Le quoi ? L’exciput, ah non, l’excipit ! Qu’est-ce que c’est et d’abord, ça sert à quoi ? Jamais entendu parler !

Voilà une des réactions, parmi bien d’autres, de beaucoup d’auteurs quand on commence à leur parler de la fin de leur livre et qu’on leur pose la question figurant en titre de ce post. Pourquoi donc s’intéresser à la fin de son livre et à sa forme. Trop content de l’avoir fini ce fichu livre.

Il est comme il est. Oui, mais voilà, une fois un livre terminé, la course ne fait que commencer quand on passe à la phase édition. Et, la fin d’un livre est, en fait, aussi importante que son début.

Du point de vue des comités de lecture et, bien sûr, de celui des lecteurs. Alors comment s’y prendre pour faire un bon excipit ?

 

Tout ce qu’il faut savoir sur la prononciation de excipit

Avant de répondre à la question posée, encore faut-il savoir de quoi on parle exactement et pour commencer, savoir comment prononcer le mot qui l’exprime. Comme la droite et la gauche, les bonnets pointus et les bonnets carrés, il y a les partisans de l’exkipit et les partisans de l’exsipit.

 

Tout ce qu'il faut savoir sur la prononciation de excipit
Tout ce qu’il faut savoir sur la prononciation de excipit

 

Prononciation à la latine de excipit

Les partisans de « excipit » prononcé à la façon des latins du monde antique sont souvent heureux de faire savoir ainsi que, dans des temps très anciens, ils ont fait du latin. Effectivement, le mot excipit fait référence au verbe latin excipere, mais surtout est un néologisme récent ; il daterait des années 90 ; forgé à partir de ce verbe pour faire le pendant à l‘incipit qui signale le début d’un livre. Quoi qu’il en soit, de ce point de vue, le « c » se pronoce « k ».

 

Prononciation à la française de excipit

Ce à quoi les partisans du « c » prononcé « s » rétorquent qu’étant en France, au 21ème siècle, on n’a que faire d’une prononciation à la latine. Où va-t-on si on se met à adopter ce genre de fantaisie que personne ne comprend plus aujourd’hui ? Passe encore pour le « week-end », tout le monde parle anglais maintenant.

C’est très facile et ça s’apprend sans peine depuis son canapé, parait-il. Il ne viendrait, donc, à personne l’idée de dire qu’il part en « waik hand ». Mais, le latin ! Alors que diable, restons français, et disons exsipit comme il se doit en bon français.

 

Règle de prononciation du « c »

 

Maurice Grevisse
Maurice Grevisse

 

La grammaire française est bien faite. Elle répond à tout et on ne saurait trop recommander aux puristes d’aller faire un tour du côté du bon usage de la langue française de Maurice Grevisse. La bible dans ce domaine !

C’est plus simple, non ? Et qu’est-ce qu’on y dit à propos de la prononciation du « c » ? Eh bien, qu’il y a deux façons de le prononcer. Ah, tiens donc !

On sent le regard des tenants du « k » et du « s » pétiller d’impatience sur l’air de « on vous l’avait bien dit ». Oui, mais pas pour les raisons invoquées. Tout se résume à une question de voyelle ou de consomme placée ou non après le fameux « c ». 

  • Autrement dit, un « c » suivi d’une consonne est un « c » dur et se prononce « k ». Et, un « c » suivi d’une voyelle est un « c » doux et se prononce « s ».

Ce qui donne, par exemple, ciseau avec un « c » doux parce que suivi de « i » et occulte avec un « c » dur parce que suivi d’une consomme. Waouh, super ! Mais, avec écoute, on devrait alors dire « ésoute  » ? C’est certain. Vous n’y aviez jamais pensé.

Merci le blog de CoolLibri.

Sauf que, pas de bonne règle sans exceptions. Il faut donc faire un tri dans les consonnes et les voyelles. 

  • Il y a les voyelles « dures » et les voyelles « molles ». C’est nous qui les qualifions ainsi. Les fameuses a, e, i, o, u et n’oublions pas « y »se répartissent donc en a, o, u voyelles « dures » et i, e, y, voyelles « molles ». Et voilà, le tour est joué. De ce fait, « écoute » se prononce bien « ékoute ». Ouf, sauvé !

Trop simple, too much. Une exception est rarement solitaire. En général, elle se fait accompagner.

