Tous les écrivains atteints du « writer’s block », autrement dit, du syndrome de la page blanche ne peuvent qu’attendre la réponse à cette question. Comme si elle était le Graal de leur vie, en général naissante, d’écrivain et espérer qu’elle soit positive. Parce qu’enfin trouver une intrigue qui tienne la route, c’est loin d’être commode.

Et force est de constater qu’après quelques essais, 90 % des écrivains finissent par buter sur le jugement de leur intime trébuchet pour qui ces essais sont définitivement sans intérêt. En vérité, c’est à partir de là que tout commence et qu’il est temps de s’intéresser aux méthodologies qui font une bonne intrigue. D’autant qu’elles ne sont pas si compliquées que ça et qu’on peut même les envoyer balader ! En tout cas, prendre un peu de temps pour y réfléchir aide nettement se relancer.

Ou tout bonnement, à se lancer. Dans quoi ? Dans l’écriture de son roman, bien sûr !

Qu’est-ce qu’une intrigue de roman ?

D’abord, c’est quoi une intrigue ? Pour faire savant, on peut dire que le mot intrigue vient du mot latin intricare. Lequel signifie embarrasser, compliquer, bref, quelque chose de pas cool. Ce qui, appliqué au roman, donne la définition suivante, parmi bien d’autres :

L’intrigue d’un récit est l’enchaînement des évènements qui forment le noeud de l’action. 

Est-ce suffisant pour bien faire ? Il y a là de quoi être plus qu’intrigué par l’intrigue ! La juxtaposition des deux mots « intrigué » et « intrigue » est une bonne indication de ce que le thème peut avoir de complexe sous son apparente simplicité.

C’est pourquoi certains auteurs utilisent l’image du Domino Day pour l’expliquer et l’illustrer. Rien de plus simple, en effet, que la chute en série de dominos. Mais aussi rien de plus compliqué pour l’organiser et en faire un évènement remarquable.

Le montage des chutes en série qui participent au championnat du monde du Domino Day qui a lieu chaque année à Leeuwarden aux Pays-Bas mobilise une centaine de bénévoles pendant deux à trois mois. 

Un des derniers records enregistrés a nécessité l’installation de 4 800 000 dominos ! 

En bref, une intrigue de roman, c’est un enchaînement de péripéties dont chacune correspond à un domino, dont la chute entraîne mécaniquement celle d’un autre et dont la chute de tous ceux qui ont été installés forme un tableau d’ensemble. Simple, non ?

 

L’art de composer une intrigue 

Choisir une situation ou un ressort dramatique

Si l’image d’un Domino Day illustre bien ce qu’est le principe d’une intrigue, il n’en reste pas moins qu’il est utile d’y ajouter deux ou trois idées-clefs. 

La première idée-clef est liée à sa « coloration ». Autre façon de dire qu’il y a différents types d’intrigue ou thème et qu’on peut en combiner plusieurs. Ce sont les couleurs, les tableaux ou les machineries d’un Domino Day. Si on préfère, on peut aussi s’inspirer du « chemin de fer » d’un catalogue de déco, par exemple. 

Georges Polti, un écrivain français, né aux États-Unis en 1867 et mort à Paris en 1946, a écrit un ouvrage très éclairant à ce sujet, intitulé : Les trente-six situations dramatiques. En l’écrivant, il devait penser aux 36 chandelles proverbiales !

 

Georges Polti
Georges Polti

 

De quoi aider n’importe quel auteur à faire son choix entre, par exemple, un roman basé sur la vengeance, la justice, le sacrifice, la fuite, la conquête ou encore l’un ou l’autre des 36 ressorts narratifs identifiés, de manière exhaustive, par Georges Polti.

 

Veiller à la cohérence et au nombre des péripéties

Chaque domino qui tombe doit nécessairement entraîner la chute d’un autre. Si l’un d’entre eux est mal placé, tout s’arrête ! Ce qui revient à dire que chaque scène d’un roman correspond à un domino et qu’il faut installer suffisamment de dominos, et donc écrire suffisamment de scènes, pour capter et retenir l’attention du lecteur.

De cette analogie découlent deux impératifs. Le premier, c’est qu’une scène doit succéder à la précédente de manière logique et vraisemblable. Ce qui revient à dire qu’un personnage ne peut pas, par exemple, passer d’une scène à l’autre sans tenir compte des conditions de temps, de lieu et d’action qui s’imposent à lui. Lesquelles constituent, d’ailleurs, les règles de base du théâtre classique

 

Veiller à la cohérence et au nombre des péripéties
Veiller à la cohérence et au nombre des péripéties

 

L’autre impératif à respecter est celui d’un nombre d’évènements et donc de personnages suffisant pour alimenter le récit. Il est évident qu’un récit avec seulement deux ou trois personnages, dans un univers clos, est plus difficile à animer qu’un récit avec, au moins, le double de personnages et de lieux. À noter, de plus, que la part des ratiocinations de chacun des personnages est inversement proportionnelle à leur nombre.

