Ecrire une saga ou écrire une série littéraire, ce n’est la même chose. Mais, l’une et l’autre répondent au même besoin. Celui de suivre un personnage, un héros ou une histoire sur la durée. Ce besoin d’un récit long peut être celui des lecteurs, des auditeurs, ou de l’auteur.

On comprend bien qu’écrire une histoire en ayant la perspective de la faire durer ne peut pas s’écrire de la même façon qu’une histoire avec un début, un développement et une fin, le tout, bouclé en 150 pages. Par ailleurs à côté de la saga, de la série littéraire et du roman unique, il y a aussi place pour les chaînes de romans uniques avec, notamment, des personnages reparaissant. Autrement dit, des cycles.

 

Les récits longs : sagas, séries littéraires et cycles

Récit long 

Que faut-il entendre par récit long ? Comme aurait pu le dire La Palice, c’est un récit qui s’étire sur plusieurs centaines de pages. Comme un long fleuve tranquille avec ses moments tumultueux entre deux berges et ceux où ces berges deviennent indiscernables tant le fleuve s’est élargi.

On le voit, un récit long est un récit qui embrasse beaucoup d’évènements et de personnages. Et pour s’y retrouver, on a besoin d’indiquer au lecteur s’il s’agit d’une saga, d’une série littéraire ou d’un cycle de romans.  

 

Saga définition 

Une saga concentre un ou plusieurs récits sur le même thème : un personnage, un héros, une famille, ou un lieu. S’il s’agit d’un héros, le lecteur va pouvoir en suivre la vie, quasiment de sa naissance à sa mort. S’il s’agit d’une famille, le récit va s’étaler sur plusieurs générations. Et s’il s’agit d’un lieu, on peut même avoir un récit se déroulant sur plusieurs centaines d’années. Voyons cela plus en détail.

 

Saga centrée sur un personnage principal

Un bon exemple de ce type de saga est fourni par l’histoire d’Harry Potter. Elle commence avec l’arrivée du jeune Harry Potter à l’école des sorciers et se termine plusieurs années plus tard à la fin de son cycle d’études.

 

Harry Potter
Saga centrée sur un personnage principal: Harry Potter

 

Chaque tome de cette saga correspond à une année passée dans l’école. Evidemment, entre le début et la fin, le jeune héros n’est plus tout à fait le même. D’enfant, il est devenu adulte. Beaucoup de livres de littérature fantastique pour la jeunesse sont bâtis suivant ce modèle. Ainsi par exemple, la tétralogie de fantasy de Robin Hobb, publiée sous le titre de « Ki et Vandien » et le nom de plume de Megan Lindholm.

 

Saga centrée sur une famille

Pierre Lemaître vient d’en écrire une très intéressante avec sa trilogie commencée avec « Au revoir là-haut », Prix Goncourt 2013, « Couleurs de l’incendie » et « Miroir de nos peines ». Il y raconte l’histoire de deux poilus de la Grande Guerre et de leurs descendants, de la fin de cette guerre jusqu’au début de la suivante. Les évènements familiaux se mêlent à ceux de la grande histoire. Le dernier tome s’arrête le 13 juin 1940.

On peut le faire suivre de la trilogie de Régine Deforges, « La bicyclette bleue ». Son premier tome commence en 1939. Ces deux sagas ont été l’une et l’autre de gros succès de librairie.

 

Saga centrée sur un lieu

Avec la saga centrée sur un lieu, on en revient aux origines même de ce qu’est une saga et à son étymologie qui renvoie à la période viking. Autrement dit, au Landnamabok, le Livre de la Colonisation, celle de l’Islande par les vikings norvégiens, entre 870 et 930, AP. J-C et première saga, proprement dite, de tous les temps. Les auteurs peuvent y être différents comme les personnages principaux.