Normal, par nature, elle est exceptionnelle. Donc ; vous y avez sûrement pensé ; il faudrait dire, alors, Frankais au lieu de fransais ? On a bien un « c » devant une voyelle « dure », non ? 

  • Oui, mais c’est un « c » spécial celui-là. Il a une cédille ! Oooh ! Et le banc, et le banc, et le blanc, et le blanc, et le lac, et le lac, et le bec , et le .. Alouette, je te plumerais, comme dans la chanson. Les exceptions n’en finissent pas ! Sauf que toutes les bonnes choses ont une fin, y compris les subtilités de la prononciation du « c ».

Par suite, dernières spécialités du « c », en fin de mot, il se prononce « k », et pas du tout, dans 9 cas de figure.  D’où le lak, mais le blan et pas blank. Pas de logique pour ceux-là.

Il faut les connaître, c’est tout. En général, ça vient de leur passé. Pour blanc, par exemple, ça viendrait de blank. Tiens, tiens, revoilà le « k » et ça serait d’origine germanique. Blank en ancien germain signifie hache et comme les haches des anciens germains étaient bien lisses et bien brillantes, ça a donné blanc. 

  • Allez, un dernier effort. A côté de blanc, on a, de même, banc, franc, flanc, porc (qui ne se prononce donc pas « pork »), jonc, tronc, escroc et croc.

 

Subtilités d’une langue

L’exemple de la prononciation du « c » est un bon exemple de ce que l’on peut entendre par subtilité d’une langue. C’est la maîtrise de ces sortes de subtilités qui fait un bon auteur et qui, de toute façon, fait la différence entre un style et un autre. Car, il ne faut pas l’oublier, un texte, quel qu’il soit, est aussi toujours « musical ».

La fameuse musique des mots.

 

Subtilités d'une langue
Subtilités d’une langue

 

Et, au passage, les tentatives pour évacuer, d’un texte ou d’une langue, ses subtilités, loin d’en faciliter le maniement ont toujours été sources de difficultés à venir. Enfin, elles ne s’acquièrent que par la fréquentation des auteurs que le temps et la littérature ont consacré. Laquelle est toujours accessible à tous, par la lecture, justement. Et, dans une bonne bibliothèque, tout simplement.

Sans se soucier des thèses et des théories sur l’histoire de la littérature comme celles initiées par Hans Robert Jauss sur l’histoire de la réception des oeuvres qui raviront les chercheurs.

 

Prononciation de excipit 

Comme le « c » de excipit précède une voyelle « molle », qu’il ne comporte pas de cédille et qu’excipit ne fait pas partie d’une liste de mots spéciaux, il n’y a, par conséquent, aucune raison qui oblige à le prononcer à la mode latine. Sauf à faire savoir qu’on a fait du latin à un moment de sa vie. Donc, d’un point de vue grammatical, on doit dire exsipit.

Cela, d’autant plus, qu’il s’agit d’un néologisme créé de toute pièce. Il est temps de voir maintenant à quoi ça sert un excipit.

 

Rôle de l’excipit à la fin d’un livre

L’excipit, autrefois

Il n’en a pas. Ou plutôt, si. Il signifie simplement qu’on est arrivé à la fin du livre.

C’est sa signification première. Elle correspond à la mention qu’on trouvait à la fin des rouleaux de papyrus du monde antique pour indiquer au lecteur qu’il était arrivé au bout du rouleau. C’est donc l’opposé de la mention « incipit » qui signifie l’inverse.

De plus, on ne disait pas « excipitus liber est », mais « explicitus liber est ». Le livre est déployé. C’est de là que vient d’ailleurs l’expresssion « explicite ».

L'excipit, autrefois
L’excipit, autrefois

Par suite, ce qui est explicite, c’est ce qui a été complètement développé. Déployé, en quelque sorte.

 

Définition de l’excipit

Aujourd’hui, le rôle de l’excipit est un peu plus complexe et c’est pourquoi, d’une certaine façon, on a recours désormais à l’expression excipit plutôt qu’à celle d’explicit. Pour faire court, l’excipit répond à l’incipit. Il ferme la boucle ouverte par l’incipit. Autant ce dernier « appâte » le lecteur, pose le problème, autant l’autre, met fin au dilemme et donne la solution.

L’excipit, en bref, c’est le mot de la fin d’un livre.

