Tout auteur qui s’est trouvé un jour bloqué devant une page blanche et à ne savoir par où commencer pour la remplir, s’est pris à rêver aux super logiciels d’écriture censés l’aider à passer outre. Quoi de plus déprimant que d’avoir une foule d’idées, d’être certain de porter en soi un livre qui fera date, en tout cas, attendu par un grand nombre de lecteurs ; on en a l’intuition, ceux qui nous aiment y croient dur comme fer ; et de ne pouvoir lui donner corps ? 

Alors, qu’est-ce qui manque ? Mais, le bon logiciel, bien sûr ! Celui qui va écrire tout seul ce fichu livre.

Il n’y a qu’à se poster devant son écran d’ordi et à se laisser aller. Et là, surprise ! On parle, dans n’importe quel ordre et hop, enregistrer fichier, puis imprimer, et le livre apparait. Tout chaud, tout beau, prêt à être édité. On peut toujours rêver.

 

A quoi sert un logiciel d’écriture interactive ?

Ce qu’un logiciel d’écriture interactive ne peut pas faire

On l’aura compris avec cette brève introduction, les logiciels d’écriture interactive ne peuvent pas remplacer le travail de l’écrivain. Et quelles que soient les prétentions de ses concepteurs, il ne le pourra jamais. Ni dans un futur proche, ni même lointain. Pour des raisons conceptuelles.

Quasi existentielles, même. Sauf à confondre texte basique et texte d’auteur. Or, ce n’est évidemment pas la même chose.

Pour ne prendre que cet exemple, un assistant vocal, même sophistiqué, ne remplacera jamais une vraie assistante commerciale. Idem pour les traductions automatisées de textes en langue étrangère. Se contenter de ces traductions est du plus haut comique.

Ce que véhicule, implicitement et subtilement, une langue sera toujours inaccessible à une intelligence artificielle. Deep learning, ou pas.

 

L’exemple de Proust

Longtemps je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « je m’endors. » Et une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler la lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François 1er et de Charles Quint.

 

Marcel Proust
Marcel Proust

 

C’est par ces trois phrases que commence et prend son envol un des monuments de la littérature française, « A la recherche du temps perdu », de Marcel Proust. Evidemment, tout auteur peut se dire qu’il n’ambitionne pas de devenir un nouveau Marcel Proust. Mais, pour faire une analogie, imagine-t-on que l’apprenti joueur de tennis qui rêve d’être un champion ne cherche pas à imiter, au moins inconsciemment, Roger Federer ou Rafael Nadal ?

 

Ce que peuvent faire des logiciels d’écriture interactive

Faire face à l’infobésité

De l’ordre et encore de l’ordre. C’est ce qu’ont d’abord à offrir tous les logiciels d’écriture interactive. Le fait est que, quoi qu’on soit amené à écrire, on a tôt fait de crouler sous la masse des informations. Nous sommes à l’ère de l’infobésité ou de la surcharge informationnelle.

On veut écrire un roman de pure fiction. Très bien. Mais les personnages, leurs modes de pensée, leur environnement, social, géographique, historique, vont nécessiter une multitude de recherches.

Sans même parler des recherches propres à la rédaction, de manière professionnelle, d’ouvrages comme des mémoires ou des biographies fait par des biographes .

 

Faire face à l'infobésité
Faire face à l’infobésité

 

Et comme Internet permet d’accéder de chez soi à une multitude de sources, naturellement, les fiches et les dossiers ne vont pas tarder à s’empiler de façon monstrueuse. Et, ces informations vont, en plus, s’ajouter à toutes les autres info reçues dans un même laps de temps. C’est ça, l’infobésité. Une montagne d’informations difficile à gérer.

 

L’infobésité est une évidence et elle nous touche tous

Or qui dit gestion, dit logiciels. En deux, trois mouvements, ils aident à classer, à indexer, à structurer, à corriger cette masse d’informations. Et, là, il n’y a pas photo. Leur aide est réelle quand on veut écrire un livre sans se noyer dans les infos qu’il demande et celles de tous les jours.