 

Landnamabok, le Livre de la Colonisation
Landnamabok, le Livre de la Colonisation

 

On touche là aux débuts de la littérature et aux récits racontés par des conteurs quand les livres n’existaient pas. Notons que « dire » en allemand se dit sagen et to say, en anglais, deux langues d’origine saxonne. De ce fait, on peut considérer aussi comme des sagas, les récits de l’Illiade d’Homère ou encore ceux des griots africains. Ainsi en Afrique de l’Ouest, dans la société Mandingue, le griot est considéré comme un véritable artisan du verbe. Et comme le dit, l’ethnologue Vincent Zanetti :

Instrument de prestige des puissants, arbitre des conflits sociaux, il peut être généalogiste, traditionnaliste, détenteur des légendes et des mythes. 

La saga d’origine est donc un ensemble de mythes et de légendes porteurs d’une vérité fédératrice qui passe les siècles, liant une terre et un peuple. C’est dire si le mot saga a une connotation, par nature, lourdement chargée. 

 

Série littéraire définition

Une série littéraire n’est pas aussi lourde à composer qu’une saga et, de fait, elle est plus facile à mettre en œuvre. Pourquoi ? Parce qu’elle n’implique, en principe, que peu de personnages et chaque tome d’une série correspond à une histoire complète.

Lorsque cette histoire est finie, le lecteur en connait le dénouement. Rien à voir avec une saga. Dans celle-ci, le dénouement n’est connu qu’au tout dernier tome. Et ça peut prendre du temps. 

Les romans policiers, les thrillers psychologiques, les romans fantastiques ou encore les romans de science-fiction sont une mine pour les séries littéraires. On y suit le personnage principal de tome en tome, de livre en livre, au travers d’histoires sans relation entre elles. Même si, quelque fois, l’auteur fait une allusion à l’un de ses précédents récits. 

 

Qiu Xiaolong
Les romans policiers de Qiu Xiaolong

 

C’est le cas, par exemple, avec les romans policiers de Qiu Xiaolong. Sa série Chen Cao, commencée en 2000, comprend à ce jour, 11 titres. Chacun retrace une enquête de l’inspecteur Chen. En général, à Shanghaï, ou dans ses environs.

Au-delà de l’enquête, proprement dite, comme pour beaucoup de romans policiers, l’auteur, qui vit aujourd’hui aux Etats-Unis, en profite pour donner des aperçus critiques sur le fonctionnement réel de la Chine contemporaine. 

 

Cycle de romans définition

S’engager dans l’écriture d’un cycle romanesque est une autre façon d’écrire un récit long. Le maître en la matière demeure Balzac avec le monument littéraire qu’il a intitulé La comédie humaine. L’ensemble regroupe plus de 90 ouvrages dont l’écriture s’est échelonnée de 1829 à 1850.

Toutefois le cycle romanesque, proprement dit, ne comprend que 9 romans. Là, pas vraiment de saga familiale, même si on y voit évoluer certains personnages avec le temps, souvent sous forme de personnages reparaissants, mais une multiplication de scènes de genre et d’univers liés par le thème fédérateur de la Comédie humaine

 

La saga Malaussène
La saga Malaussène

 

Ce cycle doit beaucoup, mais évidemment pas seulement, il faut bien le dire, au mode de vie de Balzac, très dépensier, et à la façon dont on rétribuait les auteurs, notamment la presse, à cette époque. Autrement dit, Balzac qui avait de gros besoins financiers et qui publiait souvent ses récits en feuilletons dans les journaux de son temps ne dédaignait pas ; que les puristes nous pardonnent ; de « pousser » les lignes, pour être davantage rémunéré. La rémunération se faisant à la ligne, les descriptions balzaciennes nous paraissent aujourd’hui, parfois, bien longues. 

Plus près de nous, on peut penser à  » La saga Malaussène », de Daniel Pennac, en réalité un cycle romanesque de 7 romans, commencé en 1985 et qui se poursuit encore maintenant.

 

Pourquoi écrire un récit long ?

