Depuis plusieurs mois, ça va mal pour Netflix, le leader mondial de la vidéo en streaming. La plateforme ne cesse de perdre des abonnés. Dur, dur, quand on s’est habitué à ce que leur nombre augmente chaque année avec la régularité d’une horloge. Beaucoup de raisons sont invoquées pour expliquer le phénomène. Mais, bien peu s’attardent sur celles liées à la qualité et à la nature de la programmation. Or, c’est bien là que le bât peut blesser. Et c’est, sans nul doute, à partir de là qu’on peut en tirer des enseignements pour l’écriture d’un roman.
Ceux-ci peuvent s’avérer déterminants quand on veut vivre de sa plume. Faut-il notamment suivre les conclusions des savantes études universitaires qui incitent, plus ou moins explicitement, les auteurs à choisir un schéma narratif en phase avec le monde dans lequel ils vivent ? Or, il se pourrait bien que c’est pour avoir, justement, trop bien suivi cette voie que Netflix est désormais confrontée à la baisse du nombre de ses abonnés. De fait, il appartient aux auteurs à être surtout en phase avec leurs propres objectifs.
C’est quoi pour un créateur être en phase avec le monde dans lequel il vit ?
Caractéristiques de l’étude de l’USC
Une étude menée récemment par la Viterbi School of Engineering de l’Université de la Californie du Sud (USC) répond, sans ambiguïté, à cette question. Cette étude a été lancée sous le direction de Mayani Kejriwal.
Cette étude a utilisé une intelligence artificielle spécialisée dans la reconnaissance d’entités nommées (NER) et utilisant des mécanismes de deep learning. Autrement dit, le logiciel auquel a eu recours l’équipe de recherche de Mayani Kejriwal lui a permis de quantifier un certain nombre d’occurrences dans près de 3000 livres de littérature anglophone.
Ces occurrences ont été prédéfinies selon un protocole sélectionnant, notamment, les pronoms et les personnages. Par ailleurs, les livres analysés par l’I.A, s’ils appartiennent tous à la littérature anglophone, se répartissent néanmoins entre différents genres et styles tels que l’aventure, la science-fiction, le mystère, la romance, la nouvelle ou la poésie.
Bref, un panel relativement complet et significatif.
Résultats de l’étude USC
Les trois constats de l’étude USC
Le premier constat que révèle l’étude USC, c’est que :
Il y aurait quatre fois plus de personnages masculins que féminins dans la littérature.
Mais, surtout, un deuxième constat fait ressortir que le traitement entre personnages féminins et personnages masculins diffère sensiblement. Ainsi, les attributs accolés aux personnages féminins sont, en général, des qualificatifs tels que « faible », « aimable », « joli », et parfois, « stupide ». Alors que la même recherche de concordances pour les personnages masculins fait ressortir des qualificatifs ou des attributs tels que « autorité », « pouvoir », « force » ou « politique ».
Ils soulignent, enfin, dans un troisième constat, les difficultés techniques propres à l’I.A, à laquelle ils ont eu recours, pour discriminer avec exactitude ce qui relève de l’un ou l’autre genre. En particulier, quand les auteurs emploient le pronom « ils » ou quand ils font référence à un genre non dichotomique tel que le transgenre.
Les deux conclusions de l’étude USC
De ces trois constats, les chercheurs tirent deux conclusions. La première, c’est que, comme ils le disent :
Les préjugés sexistes sont bien réels, et quand on voit quatre fois moins de femmes dans la littérature, cela a un impact subliminal sur les personnes qui consomment ces biens culturels. Nous avons quantitativement révélé une manière indirecte dont les préjugés persistent dans la culture.
Partant de là, ils tirent une deuxième conclusion qui exprime leur point de vue sur ce que sont les livres :
Les livres sont une fenêtre sur le passé, et l’écriture de ces auteurs nous donne un aperçu de la façon dont les gens perçoivent le monde et comment il a changé.
La recommandation des auteurs de l’étude USC
Dans ces conditions, et selon le point de vue utilitariste qui est le leur, les auteurs de l’étude USC estiment que :
Notre étude nous montre que le monde réel est complexe.
Et que, par suite, :
Il y a des avantages à ce que différents groupes de notre société participent à la production culturelle. Cela permet d’obtenir une vision plus réaliste de la société.
Autrement dit, faut-il que les auteurs, qui participent indéniablement à la production culturelle, intègrent dans leur processus créatif la nécessité de transmettre « une vision plus réaliste de la société », fondée sur la neutralisation de ses préjugés subliminaux ?