 

Faciliter la rédaction d’un livre à choix multiples

Les livres à choix multiples sont en plein essor. Ils laissent leurs lecteurs libres de choisir le déroulement des évènements qui y sont racontés et de leur fin. Ils répondent à la question du lecteur qui se demande toujours, par exemple, dans une romance, qu’est-ce-qui se serait passé, si au lieu d’avoir un accident sur la route qui l’amène chez l’amour de sa vie, l’héroïne était arrivée chez lui sans encombre.

Il n’y aurait plus eu d’histoire ? 

Eh, non !  Car, c’est toute l’habileté de l’écrivain de livres à choix multiples que de proposer, à ce moment-là, des choix qui, d’une manière ou d’une autre, aboutiront à la même question : qu’est-ce qui ce serait passé si… 

D’évidence, pour ce genre de livre, non seulement l’appui d’un logiciel est réel, mais cet appui est indispensable. Il en est en quelque sorte le gardien du temple. Autrement dit, de la cohérence.

Car le risque quand on écrit un livre à choix multiples, c’est de finir par y perdre son latin au fur et à mesure que se déroulent l’intrigue et tous ses hypothétiques méandres. 

 

Cinq logiciels d’écriture interactive qui peuvent être utiles

Donc, un logiciel d’écriture interactive est utile dès lors qu’on ne s’imagine pas qu’il va écrire un bestseller à sa place. Insistons. Ce n’est pas parce que des ordinateurs arrivent à battre des champions d’échec ou de go, ou que d’aimables hôtesses répondent aux bonnes questions via des chatbots, qu’une intelligence artificielle va être bientôt prête à écrire un roman lisible.

Ni même, enfonçons le clou, à écrire un scénario original de film ou de jeu. 

Par suite, les logiciels d’écriture interactive ne sont que des logiciels permettant à l’auteur, de manière interactive, si on veut, de mieux visualiser la structure de ce qu’il écrit et de l’enrichir avec des infos qu’il aurait peut-être, sans cela, laissé de côté.

 

Aurora
Aurora. Kim Stanley

 

On est bien loin de l’I.A. du vaisseau spatial Aurora, titre du livre de science-fiction écrit par Kim Stanley Robinson, filant vers Tau Ceti e en 2545 et à qui l’ingénieure en chef, Devi, demande de rédiger le journal de bord à partir de tous les évènements qu’elle a enregistrés. Ce qui lui pose de gros problèmes de sens. En effet, comment peut-elle distinguer l’accessoire, de l’essentiel, et arriver à rédiger quelque chose qui fait sens ? 

Partant de là, les logiciels d’écriture qui sont proposés, aujourd’hui, se différencient, principalement, par leur offre en matière de classement des données et de visualisation de celles-ci.

 

Logiciel d’écriture Twine

 

Logo twine
Logo twine

 

Twine, par exemple, est bien utile pour créer des scénarios de jeux. Crée par Chris Klimas, il se définit comme un outil de création de jeux hypertextuels sous forme de pages web. Il fournit, notamment, une représentation visuelle de la structure hypertexte à l’aide d’une node map.

Sa prise en mains est relativement facile et n’est sans doute pas étrangère à la prolifération actuelle de petits jeux personnels.

 

Logiciel d’écriture interactive MindNode

 

Logo Mindnode
Logo Mindnode

 

Dans le même genre que Twine, on peut citer MindNode qui en est à sa septième version. Basé sur la gestion mentale, il présente l’avantage de pouvoir créer des cartes heuristiques à partir de toutes les idées réunies autour d’un thème principal.

 

 

 

Autour du thème, par exemple, « le tour du monde à vélo », on peut visualiser plusieurs sous-dossiers avec leurs liens internes concernant les compagnons de voyage, le livre et ses caractéristiques, les raisons de le faire, les moyens utilisés, et la liste des tâches à faire. 

 

Logiciel d’écriture Post it plus

 

Post it plus
Post it plus

 

Le logiciel Post it plus fait inévitablement pensé à MindNode. Il permet de numériser les fameux petits bouts de papier jaune que l’on colle sur un paper board lors d’une séance de brainstorming. Le fait est que c’est toujours un problème de savoir quoi faire de ces petits bouts de papier une fois la séance terminée.