 

Recourir à un logiciel d’écriture

Bon. On l’admet. Tout ça peut paraître un brin contraignant. Suffisamment, en tout cas, pour perdre l’envie d’écrire. Mais, qu’on se rassure, il y a un moyen d’y remédier. C’est de recourir à un bon logiciel d’écriture. Ce n’est pas ce qui manque. Citons, par exemple, le bien nommé « Plot Generator » ou le générateur d’histoire semi-automatique, The Right Choice. Tout un programme ! 

 

Recourir à un logiciel d'écriture
Recourir à un logiciel d’écriture

 

Mais, il ne faut pas s’attendre à ce que le générateur d’histoire remplace l’auteur. Il n’est là que pour proposer des situations et des enchaînements. Ce qui est loin de faire un récit.

Le logiciel capable de remplacer un auteur n’est pas encore né. Cela dit, il y a quelque chose d’intéressant dans les fonctionnalités offertes, c’est de pouvoir dire « Yes » or « Not ». Et, indiscutablement, ça constitue un bon début pour aligner des phrases. 

Sauf qu’aligner des phrases, ce n’est pas écrire un roman. Un roman qui se tienne, bien sûr. Peut-être alors l’incapacité à trouver l’intrigue qui va bien, vient-elle d’un problème de style non résolu.

Peut-être que cette impossibilité résulte-t-elle tout simplement d’une envie latente d’écrire un roman sans intrigue. Car, oui, un roman sans intrigue, ça existe, c’est ce qu’on appelle le Nouveau Roman.

 

Cas de l’intrigue minimaliste 

Intrigue minimaliste pour ne pas dire absence d’intrigue. C’est le pari osé et gagné, ils ont reçu de nombreux prix, de tous les auteurs entrant dans la catégorie Nouveau roman. Catégorie théorisée, au début des années 60, par Alain Robbe-Grillet dans son livre « Pour un nouveau roman ». 

Les principes y sont clairs. Il n’y en a pas. C’est l’application du slogan « Il est interdit d’interdire » avant la lettre et en avance sur son temps.

Que faut-il faire pour être auteur de Nouveau roman ? De quoi plaire aux auteurs en panne d’histoire et d’inspiration, à coup sûr !

 

MAI 68
Mai 68

 

Et ce que réfuteraient, de manière outrée, les auteurs historiques du nouveau roman comme Alain Robbe-Grillet, Georges Pérec, Nathalie Sarraute ou Claude Simon, s’ils étaient encore en vie. 

Donc le néo-romancier se distingue du romancier traditionnel, dont le modèle éclatant est le romancier du grand siècle romanesque, c’est-à-dire le XIXème siècle, par notamment un triple rejet :

Bref, dans le nouveau roman, les personnages, le narrateur, l’intrigue, sont remplacés par l’écriture elle-même qui doit pouvoir suivre son cours de manière indépendante et sans plan préconçu. La liberté totale !

Et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, avec son parti pris de déconstruction romanesque systématique, l’expérience menée par les auteurs du nouveau roman est loin d’être sans postérité et vouée à se perdre dans les poubelles de l’histoire littéraire.

La preuve que le roman déconstruit, non seulement, ça marche, mais, ça court !

 

Que faut-il retenir ?

On peut donc écrire un roman sans chercher nécessairement à ce qu’il ait une intrigue. C’est ce qu’on appelle faire du Nouveau roman. Cependant, si ça parait simple de se laisser aller au gré de ses sensations et impressions pour écrire quelque chose, à l’arrivée, il n’est pas sûr qu’il y ait un lectorat autre que soi-même. Et encore ! 

Par conséquent, si l’idée est bien d’écrire un roman, mieux vaut s’entourer de quelques garde-fous. Et là, il faut bien le dire, l’image d’un Domino Day, avec tous ces dominos qui tombent les uns après les autres de manière inexorable, se révèle plutôt utile. Car, c’est bien comme ça que fonctionne un bon roman. Un page turner comme on dit. 

Mais, si on veut en savoir plus sur les théories en cours, on peut toujours se référer à des ouvrages comme les trois suivants : 

Et enfin, quoi qu’il en soit, ne pas oublier que le secret de toute écriture est d’écrire avec la volonté d’imprimer son livre et de publier ce qu’on a écrit.

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