 

Les grandes catégories d’excipit en fin de livre

Elles dépendent du ton de l’excipit et de sa taille. Ainsi, un excipit peut aller d’une simple phrase à un chapitre entier. Mais, dans un cas comme dans l’autre, de toute façon, l’excipit est placé en fin de livre.

Par ailleurs, un excipit peut avoir, notamment, une tonalité dramatique, philosophique ou anticipatrice.

 

Les fins de livre courtes

C’est l’excipit habituel d’un conte. A la fin de l’histoire, tout rentre dans l’ordre. Ainsi dans la Belle au bois dormant, de Charles Perrault.

Une méchante fée jette un sort sur une princesse, bien sous tous rapports, belle, intelligente, etc. Mais pour que ça dure, surtout qu’elle ne se pique pas un doigt. Sinon, il lui faudra attendre le baiser amoureux d’un prince charmant.

 

BELLE AU BOIS DORMANT
La Belle au bois dormant

 

Patatras ! La princesse, oubliant la malédiction, se pique le doigt le jour de ses 16 ans. Et hop, la voilà endormie pour des années et des années, de même que tous ceux qui sont autour d’elle.

Et impossible d’approcher le château où elle s’est endormie. Il disparait sous une forêt vierge. Jusqu’au jour où, un jeune homme, n’écoutant que son courage, passe outre et s’en va vérifier la légende. Et là, miracle, il découvre la jolie princesse et dépose un baiser sur son front. Alors, nous dit le conteur :

Comme la fin de l’enchantement était venue, la princesse s’éveilla ; et le regardant avec des yeux les plus tendres qu’il eut vu : – Est-ce vous, mon Prince ?  lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre. 

 

Que c’est mignon. Fin de l’histoire ? Non, pas tout à fait. Encore un petit paragraphe, puis vient, l’excipit proprement dit, la phrase finale qui règle tout et qui met un point final à l’histoire : 

Le Prince aida la Princesse à se lever et lorsqu’ils allèrent retrouver le Roi et la Reine, réveillés eux-aussi, le Prince leur demanda la main de leur fille. 

On le voit, une fin de livre n’arrive pas comme un cheveu sur la soupe. Même courte, il y faut un minimum de préparation. C’est pourquoi, elle peut courir sur plusieurs pages.

Ainsi la mort de Julien Sorel le héros du Rouge et le Noir de Stendhal.

 

Les fins de livre longues

Beaucoup de romans ont des fins de cette nature. Mais, cette longueur de l’excipit reste néanmoins toute relative. Le Rouge et le Noir se termine, précisément, par la mort de Mme de Rênal, par là même où tout avait commencé, mais le dernier chapitre commence aussi par celle de son héros, Julien Sorel, emprisonné et condamné pour avoir essayé de la tuer.

En fait, surtout pour avoir tenu des propos révolutionnaires pour l’époque. 

 

Par les soins de Mathilde, cette grotte sauvage fut ornée de marbres sculptés à grand frais en Italie. Mme de Rênal fut fidèle à sa promesse. Elle ne chercha en aucune manière à attenter à sa vie ; mais, trois jours après Julien, elle mourut en embrassant ses enfants. 

Voilà la destinée de trois personnages romanesques résumée en deux phrases. Avec cet excipit, bien préparé par les autres pages du dernier chapitre, tout est dit.  Moins romanesque ou plein d’émotion, mais tout aussi dramatique et tout aussi bien amené, on peut également citer l’excipit de l’Etranger, de Camus : 

Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine. 

On ne saurait mieux décrire le nihilisme. Ses causes et ses effets. Tout ça, dans l’excipit.

Raison pour laquelle, certains lecteurs commencent leur lecture en regardant, d’abord, comment finit le livre qu’ils veulent lire. Pour en savoir plus et voir comment on y arrive. Deux excipits, pas si loin, au fond, de l’excipit de Germinal, écrit par Emile Zola :

Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre. 

 

Préparation de la fin d’un livre et de son excipit

On le voit avec les deux exemples qui précèdent. Un excipit tient peu de place, mais il constitue le temps fort d’une fin et celle-ci se prépare. Plus ou moins.

Plus, dans le cas d’un roman, d’où des parties qui deviennent des épilogues, moins, dans celui d’un conte ou d’un poème. C’est pourquoi, dans ce cas précis, on parle de chute. 

Le manque de préparation d’un excipit a son expression. C’est le desinit. ??? Oui, le desinit, tiré de l’expression « Desinit in piscem ».