Une partie de la réponse à cette question se trouve dans la manière dont Netflix, producteur de biens culturels, s’il en est, s’est efforcée de « coller » au plus près des attentes et des aspirations de ses abonnés.
Données de base sur la ligne éditoriale de Netflix
Avant d’aborder les raisons qui expliquent la chute continue des abonnés de Netflix, il est bon de se souvenir que les productions de la plateforme répondent toute à des critères précis. On ne trouve pas n’importe quoi dans son catalogue, même s’il parait d’une grande variété.
En effet, quand on examine la ligne éditoriale de Netflix, qu’il est bien utile de connaître quand on veut lui écrire un scénario, on peut dire, en résumé :
- Qu’elle s’adresse à un public âgé en général de 15 à 35 ans.
- Que les intrigues qu’elle met en scène sont toujours fondées sur l’amour ou la peur.
- Qu’elle veille à ce que la distribution y soit multi-ethnique, indifférente aux genres, voire transgenre.
- Et que le tout est naturellement transposable et visible dans toutes les parties du monde.
De fait, comme on l’a écrit par ailleurs :
Netflix envisage toujours sa production d’un point de vue global. Autrement dit, mondial. En effet, une bonne série selon Netflix doit pouvoir être vue par un public mondialisé.
Moyennant quoi, la plateforme de Reed Hastings est monté jusqu’à plus de 221 millions d’abonnés en pleine crise sanitaire liée au covid-19. Mais, les choses ont l’air de changer. Alors que la plateforme voyait ses abonnés croître régulièrement depuis 10 ans, à raison de plusieurs dizaines de milliers chaque année, elle vient d’en perdre 200 000 d’un coup, au cours du premier trimestre 2022.
Cela, au lieu des 2,5 millions supplémentaires attendus ! Soit un écart de 2,3 millions par rapport aux prévisions.
Et ça pourrait continuer ! En effet, elle prévoit d’en perdre encore au second trimestre. Cette fois, la perte pourrait être de près de 2 millions d’abonnés ! Les marchés financiers n’ont pas aimé et le titre Netflix a carrément dévissé. A la suite de ces annonces, il vient ainsi de perdre près de 50 milliards de dollars de capitalisation boursière
Simple accident dans un parcours glorieux ou signe de temps nouveaux ? L’avenir le dira. En tout cas, le Hedge Fund Pershing Square Capital Management, lui, ne veut pas attendre pour voir. Bill Ackman, son propriétaire, a préféré revendre la participation qu’il a prise dans Netflix, il y a seulement trois mois, et perdre, au passage, près de 400 millions de dollars pour éviter d’en perdre plus, dans quelques mois.
Pour le milliardaire, il n’y a aucun doute à avoir, l’avenir de la plateforme est trop sombre.
les principales raisons avancées par Netflix pour expliquer la baisse du nombre de ses abonnés
Pour la plateforme, cette baisse résulte de trois grands types de facteurs : des facteurs conjoncturels, des facteurs techniques et des facteurs commerciaux :
- Au nombre des facteurs conjoncturels figure au tout premier rang la guerre en Ukraine. Elle s’est immédiatement traduite par la fermeture de 700 000 comptes d’abonnés russes. Comme pour bien d’autres entreprises, c’était difficile à prévoir et d’y échapper.
- Pour ce qui est des facteurs techniques, les choses sont un peu plus compliquées. Beaucoup d’utilisateurs de Netflix en partagent les codes avec d’autres utilisateurs qui ne sont pas abonnés. Netflix veut y faire « la chasse » et pénaliser les contrevenants. Evidemment, une grande partie de ceux-ci préfèrent s’en aller et répondre aux autres offres présentes sur le marché.
- Au titre des facteurs commerciaux, Netflix n’en retient principalement qu’un. De ce point de vue, la baisse du nombre de ses abonnés, c’est essentiellement la faute à l’émergence des nouvelles plateformes de streaming telles que : OCS, Disney +, Amazon Prime Video, Apple TV ou encore HBO max. En clair, c’est la faute aux autres.
Pour faire face à cette concurrence, Netflix augmente régulièrement et sensiblement le prix de ses abonnements. Et comme cette augmentation régulière va bientôt toucher ses limites, elle envisage prochainement d’introduire des pubs en tête de ses programmes les plus basiques.
En réalité, au-delà des facteurs conjoncturels et techniques, Netflix a un problème avec son business model. C’est bien de cela dont s’est rendu compte, un peu tard, Bill Ackman. Mais, comme on dit, mieux vaut tard que jamais.