Aucun participant n’a envie, à ce moment-là, de s’atteler à la difficile tâche d’en faire une synthèse.

Plus la peine de s’en inquiéter. Post it plus se charge de tout. La numérisation peut se faire à partir de n’importe quel smartphone.

Une fois cela fait, on peut faire tous les regroupements possibles et imaginables, les compléter et les partager. Par suite, c’est un très bon outil de travail collaboratif. Bien commode quand on veut écrire un livre à deux ou, comme on dit, quand on veut écrire un livre à quatre mains.

 

Logiciel d’écriture Evernote

 

Logo Evernote
Logo Evernote

 

Avec le logiciel Evernote, on entre dans la catégorie secrétariat et organisateur de tâches. Rien ne s’oublie, tout est noté et indexé. Quel que soit le format adopté : vidéo, photo, dessins, notes ou mémos.

Cela dit, évidemment, si le logiciel est très performant pour classer et faire vivre les infos collectées, il ne va pas particulièrement aider à faire jaillir la lumière si celle-ci n’existe pas déjà. Autrement dit, mieux vaut avoir une idée de ce qu’on veut faire quand on organise et donc hiérarchise, ses différentes notes.

 

Traitement de texte Word

 

Traitement de texte Word
Traitement de texte Word

 

Et pourquoi pas tout simplement mieux utiliser son bon vieux Word si on travaille sur PC dans un environnement Windows. Après tout, on y trouve tous les formats voulus et les fonctionnalités y sont très nombreuses, y compris un correcteur d’orthographe ! Basique certes, à côté des logiciels de correction, mais c’est mieux que rien. Cependant, comme pour Evernote, Word ne va pas écrire de livre tout seul.

Et l’écran blanc risque de rester désespérément blanc comme une page blanche, faute d’idées à y développer. 

 

En ne citant que 5 logiciels d’écriture interactive, on a bien conscience de pouvoir susciter l’ire des spécialistes. Ceux-ci ne manqueront pas de rappeler et de souligner que l’on peut faire aussi un tas de choses dans ce domaine avec Pinterest ; Eh oui ; OneNote, Moodboard, Celtx ou encore Scrivener. Et bien d’autres

 

Les logiciels d’écriture interactive, en bref

Soyons clair. Un logiciel d’écriture interactive ne permet pas d’écrire un super livre à la place d’un auteur avec son papier et son crayon. Pour une raison simple. Derrière un logiciel, il y a des concepteurs.  Certes, on a compris. Faire un livre dans ces conditions, c’est partir des présupposés des concepteurs.

Oui, mais, il y a le deep learning ! L’intelligence artificielle qui apprend de ses expériences ! De ses expériences moyennes, sûrement, et le résultat, à coup sûr, ne peut être qu’un résultat moyen ou un énième roman tout pareil à d’autres. 

Bref, sans préjuger de l’avenir, le principal intérêt, à l’heure actuelle, d’un logiciel d’écriture interactive est soit de stimuler une imagination paresseuse, soit de mettre de l’ordre, à l’inverse, dans le produit d’une imagination débordante. 

Et au final, la meilleure façon de se lancer dans l’écriture, c’est d’écrire. Un bon cahier à spirale et un crayon suffisent pour cela. A défaut d’avoir un bon ordi. 

Et de se donner pour objectif de l’auto-éditer, c’est-à-dire de faire imprimer son livre, pour avoir le plaisir de le tenir entre ses mains. Sans s’occuper du reste. Les éditeurs, les lecteurs, le marché, la technique, les logiciels, etc. Ou seulement plus tard. Si on veut plus et qu’on est prêt à mettre en oeuvre une stratégie pour trouver les moyens de fiancement appropriés. Beaucoup plus tard.

1 comment

  1. Par curiosité intellectuelle, je me suis informé des capacités des différents logiciels. Ces logiciels ne doivent pas nous priver du plaisir d’écrire. Peut-être peuvent-ils nous apporter une aide pour classer nos idées, développer un plan. Mais à nous, dans le secret de notre laboratoire, d’inventer de nouveaux de mondes, d’imaginer des postures cocasses.

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