Ce qui vient d’être évoqué avec ce grand écrivain classique qu’est Balzac rappelle qu’un auteur qui s’engage dans un récit long veut aussi, en général, en vivre et pourquoi pas, en faire un bestseller. Comme, par exemple, pourquoi pas, « Le seigneur des anneaux ». Cela ne signifie pas, bien sûr, que pour vivre de sa plume, il faille nécessairement en passer par là. Cependant, il faut reconnaître que l’écriture d’une série littéraire ou d’une sage présente deux grands avantages.

 

Facilité d’écriture de la saga ou de la série littéraire

Par facilité, il faut entendre le fait que le récit long permet d’exploiter au maximum le gros travail fourni par l’écrivain pour réunir la documentation nécessaire à l’écriture de son manuscrit. Quand Qiu Xiaolong écrit une enquête de l’inspecteur Chen, il peut puiser dans toute la masse d’informations qu’il a réuni au fil du temps sur l’environnement de son personnage. Pas besoin de faire de nouvelles recherches, sinon à la marge, pour créer un nouvel univers.

 

Facilité d'écriture de la saga ou de la série littéraire
Facilité d’écriture de la saga ou de la série littéraire

 

Atout marketing de la saga et de la série littéraire

L’autre avantage d’un saga ou d’une série, ou encore d’un cycle romanesque, c’est de s’adresser à un même public. De parution en parution, au noyau initial de lecteurs s’ajoutent de nouveaux lecteurs attachés à la fois à un personnage et à un auteur.

 

Les erreurs à ne pas commettre 

En filigrane aux deux points précédents, il n’est pas difficile de se rendre compte qu’ils peuvent être également source d’un certain nombre d’inconvénients. En effet, à la longue, la veine créatrice de l’auteur peut finir par s’épuiser et arrive un moment où, par exemple, l’énième enquête de l’inspecteur XY finit par lasser et par avoir un malheureux goût de déjà-vu. Mortel.

 

Les erreurs à ne pas commettre 
Les erreurs à ne pas commettre

 

Et question de technique d’écriture ou d’art narratif. Par conséquent, pour éviter d’en arriver là, il n’est pas inutile de prendre quelques précautions. Entre autres :

  • Chaque histoire doit être conçue comme si elle était unique. Surtout pas d’intrigue répétitive !

 

  • Les personnages sont certes fictifs, mais sont aussi des êtres vivants. De livre en livre, on doit donc les voir évoluer. 

 

  • Commencer un livre par un résumé rappelant le précédent, n’est pas franchement une bonne idée. Il y a de quoi plomber l’histoire avant même qu’elle ne commence. 

 

  • Cependant, il est souhaitable de veiller à ce que d’un livre à l’autre, il y ait une cohérence entre les évènements et les personnages. Si on quitte l’un d’entre eux, par exemple, en train de tomber d’une falaise et s’écraser en contrebas, on ne peut pas le retrouver frais et rose comme un gardon dans un autre livre. Même au prix d’une résurrection invraisemblable.

 

  • Enfin, si dans une saga on peut attendre la fin pour donner les réponses aux questions posées, dans une série celles-ci doivent être données à la fin de chaque livre.

 

En résumé :

Écrire un récit long présente beaucoup d’avantages. Notamment, en matière de créativité, d’imagination et de fidélisation de son lectorat. Et donc de rémunération.

Qu’il s’agisse d’une saga, d’une série littéraire ou d’un cycle romanesque. Mais, ce type de projet éditorial a aussi des inconvénients : auteur et lecteurs peuvent finir par se lasser l’un de l’autre. On peut naturellement réduire les inconvénients liés à l’écriture d’un récit long en prenant certaines précautions. 

Quoi qu’il en soit, avant de s’engager dans un tel récit, il est conseillé de bien réfléchir à ses motivations et à ce que l’on est prêt à écrire réellement. Souvent, l’écriture d’un récit court, roman ou recueil de nouvelles, se révèle être la bonne porte d’entrée pour un auteur débutant. En effet, il sera toujours plus facile de partir pour voyage de 150 pages, ce que produit chaque année un auteur à succès comme, par exemple, Amélie Nothomb, que pour un de 1000.

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