Le problème du business model de Netflix et les enseignements qu’on peut en tirer pour l’écriture d’un livre
Jusqu’à présent, le business model de Netflix lui a permis de conquérir 29 % des parts de marché. Mais, ses concurrents ne sont pas loin derrière. Amazon Prime Video est à 26 % et Disney + à 17 %.
A vrai dire, si on écoute les abonnés de longue date, pour eux :
Le service a bel et bien perdu de sa superbe.
Et cela, malgré la production de séries comme Bridgerton ou Lupin. Que se passe-t-il donc au royaume de Netflix ? Eh bien, tout d’abord, en quelques années, le catalogue a été revu de fond en comble. Autrement dit, son offre produit a été revue et corrigée.
Le nombre de films disponibles a ainsi diminué de 35 % depuis 2015 et désormais 1 film sur 2 est une production Netflix Originals. Et la tendance n’est pas prête de s’inverser, car la plateforme prévoit d’investir, en 2022, 17 milliards de dollars dans ces productions.
De fait, grâce à sa politique éditoriale, Netflix a très tôt senti dans quelle direction le vent de la faveur du public pouvait souffler et a, notamment, fait siennes, bien avant l’heure, les observations dont a rendu compte l’étude précitée de l’USC. D’où des productions qu’on ne pouvait trouver nulle part ailleurs et son lourd investissement dans leurs réalisations.
Comment interpréter la baisse du nombre d’abonnés Netflix ? Eh bien, peut-être que le vent de la faveur du public n’est plus tout à fait le même. Peut-être qu’il a moins de puissance ou qu’il hésite sur sa direction. Et cela, indépendamment, des injonctions morales ou politiques qui peuvent l’accompagner.
Ce qui permet de revenir à la question fondamentale du choix par un auteur de roman de son schéma narratif.
Sur quelles bases choisir son schéma narratif
il y a, au fond, deux grandes raisons pour lesquelles on écrit.
La première, « toute bête », est commerciale. On écrit pour répondre à une commande ou répondre à l’attente de clients, en l’occurrence des lecteurs. Evidemment, dans ce cas de figure, on va s’efforcer de suivre, au plus près, les directives du donneur d’ordre, ou les attentes supposées du public que l’on vise. C’est simple comme bonjour et il suffit de cocher les bonnes cases pour que ça marche.
Pas besoin de faire un dessin pour savoir lesquelles, mais pour vous faciliter la vie, avant de commencer à écrire et si vous vous trouvez dans ce cas de figure, on vous conseille de vous remettre en mémoire les principes d’un bon schéma narratif.
La seconde, pas forcément rentable, a priori, c’est d’écrire en suivant ses seules idées. Notez qu’il faut quand même avoir un schéma narratif qui tienne la route pour que votre création soit lisible. Là, vous ne vous préoccupez absolument pas des attentes de qui que ce soit, vous écrivez pour vous-même le livre que vous auriez aimé trouver sur l’étal de votre libraire préféré, sans jamais le trouver.
Cela dit, à charge pour vous, ensuite, de « tomber » sur l’éditeur qui acceptera de vous le publier. Très honnêtement, mieux vaut d’emblée oublier l’éditeur et rechercher plutôt la plateforme d’autoédition qui vous conviendra le mieux. N’oubliez pas que l’autoédition est souvent le chemin, finalement, le plus court vers l’édition classique
En bref, ce que nous apprend la baisse des abonnés Netflix
Netflix est une plateforme commerciale. Elle veut engranger des profits. D’ailleurs, ça lui réussit plutôt bien. Malgré ses déboires, son bénéfice net au premier trimestre de 2022 est de 1,6 milliards de dollars. C’est à peine moins que celui du premier trimestre 2021 qui s’est élevé à 1,7 milliards de dollars.
Pour l’instant, ça ne semble pas à l’ordre du jour, mais si Netflix veut conserver ses parts de marché, peut-être faudra-t-il qu’elle révise sa ligne éditoriale pour être plus en phase avec les nouvelles attentes de son public. Et de ce point de vue, les constats des études comme celles menées par l’USC resteront à l’état de constats.
Au final, pour faire simple, soit vous écrivez pour un marché, soit vous écrivez parce que vous avez des choses à dire. Mais, dans l’un et l’autre cas, il vous faut surtout un schéma narratif pertinent et peu importe les partis pris des uns ou des autres. Lancez-vous !