Autrement dit, le desinit est un excipit raté. Car l’expression siginifie expréssément que le texte finit en queue de poisson. Bref, que la fin n’est pas à la hauteur du début.

 

Les excipits dramatiques, philosophiques ou anticipateurs

Des deux premiers, l’excipit dramatique et l’excipit philosophique, on en a des exemples avec les exemples précédemment cités. L’excipit d’un conte, ou d’une fable, est pratiquement toujours d’ordre philosophique ou moral. Ainsi, autre exemple, tiré d’une des fables de La Fontaine, « L’écolier, le pédant et le maître d’un jardin« .

Elle raconte l’histoire d’un gamin qui saccage les arbres fruitiers d’un brave homme, au prétexte qu’il en sait plus lui.

Excipit de fable ou de conte

 

FABLES DE LA FONTAINE
Les Fables de La Fontaine

 

Ce dernier se plaint au maître du gamin de son comportement. L’autre lui répond en lui amenant toute la bande d’écoliers, dont il « s’occupe », tout en lui tenant de beaux discours rhétoriques sur le savoir. Résultat des courses, plus de verger du tout.

Morale de l’histoire, autrement dit, excipit de la fable, chacun à sa place ou dans son domaine : 

Je hais les pièces d’éloquence

Hors de leur place, et qui n’ont point de fin ;

Et ne sais bête au monde pire

Que l’Ecolier, si ce n’est le Pédant,

Le meilleur de ces deux pour voisin, à vrai dire,

Ne me plairait aucunement.

Autre exemple d’excipit philosophique, celui très connu de Candide, de Voltaire, où l’on parle aussi de jardin :

Tous les évènements sont enchainés dans le meilleur des mondes possibles (…) Cela est bien dit, mais il faut cultiver notre jardin.

 

Excipit de roman

Par ailleurs, à côté des excipits dramatiques, où le personnage principal meurt, comme dans le Rouge et le Noir, il y a, fort heureusement, des excipits plus gracieux ou poétiques. C’est selon l’inspiration de l’auteur pour la fin de son livre.

Et s’il n’arrive pas à se déterminer pour choisir l’excipit qui va bien, il peut toujours se rabattre sur l’écriture d’un roman à choix multiples et laisser ses lecteurs choisir la fin qu’ils désirent.

Enfin, à noter que l’excipit du premier tome d’un roman faisant partie d’une série se doit, d’une manière ou d’une autre, annoncer le tome suivant. Par exemple, Le tome 1 de Michel Strogoff, le roman de Jule Verne, se termine de la manière suivante : 

Tous deux étaient prisonniers, et, en même temps qu’eux, Michel Strogoff, surpris à l’improviste au moment où il allait s’élancer par la fenêtre, tombait entre les mains des Tartares !

Obligé de lire le second tome, pour savoir ce qui est arrivé à ce pauvre Michel Strogoff tombé aux mains des Tartares.

 

Incipit en début de livre et excipit en fin de livre

Un bon excipit renvoie à l’incipit. Il en est en quelque sorte la conclusion. C’est pourquoi on ne peut pas avoir à choisir entre incipit ou excipit.

Les deux sont liés et cette liaison est nécessaire. Un très bon exemple est fourni par l’excipit de Bel Ami, le roman de Guy de Maupassant : 

Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais, il ne les voyait point : sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l’éclatant soleil flottait l’image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit. 

Magnifique ! Avec cette dernière phrase, Maupassant jette comme un pont entre le point d’arrivée de son héros et son point de départ. Et si on a commencé le roman de Maupassant par la fin, on ne peut que vouloir en savoir plus.

Mais, qui est donc cette Mme de Marelle qui, apparemment, est à l’origine du succès du héros ? Certains excipits ont ainsi autant d’importance que certains prologues, voire même, que certaines préfaces.

Que faut-il retenir ? L’incipit lance le roman, l’excipit le conclut. A la question posée par l’incipit, l’excipit apporte une réponse. De manière tout aussi synthétique.

De sorte que le lecteur pressé peut avoir une idée du roman, ou de tout autre texte, en lisant simplement son incipit et son excipit. En plus, en général, du titre, de l’illustration de sa couverture et de son seul résumé de 4ème de couverture.

D’où l’importance de bien travailler la fin d’un livre, plus particulièrement, les premières et les dernières phrases de tout texte qu’on envisage d’imprimer et publier.

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