son effet quelque chose comme une anesthésie du coeur. Il s’adresse à l’intelligence pure. 

Autrement dit, le rire n’est finalement justifié que s’il est aussi l’occasion de faire percevoir quelque chose de nouveau et de prometteur. Sinon, il n’est que pure sécheresse ou méchanceté et devient rapidement ennuyeux. Cet aspect est bien développé par l’analyse critique menée par Ansgar Thiele dans son article intitulé « L’émergence de l’individu dans le roman comique« . Comme point de départ de son analyse, il fait le même constat que Bergson et il écrit de même que : 

Le comique annule la sensibilité due aux individus. Il crée une distanciation. 

 

Et pour finir, Aloysius Chabossot, auteur de « Fallait pas l’inviter », ouvrage qui a rencontré un certain succès, déclare de son côté que :

C’est le but de la comédie, que ça grince et que ça saigne un petit peu.

 

Apprendre le comique de situation

Finalement, faire du comique dans un roman, ce n’est peut-être pas si facile que ça. Effectivement, on aurait tort d’opposer le genre « tragique » au genre « comique » et de déclarer l’un, sérieux, et l’autre, pas. C’est un de ces lieux communs qui aident certes à lancer une conversation quand on manque d’idées, mais qui ne vaut que parce qu’on ne s’y arrête pas. En réalité, produire un effet comique demande beaucoup de travail.

Faire rire exige beaucoup d’efforts et d’esprit, un sens aigu du récit et de la description.

Dit ainsi un observateur aussi avisé que Fabien Dabert.

Lire des auteurs comiques et des ouvrages spécialisés

Et, pour s’en rendre compte, il suffit de lire un bon « romcom » ou un de ces ouvrages techniques décrivant les différents procédés comiques en long et en large. Pour ce qui est des romcoms, on peut lire avec profit des livres tels que, par exemple :

  • Le petit Nicolas, de Sempé et Goscinny, sur le monde des adultes vu par des yeux d’enfants.
  • Mon chien stupide, de John Fante, sur la crise existentielle d’un auteur quinquagénaire.
  • Le journal de Bridget Jones, sur la difficulté d’être femme.
  • Les aventures du brave soldat Svejk, de Jaroslav Hasek, sur l’absurdité bureaucratique.
  • La conjuration des imbéciles, de John Kennedy Tool, sur les obsessions de la société américaine.
  • Et, bien d’autres …

On peut aussi, bien sûr, se plonger dans la lecture de l’un des ouvrages récompensés par le Grand Prix de l’humour noir Xavier-Forneret, dont le premier a été décerné en 1954. 

Et, si on veut de la technique, on peut aussi lire avec profit des ouvrages tels que :

 

S’inscrire dans une école ou un cours de formation à l’humour

On y pense rarement, mais l’humour, ça s’apprend aussi. C’est sans doute là une des raisons à la multiplication des one-man-show humoristiques de ces dernières années. Même si les écoles spécialisées sont plutôt centrées sur la formation au spectacle et au numéro d’acteur, elles font pratiquement toutes, aussi, la part belle à l’écriture, notamment, de sketchs et de scénarios. 

 

S'inscrire dans une école ou un cours de formation à l'humour
S’inscrire dans une école ou un cours de formation à l’humour

 

L’une d’entre elles, l’Ecole Nationale de l’Humour (ENH), basée à Montréal, au Québec, est très fière de rappeler qu’elle a formé plusieurs générations d’humoristes, dont certains sont aujourd’hui en haut de l’affiche. Succès qui n’est sans doute pas pour rien dans le partenariat noué avec Netflix, grâce auquel une bourse de 35 000 $ récompense chaque année, 5 lauréats, auteurs de projets télé ou de comédies de fiction, sélectionnés par le fonds ENH-Netflix. Un « boulevard », évidemment, pour faire partie des scénaristes privilégiés du géant du streaming. 

Moins glamour, reste toujours, quoi qu’il en soit, si on veut se former à l’écriture comique, les valeurs sûres que représentent, tout simplement, les ateliers d’écriture.

Et, si on est attteint d’une irrépressible procrastination, on peut se contenter d’assister à l’un des nombreux festivals de l’humour de France, de Navarre et d’ailleurs. Ils ont même une Fédération, la Fédération des Festivals de l’Humour, la FFH ! Enfin ; quand d’imprévisibles circonstances ne les empêchent pas de se produire et qu’on a encore la force de s’y rendre.

 

Commencer par l’écriture d’une nouvelle ou d’un scénario humoristique

Cela dit, avant d’escalader l’Everest, il est conseillé de s’entraîner à escalader des sommets moins vertigineux. Et ce n’est pas en dévaloriser le genre que de dire qu’on prend moins de risque à écrire une nouvelle humoristique qu’à se lancer dans l’écriture d’un romcom ou même qu’à « truffer » le roman-de-sa-vie, celui auquel on pense depuis des années, de rebondissements qui vont tomber à plat de manière lamentable.

 

Noter des anecdotes 

Voilà qui ne paie pas de mine. Alors que c’est justement une mine inépuisable. Ah, bon ? On a ça ? Mais, c’est quoi au juste ?

Mais, vos propres anecdotes quotidiennes, bien sûr ! Celles qui vous font rire.

Empressez-vous de les noter sur votre « petit carnet rouge ». Donnez-en les circonstances. Ecrivez-en les dialogues ou les remarques. Si vous ne le faites pas dans l’instant, ou peu de temps après les avoir vécues, il y a de fortes chances pour qu’il ne vous en reste plus qu’une vague écume. Avouez que ce serait bien dommage.

 

Le comique de situation, quelque chose de sérieux

Bref, le comique, c’est sérieux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, mettre du comique de situation dans un roman, par exemple, ça ne vient pas tout seul. Cela se travaille.

Il faut d’abord commencer par savoir de quoi on parle. Il y a comique et comique. Un comique de geste est difficile à transposer dans un roman.

Les mimiques de Louis de Funès ne fonctionnent à plein régime que lorsqu’on les voit. Dans un roman, mieux vaut donc s’en tenir à un comique de situation. 

Ce qui suppose qu’on ait une idée, bien évidemment, de la manière dont ce comique de situation fonctionne. Pour cela, on peut lire des choses, notamment, les livres des auteurs passés maîtres dans ce domaine. On peut aussi lire des livres qui disent tout sûr l’art et la manière d’être un auteur comique, ou encore s’inscrire dans une formation ad hoc, ou encore plus simplement, se munir d’un petit carnet rouge, ou d’une autre couleur, pour y noter tout ce qu’on trouve de drôle dans la vie quotidienne.

Et pourquoi ne pas autoéditer son petit carnet rouge ? C’est facile et ça peut être très amusant ! 

Enfin, de toute façon, juste pendant du sérieux, pour réussir à mettre du bon comique de situation dans un roman, il faut prendre le temps d’y travailler. Etrangement, le comique, ça ne s’improvise pas.

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